L'ordre barbare du califat

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Dernière mise à jour le 22 janvier 2024

Le Figaro, édition du 10/09/2014 par Georges Malbrunot

L’État islamique repose sur le sens de l’organisation des anciens militaires du régime de Saddam Hussein et le fanatisme religieux de son chef, le « calife » Abou Bakr al-Baghdadi. Ce dernier est entouré d’un conseil de guerre. Des « ministres » et des « gouverneurs » administrent les territoires conquis en Irak et Syrie.

L’horrible bizutage est infligé à certains nouveaux venus dans l’État islamique (EI). « Plusieurs prisonniers ont raconté avoir été sodomisés peu après leur arrivée en Irak ou en Syrie », nous affirme un dirigeant kurde dont le mouvement détient des djihadistes. « À travers ces humiliations, ajoute-t-il, Daech (l’acronyme arabe de l’EI) cherche à faire revenir ces combattants à l’état d’animal pour qu’ils soient prêts à commettre les pires exactions. Et comme ces séances ont été filmées, l’homme ainsi abusé sera renié par sa famille, si jamais il quittait les rangs de l’État islamique. » Une « véritable fabrique de la barbarie », pour l’opposant syrien Haytham Manna, qui s’apprête à publier une enquête sur « le Califat de Daech », fruit de trois mois d’observation des méthodes de ce monstre moyenâgeux au fonctionnement opaque.

À sa tête, le calife Abou Bakr al-Baghdadi, dont la tête a été mise à prix par les Américains à hauteur de 10 millions de dollars. Cet ancien professeur de charia de 51 ans est la caution religieuse de l’EI. Autour de lui, siègent dans un véritable cabinet de guerre une demi-douzaine d’anciens officiers de l’armée ou des services de renseignements de Saddam Hussein, ivres de vengeance depuis leur démobilisation par les Américains, dans la foulée du renversement du dictateur à Bagdad en 2003. C’est ce premier cercle de centurions, sans grande référence religieuse, qui, dans la plus pure tradition bassiste, offre à l’EI organisation, discipline, goût du secret et cruauté.

« C’est un groupe qui a exercé le pouvoir, analyse Haytham Manna. Certains ont fait la guerre contre l’Iran avec Saddam Hussein. D’autres ont torturé des prisonniers chiites et kurdes, mais tous ont été torturés après 2003 par les occupants américains de l’Irak. » Si Bagdadi décide, la force de l’EI vient de ces convertis au djihadisme, rompus à la clandestinité. Deux cents officiers de l’armée de Saddam Hussein auraient ainsi rallié l’organisation. « Aux yeux de Baghdadi, ces ex-baasistes sont devenus de bons musulmans, après avoir expié leur passé, et prouvé par leurs faits d’armes qu’ils étaient des combattants valeureux », ajoute Manna.

Une organisation atteinte de paranoïa

Proche du calife, Abou Mouslim al-Turkmani pilote le nouveau réseau de contre-espionnage mis en place par l’EI dans les territoires sous son contrôle en Irak et en Syrie. Une priorité pour une organisation où l’on se méfie comme de la peste des infiltrations. Ancien officier du service de Sécurité extérieure de Saddam Hussein, l’homme s’appelle en fait Fadel Ahmad Abdallah al-Hiyali, et c’est au cours de son séjour à la prison de Bouka, au sud de l’Irak, tenue par les Américains au milieu des années 2000, qu’il se convertit au djihadisme. Comme pour d’autres cadres de Daech, Bouka a servi d’incubateur pour l’EI. Abou Ahmad al-Alwani est le chef du conseil militaire. De son coté, l’ancien colonel, Abou Ayman al-Iraqi, est revenu en Irak après avoir été dépêché en Syrie pour installer l’EI au nord d’Alep et à Raqqa. Il aurait été récemment blessé à une jambe. Deux autres membres de ce premier cercle très restreint ayant accès à Baghdadi ont été tués ces derniers mois : Haji Baker – en Syrie par des rebelles salafistes – et surtout Abou Rahman al-Bilawi. C’est ce dernier qui a secrètement planifié la fulgurante conquête de Mossoul le 9 juin, préparée par une incroyable mission d’infiltration.

En début d’année, Adnan Smaïn Najem – son vrai nom – se présente, barbe rasé et sous une fausse identité, comme un riche homme d’affaires revenu dans la ville du nord pour épouser une Mossouliote, après un séjour réussi en Arabie saoudite. C’est l’ancien officier bassiste et non pas l’islamiste qui va avancer masqué, tissant peu à peu un réseau de contacts avec les dirigeants baasistes d’autres groupes rebelles qui passeront à l’action le 9 juin, mais sous les ordres de l’EI. Bilawi meurt quelques jours avant l’attaque, lors d’un contrôle de police. Comme les autres cadres de l’EI, il portait une ceinture dissimulant des explosifs, qu’il actionna. À l’instar de tant d’autres djihadistes, Bilawi ne voulait absolument pas être fait prisonnier. En guise d’hommage posthume, Daech a dénommé la prise de Mossoul « Opération Billawi ».

Au-delà de ce premier cercle, d’autres membres occupent des postes de « ministres » et de « gouverneurs ». Leurs noms sont protégés par l’organisation, après les révélations mi-juillet par la presse britannique de l’identité de leurs prédécesseurs, au lendemain d’une saisie de documents par les services irakiens dans la maison d’al-Bilawi.

Deux milliards de dollars de budget

Si la décision finale est centralisée au sommet, le fonctionnement de EI ne l’est pas (…).

Illustration
Sept hommes agenouillés sont assassinés d’une rafale d’arme automatique par les miliciens de l’Etat Islamique (Daech) après la prise, début août, de la base aérienne syrienne de Tabqa, dans les environs de Raqqa( AP)

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