Dernière mise à jour le 26 septembre 2014
Le Parti Baas : Monstres sacrés ou sacrés monstres ? Entre le Saladin babylonien et le Bismarck syrien, une détestation inexpiable
Le parti Baas (renaissance) arabe et socialiste a été fondé par une équipe de jeunes nationalistes arabes dirigés par Michel Aflaq, Zaki al-Arsouzi et Salah eddine Bitar, au cours d’un congrès qui s’est tenu du 4 au 7 avril 1947 dans un café de Damas.
67 ans aprés, la proclamation du califat sur des portions des territoires d’Irak et de Syrie a retenti comme un camouflet pour le parti Baas en ce que le phénomène Da’ech a eu le grand mérite d’agir comme révélateur en brisant les codes de la guerre asymétrique en vigueur précédemment ; en ce qu’il a réussi en une opération éclair, un « blitzkrieg », à réaliser en trois semaines ce que 40 ans de magistère bassiste, tant en Irak qu’en Syrie, n’ont pu faire du fait des guerres picrocholines entre les frères ennemis du Baas, Saddam Hussein et Hafez Al-Assad : la jonction entre la Mésopotamie et l’Euphrate.
Sous la bannière de Da’ech, les insurgés sunnites se sont emparés en trois semaines de larges pans de territoire dans le nord et l’ouest de l’Irak. Dans la pure tradition d’une charge de brigades légères, motorisées toutefois, mais sans armement massif, ni aviation, ni drones, ils ont ainsi ouvert dans l’ouest du pays une voie vers la Syrie en s’emparant du poste-frontière de Bou Kamal, pendant de celui d’Al-Qaïm qu’ils contrôlent déjà, à la faveur d’une entente locale avec Al-Qaïda.
Curieux cheminement, au passage, des baasistes irakiens, une des composantes de l’ISIS, plutôt que d’opposer un front idéologique avec leurs frères baasistes syriens, ils ont rallié leur ancien bourreau saoudien, la caution arabe et musulmane de l’invasion américaine de l’Irak, abandonnant à son sort le pouvoir syrien, qui fut leur plus ferme soutien dans la guérilla anti américaine en Irak et s’attira à ce titre les foudres de Washington par la « Syrian Accountability Act », en 2003.
Une occasion de procéder à une rétrospective critique de ce parti panarabe qui a longtemps gouverné la Syrie et l’Irak par l’entremise de deux « Monstres sacrés » du Monde arabe : Hafez al-Assad (Syrie) et Saddam Hussein (Irak), dix ans après la chute de Bagdad aux mains des Américains.
Madaniya soumet à l’attention de ses lecteurs ce papier de 2008 de René Naba, en charge de la coordination édioriale du site. A titre de rappel.
Paris, 4 Avril 2008 – Surplombant leurs pairs de leur stature, ultimes porteurs de la revendication nationaliste arabe dans un environnement ballotté entre la contestation islamique et la mainmise américaine, ils ont présidé aux destinées de deux pays qu’un implacable conflit de légitimité sépare, mais dont l’alliance aurait pu bouleverser les données stratégiques au Moyen-Orient.
Ils… Ce sont deux « Monstres Sacrés » du Monde arabe à tout le moins dans sa version républicaine. Tous deux ont structuré les assises de leur pouvoir autour de quatre piliers, – le clan, la communauté, le parti Baas et l’armée -, tous deux se sont affirmés de fervents militants du Baas, le parti panarabe qui professe une idéologie laïque et socialisante. D’extraction modeste, tous deux ont néanmoins réussi à parvenir au faîte du pouvoir, quasi simultanément, au crépuscule du Nassérisme, dont ils ont pris la relève, en cherchant à se substituer à son leadership.
Ce sont leurs seuls points communs. Tout le reste les sépare et leur querelle a alimenté la chronique politique du Monde arabe du dernier quart du XX me siècle, alors que la jonction de leur deux pays aurait assuré la continuité territoriale d’une zone allant du golfe arabo-persique à La Méditerranée, scindant le Moyen-Orient en une transversale dont l’effet aurait brisé la tenaille constituée par l’alliance Israël Turquie, les deux véritables points d’articulation de la puissance militaire américaine dans la zone.
L’un, un militaire, général d’aviation de surcroît, n’a cessé depuis son arrivée au pouvoir, en 1970, de se mouler dans le personnage civil d’un homme d’état. Le second, militant de base, procédant à une évolution inverse, a gravi, à la faveur des incessantes guerres que son pays a livrées successivement à ses voisins l’Iran et le Koweït, tous les échelons de la hiérarchie militaire pour atteindre le grade de maréchal. L’un et l’autre ont dû évincer leur mentor respectif pour accéder au pouvoir. Le militaire Assad, son mentor civil, Salah Jedid, animateur de l’aile gauche du parti Baas au pouvoir à Damas, le civil Saddam, son parrain militaire, le général Ahmad Hassan Al-Bakr, le « père tranquille » de l’armée irakienne.
L’aîné, Hafez Al-Assad (69 ans), président de la République arabe syrienne, impassible, impavide, a gouverné son pays, sans état d’âmes, d’une poigne de fer, pendant un quart de siècle, 30 ans exactement, à l’aide d’un réseau de collaborateurs pratiquement inamovibles, notamment au niveau de l’armée (Le général Mustapha Tlass) et de la diplomatie (Abdel Halim Khaddam), les deux cautions sunnites de son régime. Toute honte bue, l’ancien proconsul syrien au Liban, Khaddam, sera bani de son pays à la mort de son chef Assad pour avoir rallié le camp du milliardaire saoudo-libanais Rafic Hariri.
Le second, dont le prénom en arabe signifie « cogneur », Saddam Hussein Al-Takriti, avant d’en être délogé par ses mentors Américains en 2003, a régné sur Bagdad pendant trente trois ans, d’abord en tant que vice-président (1969-1979), puis en tant que président, par l’effet d’un mouvement rotatif qui lui a permis d’évincer, voire d’éliminer une large fraction de ses collaborateurs aux postes-clés du gouvernement, à la notable exception de son messager international Tareq Aziz, la caution chrétienne et laïque du régime. Cette rage purificatrice n’épargnera d’ailleurs pas sa propre famille. Son beau-frère, Adnane Khairallah Tolfah, ministre de la défense, est ainsi passé dans l’histoire irakienne comme l’une des plus célèbres victimes de la météorologie politique.
Un mystérieux accident d’avion survenu un beau jour d’été, imputable néanmoins à un défaut de visibilité, mettra brutalement un terme à la carrière de l’enfant chéri d’une armée victorieuse de la guerre contre l’Iran. Son gendre, Hussein Kamel, un roturier nourri dans le sérail, périra également de mort violente malgré sa contrition pour défection à l’ennemi après la deuxième guerre du golfe (1995). Pour l’exemple.
Au gré des rebondissements du conflit libanais (1975-1990) et du processus de paix israélo-arabe, la Syrie et l’Irak seront alternativement les parangons d’un Front de la Fermeté (Damas) ou d’un Front de Refus (Bagdad), alternativement courtisés ou rejetés par les Occidentaux.
Bien que menant leur combat au nom de l’Arabisme, le thème mobilisateur absolu des Arabes pendant les deux décennies qui ont suivi leur accession à l’Indépendance en 1945, leur approche sera radicalement différente, et, à l’épreuve des faits, leur comportement diamétralement opposé, à l’image de leur personnalité irréductible.
Première séquence (1970-1980) : premier test de pouvoir
Dès leur premier test de pouvoir, la guerre civile jordano-palestinienne, leur trajectoire déviera inexorablement. À la tête d’un pays qui se veut « le coeur palpitant de l’arabisme », le Syrien fait face à Israël, l’ennemi commun des Arabes. Principal pays du champ de bataille anti-israélien sur le front oriental, Assad forgera donc son pouvoir sur son identification à la cause palestinienne, dont il se voudra le porte-parole exclusif. Issu d’une secte mineure de l’Islam, les « Alaouites » qui a brisé la marginalité politique des groupements ethnico religieux minoritaires arabes en s’emparant quatre ans plus tôt d’un des pôles du pouvoir de l’orthodoxie musulmane et arabe, – Damas -, Hafez Al-Assad se vivra comme le dépositaire des intérêts supérieurs de la nation arabe.
Homme d’ordre, ce militaire s’appliquera à être le « garant de l’ordre établi » s’opposant à ce qu’il considérait comme l’« aventurisme brouillon » de ses premiers compagnons d’armes et de leurs alliés irakiens. Face à l’activisme de l’aile gauche de sa formation, la branche civile du parti Baas, Assad procédera à un « mouvement de rectification », le 17 novembre 1970, pour évincer le quatuor responsable, selon lui, de la défaite : le théoricien du parti, Salah Jedid, le président Nourreddine Atassi, le ministre des Affaires étrangères Ibrahim Makhos et leur compère Youssef Zouayen. Par deux fois, en Jordanie en 1970, puis au Liban en 1976-1977, il se heurtera de front à Yasser Arafat, chef de l’Organisation de libération de la Palestine, préférant pactiser avec Hussein de Jordanie et le président libanais Soleimane Frangieh. Il brisera du même coup l’élan de l’aventure révolutionnaire impulsée par la guérilla palestinienne dans ses deux pays voisins de la Syrie, et, qui bordaient, le premier, le flanc occidental, le second, le flanc oriental de son pays.
En 1970, alors que les blindés syriens sur ordre de la direction civile du parti Baas, portaient secours aux Fedayin assiégés à Amman durant les combats du « septembre noir jordanien », le Général Assad, ministre de la défense, bridait les ailes de son aviation, laissant libre cours aux bombardiers jordaniens pour décimer les colonnes de chars syriens dans la plaine de Jerash-Ajloun.
Plus tard, au Liban, obéissant à la même logique, il neutralisera, – en deux temps, en l’espace de sept mois -, les forces coalisées palestino progressistes avec la chute du camp palestinien de Tall El-Zaatar, en Août 1976, et l’assassinat du chef druze progressiste Kamal Joumblatt, en mars 1977, se posant en rempart de l’équilibre confessionnel islamo chrétien.
Arrivé au pouvoir six semaines après le décès de Nasser, le 28 septembre 1970, Assad va se préparer méthodiquement à laver l’affront militaire que lui ont infligé les Israéliens trois ans plus tôt, alors que titulaire du portefeuille du ministère de la Défense, son pays perdait le plateau du Golan, en 1967, lors de la troisième guerre israélo-arabe. Il recherchera pour cela la « parité stratégique » face à Israël par une alliance militaire avec l’Union soviétique, s’appliquant à fédérer autour de la Syrie, la Jordanie, le Liban et les Palestiniens.
Le credo palestinien de la doctrine baasiste connaîtra sa formulation la plus achevée dans l’intervention du chef de la diplomatie syrienne lors du Sommet arabe d’Alger (7-10 juin 1988) alors que la guerre irako iranienne touchait à sa fin et que l’Intifada, le soulèvement palestinien en Cisjordanie Gaza, lancé six mois plus tôt, remettait au premier plan la question palestinienne. « L’histoire parle du « Bilad Al Cham » (le pays de Cham). Depuis l’époque Omeyyade, cette sphère géographique composée de la Syrie, de la Jordanie, de la Palestine et du Liban, constitue une seule entité politique dont Damas est le coeur palpitant. Telle est la vérité historique. Cela a été le cas jusqu’à ce que l’accord Sykes-Picot, la plus grave violation historique de la réalité, subdivise l’ensemble du Bilad Al Cham en divers états. L’accord Sykes-Picot, portant partage des zones d’influence entre Anglais et Français au Moyen-Orient, ne peut modifier la réalité. A savoir que la population de cette zone constitue un seul et même peuple (.) Il est naturel que l’intérêt que la Syrie porte à la cause palestinienne soit différent de l’attention que lui portent les autres états arabes », affirmera, sans ambages, Farouk Al-Chareh devant ses pairs arabes pour proscrire toute démarche unilatérale dans la recherche de la recherche de la paix, alors que le chef palestinien Yasser Arafat plaidait pour une autonomie de la centrale palestinienne.
Sentinelle avancée du Monde Arabe sur son front oriental, l’Irakien fait face à l’Iran, fer de lance de l’Islam révolutionnaire chiite, la religion minoritaire du monde arabe, et son rival héréditaire.
Se vivant comme un militant révolutionnaire, Saddam, issu du sunnisme, le courant majoritaire de l’Islam dans le monde arabe, développera une vision unitaire panarabe fondée sur la restauration du prestige de l’Empire Mésopotamien et l’autonomie de la puissance de l’Irak, qu’il voulait équidistant des deux blocs politiques et qui explique sa double alliance militaire et économique avec l’URSS et la France. Reprochant à la hiérarchie militaire irakienne sa passivité en Jordanie, il en tirera argument pour se débarrasser de l’aile droite du parti Baas et de ses alliés dans l’armée, qu’il suspectait de connivence avec ses frères d’armes hachémites.
Alors que le contingent irakien tenait sous son contrôle Mafrak, à la jonction stratégique du carrefour reliant les deux anciens membres de la « Fédération des Royaumes Hachémites », il attendra toutefois la fin des hostilités pour solder ses comptes et, dans un pays secoué par une demi-douzaine de coup d’état militaires en dix ans (Abdel Karim Kassem, Abdel Salam et Abdel Rahman Aref), mettre au pas les militaires, les soumettant au pouvoir civil sous l’emprise du parti Baas.
L’opération se fera en deux temps : le ministre de l’intérieur, le général Saleh Mehdi Ammache, et, le ministre de la défense, le Général Hardan Abdel Ghaffar, seront tous deux promus au rang de vice-président de la République, avant que l’ancien ministre de la défense ne périsse dans un attentat au Koweït et que l’ancien ministre de l’intérieur ne soit mis à l’écart dans des postes diplomatiques en Europe. A la tête d’un pays qui dispose de vastes gisements énergétiques, Saddam va s’appliquer à laver l’affront infligé à son pays par les compagnies pétrolières occidentales, notamment l’IPC (Iraq Petroleum Cy), véritable état dans l’état, et, à pacifier son front intérieur avec, coup sur coup, le règlement de la question kurde, en Mars 1971, et surtout le règlement du contentieux frontalier irako iranien, qu’il a négocié lui-même avec le Chah d’Iran en 1975 à Alger, sous le parrainage du président algérien Houari Boumediene.
Au milieu de la décennie, les deux dirigeants baasistes sont au Zénith : Le Syrien est auréolé de la victoire de la Guerre d’octobre 1973, qui a permis à son pays de récupérer Kunéïtra, le chef lieu du plateau du Golan, alors que l’Irakien est investi du prestige amplifié par la nationalisation de l’IPC et de la politisation de « l’arme du pétrole » durant la guerre d’Octobre 1973. Assad et Saddam échappent alors au discrédit qui frappent les autres régimes arabes, à « la crise de légitimité » consécutive aux défaites militaires face à Israël.
Bien que tous deux soient liés par un partenariat stratégique avec l’Union soviétique et que Bagdad soit devenue le refuge des radicaux du monde arabe, notamment du groupe dissident Abou Nidal, c’est le Syrien, celui qui par son comportement aura donné à savoir qu’il était le garant de l’ordre établi, celui là même que les palestino progressistes libanais accuseront de « trahison » pour son comportement hostile durant les 60 jours de siège du camp palestinien de Tall el-Zaatar, qui sera, paradoxalement, tenu à distance par les chancelleries occidentales qui le suspecteront de vouloir phagocyter le Liban.
L’Irakien sera, lui, promu au rang de partenaire stratégique des pays occidentaux, notamment de la France qui nouera avec cet état pétrolier une coopération militaire et même nucléaire, avec l’ambition d’étendre la francophonie à cette ancienne chasse gardée britannique.
Etape marquante de l’histoire de la zone, la période qui s’étend de la guerre d’octobre (1973) au traité de paix égypto-israélien de Washington (1979) entraîne un bouleversement stratégique des rapports régionaux, marqué par la marginalisation de l’Union soviétique sur le plan diplomatique avec le parrainage en solitaire de l’Amérique, en dehors du cadre du conseil de sécurité de l’ONU, des premiers arrangements partiels du conflit israélo-arabe, le retrait israélien du Sinaï égyptien en contrepartie de la neutralisation du plus grand pays arabe du champ de bataille, ainsi que le retrait de la ville syrienne de Kuneitra, chef lieu du Golan.
Camp David est apparu rétrospectivement comme la revanche diplomatique des Etats-Unis de leur défaite militaire du Vietnam, en 1975.
L’une des conséquences directes de cette déstructuration régionale aura été la guerre civile au Liban, point de percussion des turbulences régionales en raison de la fragilité de la configuration de la structure socio confessionnelle d’un pays aux multiples allégeances extérieures. Une guerre qui se modulera au gré des tribulations du processus de paix égypto israélien, puis ultérieurement, des rebondissements militaires du conflit irako iranien. Une partie d’échec serrée, qui conduira le président syrien privé de son allié naturel l’Egypte, son partenaire de la guerre d’Octobre, à moduler lui aussi son soutien aux protagonistes de la Guerre du Liban en fonction des variantes stratégiques de la zone.
Deuxième séquence (1980-1990)
Pendant que Assad s’embourbait dans la gestion de la crise libanaise, affaibli par la défection de son allié égyptien, Saddam, les mains libres, les caisses pleines, se hissait au pinacle de la popularité. Consécration suprême, il accueille à Bagdad, en 1978, le premier sommet arabe jamais tenu dans son pays, qui mettra l’Egypte au ban de la Ligue arabe à la suite du voyage du président Anouar El-Sadate à Jérusalem, en novembre 1977. L’Irak devient le pivot du front de refus à tout règlement de paix unilatéral avec Israël, tout naturellement désigné pour se substituer à l’Egypte et à compenser sa défaillance.
Faisant taire leur rivalité, les deux régimes baasistes concluent alors un « pacte national », en avril 1979, au lendemain du Traité de Washington. Ce pacte prévoyait notamment le renforcement de la coopération militaire avec l’Union soviétique, principal fournisseur d’armes des deux pays. Il ne tiendra que six mois tant la suspicion réciproque était grande. Prenant argument de la découverte d’un complot anti-irakien ourdi, selon Bagdad, par la Syrie, Saddam se livrera à une purge massive dans les rangs de ses compagnons d’armes baasistes, dégageant la voie à son accession à la magistrature suprême par l’éviction du président Ahmad Hassan Al-Bakr.
Comble de machiavélisme, cette purge télévisée aura constitué un art consommé de la tartufferie politique : A l’appel de leur nom, les suppliciés se lèveront et quitteront les rangs du congrès Baas et se dirigent vers la sortie sous les larmes de Saddam.
Certains de ses plus proches collaborateurs, tels Abdel Khaleq Al-Sammarai, animateur de l’aile gauche du Baas, un des jeunes espoirs politiques arabes, sera décapité. Il passera à trépas secoué d’un flot de larmes en un macabre spectacle répercuté par la télévision.
Animé d’un sentiment d’invincibilité amplifié par sa manne pétrolière et les égards occidentaux, Saddam Hussein prend alors directement les rênes du pouvoir, en septembre 1979, au seuil d’une décennie qui va embraser le Moyen-Orient, dont il alimentera régulièrement le brasier par sa guerre des missiles, puis sa guerre des pétroliers enfin sa guerre chimique.
En pleine phase de contestation islamique, marquée par la chute de la Monarchie iranienne, en février 1979, et l’assaut contre la Mecque, en octobre de la même année, ce laïc va se placer aux avants postes d’un combat visant à faire barrage au prosélytisme religieux chiite aux accents révolutionnaires, ce baasiste sunnite va se transformer en protecteur des pétromonarchies du Golfe, face à son ancien hôte, l’Ayatollah Ruhrort Khomeiny, réfugié pendant quatorze ans au Lieu Saint chiite de Nadjaf (sud de Bagdad) et promu guide spirituel de la République islamique iranienne après un transit de 18 mois en France à Neauphle-le-Château (région parisienne).
La guerre contre l’Iran lancée le 22 septembre 1980 donne l’occasion à l’Irak de se doter d’un appareil d’état moderne et d’une véritable machine de guerre aux capacités militaires et technologiques sans pareille dans le monde arabe. Mais ce conflit qui représente la plus longue guerre conventionnelle de l’après Vietnam va détourner progressivement l’Irak du Liban au moment même où précisément le président Assad nanti du feu vert israélo américain et du sceau arabe officialise sa présence militaire dans ce pays par le biais de la Force Arabe de Dissuasion.
S’opère alors un premier retournement d’alliance par application du principe de proximité. Partant du principe que l’ennemi de mon ennemi est mon ami, l’Irak se rapproche des milices chrétiennes libanaises et de Yasser Arafat. Par un mouvement symétrique, la Syrie fait ouvertement alliance avec l’Iran, l’ennemi de l’Irak, au nom de la solidarité révolutionnaire, dans le double souci d’éviter l’ouverture d’un nouveau front sur le flanc oriental du monde arabe et d’empêcher que le conflit irako iranien ne dégénère en guerre raciste arabo-perse. Au Liban, elle dissociera les milices chiites de leurs anciens frères d’armes palestiniens et tentera de faire rendre gorge au chef de l’OLP, qu’elle assiégera à Tripoli (Nord Liban) avant de le bannir de Damas en 1983 pour crime de lèse-majesté.
Première conséquence de cette rivalité stratégique : l’invasion israélienne du Liban en 1982 contraint l’armée syrienne à une retraite sans gloire de Beyrouth, alors que l’armée irakienne est clouée au sol par une offensive iranienne à la bataille de khorramchar, en mai 1982.
La Syrie est alors mise à l’index pour son alliance avec les pires ennemis de bloc occidental, le noyau dur du monde arabo-islamique, non seulement l’Iran, fer de lance de la Révolution islamique mondiale, mais aussi l’Algérie, havre des révolutionnaires du tiers monde, et la Libye, trouble fête de la diplomatie internationale notamment en Afrique, le pré carré de la France. Que ce soit dans le Golfe, au Proche-Orient ou en Afrique, le choc est frontal, la confrontation généralisée. Alors que les troupes iraniennes enfonçaient les lignes irakiennes dans la bataille de Khorramchahr, les Frères Musulmans syriens soutenus par l’Arabie saoudite partaient à l’assaut de la ville de Hama, nord de la Syrie, entraînant une sévère riposte du pouvoir baasiste qui noiera dans le sang – 10.000 morts selon les chiffres avancés à l’époque, 2.000 tués, selon l’agence américaine DIA, – ce qu’il considérera comme une opération de diversion face aux préparatifs d’invasion israélienne du Liban qui interviendra trois mois plus tard.
Simultanément, à l’autre extrémité du champ de bataille, au Tchad, au moment précis où les Syriens battaient en retraite face aux Israéliens à Beyrouth, la France infligeait un cuisant revers militaire et diplomatique à la Libye, l’alliée de la Syrie, en délogeant de N’Djamena le protégé de Kadhafi, le président tchadien Goukouni Weddeye pour le remplacer par son ancien lieutenant Hissene Habré, le geôlier de l’ethnologue française Françoise Claustre, qu’il détiendra en otage pendant de nombreux mois. Assad assumera ce revers sans broncher.
Fort du soutien résolu du nouveau et éphémère président soviétique Youri Andropov, il s’emploiera à opérer sans retard un retour en force au Liban, s’opposant avec vigueur à la constitution d’un axe Beyrouth-Le Caire Tel-Aviv.
En 15 mois (10 novembre 1982-9 février 1984), durée du passage au gouvernement de Youri Andropov, le cours de la guerre du Liban va basculer. Le traité de paix israélo-libanais de 1983 est aboli avant même d’être ratifié, la force multinationale occidentale est boutée hors du Liban un an plus tard en 1984 après de sanglants attentats contre les quartiers généraux français et américain qui auront fait près de 300 morts, alors que Beyrouth Ouest tombait le 6 Février 1984 sous le contrôle des milices prosyriennes. Suprême satisfaction, le président libanais Amine Gemayel, le négociateur du traité de paix avec Israël, se rendra un mois plus tard à Damas pour annoncer depuis la capitale syrienne en mars 1984 l’abolition du pacte avec Israël, intronisant ainsi la Syrie dans la fonction de verrou arabe du Liban.
Maître d’oeuvre de la politique occidentale dans les deux pays voisins de la Syrie, la France en paiera à double titre un lourd tribut, d’abord en tant que « cobelligérant » aux côtés de l’Irak dans son conflit avec l’Iran, puis en tant que parrain du double plan de sauvetage de Yasser Arafat, en 1982 d’abord, au moment du siège de Beyrouth par les Israéliens, puis en 1983, au moment du siège de Tripoli (nord-Liban) par les Syriens.
Paris, dont l’ambassadeur à Beyrouth Louis Del amarre avait été assassiné, en 1981, devient à son tour la cible d’attentats en 1986-1987, pendant que Tripoli et Benghazi, en Libye, par une riposte oblique occidentale, devenaient la cible de l’aviation américaine (avril 1986) et que des ressortissants occidentaux, en représailles au soutien militaire de leur pays à l’Irak en guerre contre l’Iran, étaient pris en otages au Liban.
Parmi les victimes illustres de cette guerre de l’ombre, le nom de trois personnalités est généralement cité sans que cette hypothèse n’ait jamais été démentie de source française : Le général Remy Audran, responsable du dossier irakien à la direction générale de l’armement, George Besse, Président Directeur Général d’une firme automobile française, mais surtout ancien responsable de la filière atomique française, ainsi que Michel Baroin, personnalité du monde maçonnique et des affaires. Le développement de l’affaire des otages occidentaux propulse la Syrie au rang de pays incontournable du processus de paix au Moyen-Orient.
De voie de transit entre le Liban et l’Hinterland arabe, Damas devient la plaque tournante du trafic diplomatique régional, percevant les dividendes politiques de toutes les transactions politiques en rapport sur l’affaire des otages occidentaux. Face à un colonel Kadhafi aléatoire et à un Ayatollah Khomeiny imprécateur, le président Assad, énigmatique, intrigue. Craint et respecté, il devient fréquentable. Des analystes politiques iront même jusqu’à lui conférer la stature de « Bismarck des Arabes ».
Henry Kissinger qui le rencontra à de longues reprises lors de la guerre d’octobre 1973, lors des négociations sur l’accord de désengagement syro israélien, louera l’« extrême intelligence » de ce « négociateur très dur ». Mais, parallèlement, par souci d’équilibre, l’Irak, avec l’aide massive des Occidentaux, opérait un retournement de la situation sur le front militaire à coups de bombardements chimiques parfois, comme à Hallabjah, dans le Kurdistan irakien, et contraignait l’Iran au prix de huit années de guerre à cesser les hostilités.
A la tête d’une armée présentée comme étant l’une des plus puissantes du Moyen-Orient, se considérant comme le vainqueur d’un Iran trois fois plus peuplé que son pays, Saddam apparaît alors comme le « Saladin des temps modernes », protecteur des monarchies pétrolières du Golfe, et, au-delà, des intérêts de leurs parrains occidentaux. L’homme qui aura par l’entremise de son protégé, le groupe radical palestinien Abou Nidal, purgé la scène diplomatique internationale des premiers artisans du dialogue israélo-palestinien, – Said Hammami, Ezzeddine Kalaq et Issam Sartawi, respectivement les représentants de l’OLP à Londres, à Paris et auprès de l’Internationale socialiste -, celui-là même qui aura donné prétexte à Israël d’envahir le Liban en mai 1982 à la suite de l’attentat contre son ambassadeur à Londres, bénéficiera, curieusement, tout au long de cette séquence, de l’indulgente complaisance des pays occidentaux et des monarchies arabes.
Fragilisés par la guerre irako iranienne et le soulèvement palestinien, redoutant par ailleurs un nouveau discrédit, les dirigeants arabes s’appliquent à sauver la face. Au sommet arabe d’Amman, en novembre 1987, ils font pression sur les deux frères ennemis pour sceller leurs retrouvailles faute de pouvoir surmonter leurs divisions et de réintégrer l’Egypte dans le giron arabe. A l’apogée de leur puissance, Assad et Saddam, en vieux routiers de la politique se donnent l’accolade, une fois de plus, comme lors de la conclusion de leur pacte anti-Sadate de 1979, mais ne baissent pas la garde. Des retrouvailles de circonstance, nullement une réconciliation, tout au plus une trêve armée.
Troisième séquence (1990-2000)
Flamboyant, ivre de gloire à la suite de sa victoire contre l’Iran, le maréchal Saddam lance sans répit son pays à la conquête du Koweït, deux ans à peine après la fin de la guerre irako iranienne.
C’est le début d’une fournaise qui va carboniser son armée, puis son peuple enfin son pays, réduisant à néant 20 ans d’investissement massif, infligeant d’excessifs sacrifices humains, autour trois millions de victimes en deux décennies de guerre et de blocus, fragilisant durablement le monde arabe, accentuant sa sujétion. L’effondrement du bloc communiste offre au président Assad la possibilité de négocier en douceur son virage proaméricain, sans renier, contrairement à Sadate, ses amitiés soviétiques.
La Deuxième guerre du Golfe, en 1990, à laquelle il participera par un détachement symbolique lui permet d’achever un travail méthodique de 15 ans visant à arrimer le Liban à la sphère d’influence syrienne, faisant de ce pays voisin son terrain de manoeuvre privilégié face à Israël. Il s’attire en prime la gratitude de la communauté internationale pour la stabilisation du conflit libanais. Le traité de fraternité, de coopération et de coordination signé le 22 mai 1991 entre Damas et Beyrouth scelle le sort du Liban à celui de la Syrie. Partisan d’une riposte oblique de préférence à la confrontation directe, tacticien hors pair, illustré par un parcours quasi sans faute sur le plan international, Assad aborde en 1999, la phase la plus délicate de sa manoeuvre : les négociations de paix avec Israël dans la perspective de récupérer le Golan.
La maladie, une leucémie doublée d’un diabète et de problèmes cardiaques, ne lui permettent pas de rééditer ses précédents exploits diplomatiques réalisés à la faveur de ce que Claude Cheysson, ancien ministre français des relations extérieures, a qualifié de « la diplomatie de la vessie », un art consumé de la négociation qui consistait à retenir son interlocuteur pendant de longues heures (sept heures en moyenne) dans d’interminables conversations d’ordre général avant d’aborder le vif du sujet dans la phase finale de l’entretien au moment où son hôte se contorsionnant dans des problèmes de rétention urinaire était pressé de conclure.
Saddam, qui nourrissait de visées stratégiques avec le rétablissement de l’empire babylonien, a, lui, commis deux erreurs impardonnables, deux fautes mortelles : la guerre contre l’Iran, qui a vidé sa trésorerie et l’annexion du Koweït, qui lui a valu un épouvantable châtiment infligé par une coalition internationale de 26 pays mobilisés sous la bannière américaine. L’héritier de Nabuchodonosor a surtout présomptueusement présumé de ses capacités manoeuvrières face à son ancien partenaire américain. Placé sous régime de la souveraineté limitée, qui soustrait à son autorité le Nord kurdophone et le Sud chiite du pays, limitrophe du Koweït, l’Irak sera en outre soumis à un implacable embargo international pendant douze ans ans.
A l’instar de son voisin iranien, le laïc baasiste irakien s’est mû en un islamiste populaire et le premier verset du Coran orne désormais le drapeau irakien, reflet d’un farouche instinct de survie. Ce drapeau sera d’ailleurs le seul vestige du régime baasiste et continue de flotter au vent de l’Irak sous occupation américaine. Activement courtisé il y a peu par ses interlocuteurs américains, le Président Assad voit poindre quant à lui aux deux extrémités de son pays les deux superpuissances régionales, Israël et la Turquie, deux Etats non arabes liés par un pacte de coopération militaire, qui enserrent dans un mouvement de tenaille la Syrie dans un étau.
Face à la montée des périls, les deux hommes opèrent alors un rapprochement entre leur pays jusqu’à présent en situation de contiguïté passive en même temps qu’une remise en ordre au sein de leur propre famille : Les deux fils du président irakien, Ouddai et Koussai, sont associés au pouvoir, avant de périr ensemble lors d’un raid américain contre le nord de l’Irak, en juillet 2003, privant le dictateur d’une descendance mâle. Un scénario identique s’est produit à Damas. Au nom de la lutte contre la corruption qui gangrène le pays depuis trois décennies, le frère cadet du président, Rifaat Al-Assad, après un long exil d’une dizaine d’années en Europe est déchargé en février 1998 de ses responsabilités de vice-président, son deuxième frère, Jamil, mis en pas pour fait de prosélytisme mercantilo-religieux, alors que le fils cadet du chef de l’état syrien, Bachar, prenant la relève de son aîné, Bassel, décédé accidentellement, était propulsé sur le devant de la scène politique en prévision de sa succession à la tête de l’Etat, instituant ainsi la première dynastie républicaine du Monde arabe. La résistance opiniâtre affichée par Assad à ce qu’il considère la mainmise israélo américaine sur la zone a conféré au Syrien le titre envié de « dernier récalcitrant », le propulsant – honneur redoutable – au rôle de rempart face à une reddition généralisée arabe devant leur ennemi héréditaire, Israël, à la tête d’un pays en piteux état toutefois.
« Le Lion de Damas » s’est éteint le 10 juin 2000 vaincu par l’âge et la maladie, deux semaines après le repli israélien du Liban, un dégagement à mettre à son actif. Mais cet exploit ne lui a toutefois pas permis d’atteindre son objectif stratégique suprême, la récupération du Golan, son ambition muette, le sens caché de toutes ses démarches. Assad avait accusé Sadate de trahison. Il ne pouvait donc accepter moins que son rival égyptien, la récupération de l’intégralité de son territoire national, c’est à dire le retour aux frontières du 4 juin 1967.
Cela était devenu sa hantise au point d’hypothéquer, selon des analystes occidentaux, sa marge de manoeuvre et de devenir son principal boulet diplomatique.
La Syrie ne savourera toutefois pas longtemps son succès. Si le dégagement israélien a propulsé le Liban au rang de curseur diplomatique régional et incité les Palestiniens à relancer quatre mois plus tard la lutte armée, l’Intifada d’« Al-Aqsa », en septembre 2000, la lourde tutelle syrienne sur la souveraineté libanaise, la prédation de son économie nationale, l’imposant palmarès morbide – imputé à tort ou à raison aux services baasistes (deux présidents de la République libanaise assassinés, Béchir Gemayel et René Mouawad, de même qu’un ancien premier ministre Rafic Hariri et le chef du parti socialiste Kamal Joumblatt) – provoqueront, en retour, à l’incitation des Etats-Unis et de la France, un refoulement syrien du Liban en avril 2005 à la suite d’un vaste mouvement de contestation populaire.
Saddam Hussein Al-Takriti, traité en paria de la communauté internationale, sera, lui, l’une des principales victimes collatérales de la « guerre des ressources énergétiques » lancées sous couvert de guerre contre le terrorisme par George Bush jr à la suite du raid islamiste contre les Etats-Unis, le 11 septembre 2001.
Le déboulonnage de sa statue sur une place centrale de Bagdad, le 8 avril 2003, et sa pendaison hideuse au terme d’un simulacre de procès, passeront dans l’histoire comme le terme ultime d’une opération de gommage de grande envergure de toute trace de la coopération souterraine américano baasiste commencée dans l’allégresse quarante ans plus tôt avec le coup d’état contre le général Kassem en 1961 soutenue par la CIA et qui s’est achevée par deux expéditions punitives répétitivement destructrices lancées par l’Amérique contre l’Irak, la première menée par George Bush, l’ancien chef de la centrale américaine du renseignement, la seconde treize ans plus tard par son propre fils George Bush je, aidé en la circonstance par l’initiateur de la coopération stratégique irako américaine, Ronald Rumsfeld, le ministre américain de la défense et ancien émissaire de Bush père à Bagdad.
A l’aube du XX me siècle, à la veille du découpage de l’empire ottoman, un diplomate avait plaidé pour la constitution d’« une Syrie qui ne soit pas un pays étriqué territorialement (…) avec une large frontière englobant la Palestine (.) Son territoire comprenant les wilayets de Jérusalem, Beyrouth, Damas, Alep, la partie du Wilayet d’Adana (Turquie), avec à l’Est la région minière de Kirkouk (Nord de l’Irak) ».
La proposition n’émanait pas d’un fougueux doctrinaire d’un nationalisme arabe exacerbé, ni d’un orientaliste occidental suspecté de prosélytisme pro arabe, mais d’un homme d’état éminemment respecté pour son action en faveur de la paix, un visionnaire qui redoutait les effets de la balkanisation et anticipait le phénomène de la mondialisation, Aristide Briand, premier ministre et ministre français des affaires étrangères.
Ses instructions sont consignées dans une lettre en date du 2 novembre 1915 à Georges Picot, alors Consul de France à Beyrouth, à la veille précisément des négociations Sykes-Picot, sur le partage du Proche-Orient en zone d’influence anglaise et française. La question peut paraître sacrilège mais mérite quand même d’être posée : Ce qui valait alors pour la France, ne vaut-il pas aujourd’hui pour les Arabes, alors que l’Irak est en voie de décomposition, la Syrie, à bout de souffle, le Liban exsangue de trente ans de fureurs et la Jordanie et l’Egypte au bord de l’apoplexie économique ?
Capitales des deux premiers empires arabes, la rivalité de Damas et Bagdad remonte aux premiers temps de l’Islam. A l’époque des Omeyyades, Damas a été la capitale du premier Empire arabe, avant d’être supplantée par Bagdad du temps des Abbassides. Tous les deux, Damas et Bagdad, ont finalement succombé devant Constantinople et la Sublime porte de l’empire Ottoman. Se sont ensuivis des siècles de sujétion.
Au seuil du XXI me siècle, l’histoire serait-elle entrain de se répéter ? L’Irak ploie sous le joug américain avec à sa tête un président d’origine kurde, alors que la Syrie est la cible d’une nouvelle manoeuvre d’étranglement consécutive à l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, le 14 février 2005, dont elle a été rendue responsable, la contraignant à son tour à une retraite sans gloire du Liban, comme auparavant Israël, les Palestiniens, la France et les Etats-Unis.
La première puissance planétaire de tous les temps, boutée hors du Liban en 1984, se retrouve dix ans plus tard enlisée cette fois en Irak, en situation de choc frontal avec ses anciens alliés du combat anti-soviétique, en butte à une nouvelle guerre d’usure, affligée des stigmates d’Abou Ghraib (Irak) et de Guantanamo (Cuba), « le goulag contemporain », un crédit diplomatique et militaire compromis de même que sa posture morale avec le pillage du Musée de Bagdad, les tortures dans les camps de prisonniers, les mensonges sur les armes de destruction massive et l’espionnage du siège du Secrétaire général des Nations Unies.
Ce qui vaut pour les Occidentaux notamment la construction des grands ensembles régionaux et leur indépendance énergétique ne vaut assurément pas pour les Arabes, du moins en cette phase de leur histoire, à tout le moins dans l’optique occidentale. Telle pourrait être l’un des enseignements majeurs de cette séquence dont la principale victime aura été, au delà des ingérences occidentales, la « Renaissance » (Al-Baas) du Monde arabe, grandiose projet qui se retrouve au terme d’une détestation inexpiable de trente ans entre ses promoteurs contemporains, le Saladin babylonien et le Bismarck syrien, en état de lambeaux, en voie d’éradication.
Dix ans après la chute de l’Irak, la Syrie faisait à son tour d’une manoeuvre de déstabilisation d’une grande ampleur de concert avec les traditionnels alliés des pays occidentaux dans leur rôle d’« idiot utile » de la stratégie atlantiste………..la suite est connue.
Illustrations
Hafez al-Asad (au centre), Saddam Hussein (gauche), Abd al-Aziz Bouteflika (droite), Abd al-Halim Khaddam : http://en.wikipedia.org/wiki/File:Hussein_Assad_Bouteflika_Khaddam.jpg
Epilogue
Le commandement pan arabe du Parti Baas a été dissous dimanche 14 mai 2017 au cours d’un congrès extraordinaire de cette instance suprême de la formation réunie à Damas en présence de représentants de huit pays arabes où le parti dispose de militants.
La dissolution de l’instance suprême de la formation, qui chapeautait l’ensemble des structures du parti au sein du Monde a été décidée «en raison de son absence de rôle en Syrie depuis le déclenchement de la guerre dont ce pays fondateur du parti en est le théâtre depuis six ans. La décision a suscite de houleux débats au sein des participants.
Fondé en 1947, le parti Baas est arrivé au pouvoir en 1963 à Damas et en 1968 en Irak.
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