L'avant-garde combattante des Frères Musulmans

L'avant-garde combattante des Frères Musulmans 938 400 Haytham Manna

Dernière mise à jour le 19 novembre 2014

sihr

Ikhwan Djihads
L’avant-garde combattante des Frères Musulmans (At Tali’a al Moukatilla Lil Ikhwan al Muslimin)
De et vers la Syrie

Etude interne du SIHR (Scandinavian Institute for Human Rights, 2014) préparé par Haytham Manna
Adaptation française : René Naba

Illustration

Oussama Ben Laden entouré du noyau dur de l’avant garde combattante : Abdallah Azzam, Abou Mouss’ab As Soury, Marwan Hadid, Abou Bassir At Tartourssy, Abou Khaled Al Soury, Abou Firas Al Soury

Avant propos

  • Deux figures de proue dominent la branche syrienne de la Confrérie des Frères Musulmans Marwan hadid, son fondateur, Adnan Okla, le premier dirigeant de la structure militaire clandestine des FM: At Tali’a al Moukatilla Lil Ikhwan al Muslimin, l’Avant-garde combattante des Frères Musulmans.
  • Fondée dans le milieu de la décennie 1970, At Taliha Al Mouqatila a joué un rôle majeur dans la confrontation avec le pouvoir bassiste culminant avec la révolte de Hama, en 1982, avant d’être anéantie et ses principaux dirigeants condamnés à l’exil.
  • Si les officiers de l’armée irakienne dissoute par le proconsul américain Paul Bremer, lors de l’invasion de l’Irak, en 2003, ont constitué l’ossature de Da’ech, l’Etat Islamique du Levant, les cadres d’«At Tali’a al Moukatilla» syrienne constitueront le noyau dur d’Al Qaida en Afghanistan.

I. Retour au point de départ

«L’Avant garde combattantes des Frères musulmans» -(At Tali’a al Moukatilla Lil Ikhwan al Muslimin), surgie dans la décennie 1970, s’était distinguée lors de la révolte armée islamiste de Hama, en Février 1982 et avait été anéantie par le régime syrien.

L’expérience djihadiste des Frères Musulmans a débuté dans la seconde moitié de la décennie 1970. Elle a marqué de son empreinte les plus importants groupements salafistes djihadistes de Syrie de l’époque contemporaine. Elle demeure néanmoins mal connue, frappée d’opacité du fait de l’absence d’une documentation sérieuse et d’un archivage fiable sur lesquels pourraient se fonder tant les chercheurs que les juristes que les hommes politiques un tant soit peu sérieux.

Une des raisons de cette opacité est sans doute imputable à la disparition prématurée de son fondateur, Marwan Hadid, ingénieur de formation, (1934-1976), disparu à l’âge de 42 ans et à l’élimination physique de la totalité des dirigeants de la première génération, -Abdel Sattar Az Zaïm, Mouaffaq Ayyach, Ghaleb Haddad, Hosni Abou- ainsi qu’à la disparition d’un important lot de dirigeants de la deuxième génération.

Les luttes d’influence et les conflits de pouvoir au sein de l’avant garde combattante de la confrérie, quand bien même ils ont alterné avec de courtes périodes de coopération avec l’organisation-mère, ont brouillé davantage les pistes en ce que certains protagonistes ont voulu donner de l’avant garde une image qui leur était propre, alors qu’ils n’étaient pas directement impliqués dans cette expérience et que d’autres en ont donné une image servant leurs desseins, avant de se rétracter.

Enfin les chercheurs étrangers ne disposent que d’un nombre réduit de documents et des témoignages encore plus réduits pour se faire une idée complète de cette expérience.

En dépit du fait que bon nombre des dirigeants des générations suivantes ont consigné par écrit leur témoignage sur leur expérience et que  nous ayons pu nous procurer des témoignages enregistrés de certains responsables, en archivant les graves et nombreuses violations commises par eux durant la période 1978-1982, dans le cadre de notre combat pour la défense des Droits de l’Homme, beaucoup d’informations demeurent néanmoins dans la mémoire de ceux qui ont vécu ses expériences ou dans la mémoire des politiciens professionnels qui se sont surtout préoccupés de fournir une version des faits les exonérant de leurs erreurs, en rejetant la responsabilité sur la génération des jeunes syriens qui se sont livrés à la première expérience djihadiste dans la zone, bien avant l’expérience des arabes afghans ou d’Al Qaida.

Les dirigeants emblématiques de cette génération ont laissé de profondes empreintes sur le mouvement djihadiste mondial et le mouvement takfiriste djihadiste, sur son mode opératoire de même que sur les règles d’engagement du combat contre les Etats et les armées.

A. Marwan Hadid

A son retour d’Egypte, en 1964, à 30 ans, Marwan Hadid présentait une personnalité différente du jeune Marwan formé par son maître Moustapha As Sibai. En dépit du fait que les écrits de Sayyed Qotb, le théoricien de la confrérie des Frères Musulmans, circulaient clandestinement en Syrie à la fin de la décennie 1970, Marwan Hadid est parvenu à semer les germes d’une lecture de Sayyed Qotb enserrant ses thèmes dans une quadrature: La religion, l’avenir de la religion, les pistes à emprunter pour l’avènement d’une société islamique.

Une thématique couplée avec celle du djihad en vue de fonder «le gouvernement de Dieu sur terre». Avec en additif, dans la seconde moitié de la décennie 1970, l’idée d’un parti voué à la lutte armée à gauche comme à droite.

En réplique, le commandement pan arabe du parti Baas (au pouvoir à Damas depuis alors une dizaine d’années), a édité un livre «Le parti révolutionnaire» se présentant comme la posologie d’un traitement médical, détenteur de la structure propriétaire du médicament.

La plupart des partis traditionnels, qu’ils aient été animés d’une doctrine politique ou idéologique, ébranlés du fait des bouleversements régionaux, ont alors opté pour l’idéologie léniniste, à l’instar du Mouvement Nationaliste Arabe (MNA, co fondé par Georges Habach et Wadi’ Haddad), en une démarche parallèle à un renforcement au sein des milieux islamistes de l’idée d’un «parti de Dieu face aux partis du diable».

La défaite de juin 1967 a infligé au Nassérisme le plus violent traumatisme psychologique, politique et social depuis la proclamation de la République en Egypte, en 1952. Elle a également fortement ébranlé les fondements du parti Baas, tout juste parvenu au pouvoir à l’époque, alors que le modèle saoudien s’évanouissait de l’horizon des ambitions de la jeunesse arabe, tandis que les tenants du libéralisme étaient marginalisés en ce qu’ils étaient stigmatisés par la jeunesse arabe comme étant les partisans de l’occupation israélienne des territoires arabes, et d’une manière générale, des partisans du projet occidental dans la zone.

L’interprétation que donnait Marwan Hadid du cours de l’histoire ne constituait pas, dans un tel contexte, une déviance. Elle était perçue comme la voie la plus adéquate pour parvenir au salut.

B. L’incarcération puis la mort de Marwan Hadid, en 1976, point de départ de la lutte armée de «l’avant garde combattante».

Les contours de la nouvelle organisation ont commencé à prendre forme au début de la décennie 1970. La formation avait d’ores et déjà mis en garde ses jeunes militants d’entrer en contact avec Marwan Hadid ou de s’impliquer avec lui. La nouvelle organisation s’était en effet dotée d’une nouvelle structure clandestine, avec un dispositif spécial implanté dans les principales provinces de Syrie: Hamas, Alep et Damas.

L’arrestation de Marwan Hadid, le 30 juin 1975, a constitué un moment charnière de l’histoire de l’organisation, alors que plusieurs de ses membres étaient arrêtes, dont deux périront sous la torture.

Cet incident incitera la direction clandestine à engager la lutte armée en dépit de l’absence de tout contact avec son chef et fondateur, alors détenu à Damas. Le 16 février 1976, elle procède à l’assassinat du commandant Mohamad Ghorra, directeur de la sécurité nationale à Homs, tortionnaire des jeunes militants islamistes morts sous la torture.

Le décès de Marwan Hadid à l’hôpital Harsata, où il avait été transféré pour des soins, en juin 1976, dans la période qui a suivi l’entrée des troupes syriennes au Liban, alors en pleine guerre civile, a incité la formation à amplifier son action, ouvrant la voie à une confrontation armée frontale entre l’état et l’avant garde combattante; confrontation qui s’est prolongée jusqu’à la boucherie de Hama, en 1982 (1).

L’assassinat du Docteur Mohamad Al Fadel, de même que des personnalités scientifiques, politiques et sociales, de confession alaouite, a marqué le début d’une vaste confrontation dont le mouvement civil, syndical et politique en partira durement, alors qu’il veillait à provoquer un changement démocratique des institutions du pays.

C. Le récit de l’une des premières opérations par l’un de ses exécutants.

Le récit que l’un des dirigeants de l’avant garde combattante a fait de cette séquence, notamment sur le mode opératoire, pur faire front au régime du général Hafez Al-Assad est éloquent à cet égard:

«Le choix s’est porté sur le docteur criminel Mohamad Al Fadel, président de l’Université de Damas, membre du commandement pan arabe du parti Baas, conseiller juridique du Président de la République, porteur d’un des plus importants projets juridiques du Moyen orient et tête pensante de la confession Nousséyrite, en vue de lui faire subir le jugement de Dieu. Le frère Abdel Sattar m’a confié une mission de repérage, me consacrant exclusivement à cette tâche; une mission que j’ai accompli d’une manière très méticuleuse pendant près d’un mois. Puis nos frères ont procédé, le 11 juin 1976, à son assassinat dans l’enceinte de l’Université de Damas: «Abdel Sattar s’est chargé de l’exécution de l’opération, faisant usage d’un fusil mitrailleur  qu’il a déchargé dans le corps de sa victime. Seize balles de calibre 7 mm. Faysal Ghannoumah avait en charge la protection de l’équipe en charge de l’exécution de l’opération et Mehdi Alouany conduisait la moto qui avait transporté l’équipe. Nos frères ont pu se retirer des lieux en toute sécurité (2).

«Mille obus verbaux ne valent pas un obus en métal». C’est par cette phrase que Marwan Hadid avait coutume de répondre à ceux qui l’incitaient à se consacrer à la prédication religieuse. «La ligue des gens de lettres de Damas», affiliée à la confrérie, a décerné d’ailleurs à Marwan Hadid le titre de «Pionnier du djihad et Prédicateur du martyr de la seconde moitié du XX me siècle».

Il est indiscutable que Marwan Hadid a été le premier qui a marqué, sans ambages, son attachement à la confrérie tout en avouant franchement son adhésion au courant djihadiste. Dans toutes ses interventions, il mettait l’accent sur la nécessité de ne jamais s’éloigner de l’objectif, à savoir, la constitution d’un Etat islamique qui gouvernera «selon la loi de Dieu», avec  le Djihad, comme voie d’engagement, le djihad par l’argent et le djihad par l’engagement personnel.

D. La dispersion des troupes après Hama 1982

La boucherie de Hamas, en 1982, a mis un terme à l’expérience de «l’Avant garde combattante de la confrérie des Frères Musulmans». Les diverses tentatives de réactiver l’organisation militaire ont été vouées à l’échec. Les cadres se sont dispersés après avoir éprouvé un sentiment d’abandon de la part de l’organisation officielle de la confrérie. Se sentant abandonnés, certains cadres ont rejoint l’Irak où le président de l’époque Saddam Hussein était en situation de rivalité avec Hafez al-Assad.

La guerre d’Afghanistan (1980-1989) a constitué une échappatoire idéal pour ce groupe, lui offrant la possibilité de se reconstituer et d’arranger ses affaires au sein du mouvement djihadiste afghan, avec pour préoccupation majeure de théoriser l’idéologie djihadiste, de l’acter dans l’histoire, en le replaçant dans son contexte historique.

De nouveaux noms sont alors apparus aux postes de responsabilité cimentés par une vision fondée sur quatre principes majeurs:

A – Mettre l’accent sur la pertinence de gouvernance divine (Hakimiya, de l’idée de gouverneur), reposant sur la voie du Djihad pour parvenir à l’objectif: L’édification d’un Etat selon le modèle du Califat du temps des quatre premier Califes du Prophète des musulmans.

B – Confirmer qu’un tel Etat constitue le reflet fidèle de la pensée d’Abou Al Aa’la Al Mawdoudi et de Sayyed Qotb, dont il en constitue le prolongement concret.

C – Recenser les points de convergence avec le salafisme djihadiste en provenance d’Arabie saoudite vers l’Afghanistan, notamment les premières Fatwas wahhabites d’Ibn Taymiyya.

D – «Considérer que «Le projet du djihad et du califat est un projet propre à ceux qui se réclament de la famille sunnite pour laquelle il a engagé un combat non seulement contre l’alliance des Croisés et des Juifs, mais aussi les partis et les états laïcs, mais aussi, les parties qui se sont égarées, les renégats tels les Nousseyrite (Alaouites), les Druzes et les Ismaéliens.

Beaucoup de militants de l’avant garde ont connu les dures conditions de la dispersion. D’autres ont rejoint la formation officielle des Frères Musulmans. D’autres, encore, ont rallié un de leurs chefs, Adnan Okla, pour poursuivre le combat en sa compagnie, avant de se disperser à nouveau à son arrestation. D’autres, enfin, les plus nombreux, ont opté pour le djihad en Afghanistan et se sont enrôles au sein des «Arabes Afghans».

II. De l’émigration de Syrie au retour.

Les djihadistes syriens en Afghanistan ont pu être considérés, à juste titre, comme un facteur déterminant dans la définition de la ligne idéologique et de la conception doctrinale du mouvement, de même que dans la détermination des moyens de lutte. Tirant les leçons de leur amère expérience syrienne, les Syriens d’Afghanistan ont veillé à communiquer leur expertise au mouvement djihadiste international, notamment dans le domaine de la lutte armée, de la guérilla, de l’autosuffisance militaire, et surtout dans l’édification d’une organisation non pyramidale et non traditionnel qui soit en mesure de perdurer dans un environnement hostile, en dépit des traques sécuritaires et militaires.

Enfin, dernier et non le moindre de leur contribution, l’idée d’une organisation individuelle reposant sur la figure du «loup solitaire». C’est à dire d’un combattant autonome se livrant, en solitaire, à des opérations ponctuelles à l’instigation de messages d’un ordre général diffusé par ses supérieurs. Abou Mohamad Al Adanani a réclamé la réactivation de ce dispositif après la constitution d’une coalition internationale contre Da’ech, l’été 2014.

Des dirigeants de «l’Avant garde combattante des Frères Musulmans» ont joué un rôle important au sein du mouvement djihadiste international tant en Afghanistan, qu’en Bosnie, en Algérie, au Yémen, qu’en Irak. De même que par le nombre important de victimes dans leurs rangs dans leur confrontation avec le pouvoir syrien, et, fait significatif de son attrait, par le nombre de groupement qui ont adopté son nom d’«avant-garde combattante», en hommage à leurs précurseurs et se revendiquant de leur action, en dépit de l’échec de la tentative de la branche militaire clandestine de la confrérie des Frères Musulmans(3). Certains de ces groupements se réclamant de l’expérience avant garde se sont engagés dans des formations plus importantes telles que «Le mouvement Ahrar As Sham islamique», ou encore «Jobhat an Nosra», ou enfin le bataillon «Abdallah Azzam», ou alors simplement, à titre individuel, au sein de Da’ech, mais en nombre très limité il est vrai.

1. Abou Khaled As Soury

Mohammad Bahaya (1963-2014) s’est engagé, à 16 ans, en 1979, au sein de l’Avant garde combattante des Frères Musulmans, alors qu’il élève des classes secondaires d’Alep. Bien qu’il n’ait pas participé à des opérations militaires significatives, il décidera néanmoins de quitter la Syrie pour la Turquie à la suite des massacres de Hama, en Février 1982, du fait des responsabilités qu’il a assumées en tant que responsable du soutien logistique, de l’infiltration des combattants vers la Syrie et de leur exfiltration hors Syrie.

Alors qu’il devait retourner en Syrie en compagnie du chef de la formation clandestine, Adnan Okla(4), Mohammad Bahaya se brise la jambe le jour du départ. Cet accident lui sauvera la vie. Toute l’équipe qui devait accompagner le chef de l’avant garde a été interceptée à la faveur d’une embuscade tendue par les forces de sécurité syrienne et incarcérée, notamment leur chef, Adnan Oqla, dont toute trace a disparu depuis lors.

En 1987, Mohammad Bahaya gagne l’Afghanistan pour participer au Djihad en compagnie de l’un des plus emblématiques figures du djihadisme, le cheikh Abdallah Azzam. Plusieurs responsables d’At Tali’a ont confirmé depuis lors l’appartenance d’Azzam à la formation clandestine et ses liens avec le fondateur de la branche syrienne des Frères Musulmans, Marwan Hadid.

Au Pakistan, Azzam avait fondé «Bayt Al Ansar» (La Maison des partisans), Mohamad Bahaya ralliera cette structure choisissant pour pseudonyme «Abou Khaled». La «Maison des partisans» se transformera ensuite en «Bayt Qaidat al Jihad» (La Maison-base du Djihad) et Mohamad Bahaya, alias Abou Khaled, en devient l’instructeur attitré des combattants qui y séjournaient.

La base sera le lieu de rencontre entre Abou Khaled et son ami d’enfance et son collègue au sein de la formation clandestine: Abou Moussab As Soury.

2. Abou Moussab As Soury.

Moustapha Sit Maryam Ar Rifai est né en 1958 à Alep, s’enrôlera très tôt au sein de la formation clandestine. Moustapha Sit Maryam relatera dans ses ouvrages sa formation militaire, notamment les sessions d’entrainement qu’il a effectuées sous la supervision d’anciens officiers syriens en fuite en Jordanie et auprès d’instructeurs irakiens et égyptiens au Caire et à Bagdad.

Optant pour une spécialisation dans le domaine des explosifs, de la guérilla urbaine et des opérations spéciales, il devient instructeur dans les bases militaires des Frères Musulmans en Jordanie et dans des camps à Bagdad.

Lors de la bataille de Hama, en 1982, il devient membre du haut commandement militaire, et adjoint au commandant de la zone Nord Ouest de Syrie, placé sous l’autorité de Cheikh Said Hawa, le chef militaire de la confrérie.

Abou Moussab As Soury rompra avec la confrérie en signe de protestation contre l’arrangement conclu par les FM de Syrie avec les partis laïcs et communistes de même qu’avec la branche irakienne du parti Baas, dans le cadre du «Pacte National» visant à mettre sur pied une large coalition de l’opposition anti-Assad.

Abou Moussab se consacre alors à réactiver le Djihad dans Bilad as Sham (Le Levant). Cette nouvelle tâche qu’il s’est assigné le conduit à Peshawar (Pakistan) où il fait la connaissance d’Abdallah Azzam. Il intègre le rang des Moudjahiddine arabes qu’il initiera au maniement des explosifs, en compagnie de son ami Abou Khaled As Soury.

Abou Moussab combinera formation militaire et combattante et formation théologique, se plongeant dans la lecture des écrits d’Abdel Kader Abdel Aziz, notamment «Al Oumda» et «Al Jame’», le fondant à éditer deux ouvrages «L’expérience syrienne» et «Communiqué N°1 pour l’appel à la résistance islamique mondiale», dotant ce dernier de fatwas en conséquence.

Abou Moussabcomplétera sa formation théologique par l’étude de la pensée d’Ibn Taymiyya, d’Ibn Qayyim al-Jawziyya, ainsi que les écrits de Sayyed Qotb et Abdallah Azzam. Abou Mouss’ab As Soury résumera l’impact de ces théories sur sa pensée en ces termes :

«En 1990, lors de la guerre du Golfe, (consécutive à l’invasion du Koweït par l’Irak), tous les courants islamiques étaient représentés à Peshawar…. de la Sahouat aux courants djihadistes. Les positions prises par les gouvernements arabes, de même que les Machayekhs (chef tribaux et notables) et les peuples ont provoqué un séisme au sein de notre groupe. Avec l’avènement de la mondialisation, il nous est très vite apparu que les thèses défendues par la Sahouat étaient devenues caduques. Il importait alors d’adopter une nouvelle attitude qui soit en mesure de faire front au nouvel ordre international. J’ai alors rédigé un communiqué appelant à la constitution d’une résistance islamique mondial. J’ai opté pour logo-symbole du communiqué les lieux-saints de l’islam: La Qa’aba (la pierre noire de La Mecque), la mosquée Al Aqsa ainsi que la mosquée du prophète à Médine, avec en toile de fond des lances portant des croix et des étoiles à six branches par référence à l’occupation par les croisés et les juifs de ses trois lieux saints d’une manière directe ou indirecte depuis près d’un demi siècle. Le communiqué faisait ouvertement mention au recours au terrorisme contre le nouvel ordre mondial».

Main forte à la cellule algérienne de Londres, éditrice d’ «Nashrat Al Ansar»

La chute du gouvernement pro soviétique de Najibullah à Kaboul, de même que l’évolution du djihad afghan, particulièrement la guerre meurtrière des «Seigneurs de la guerre» afghans ont conduit Abou Khaled As Soury à retourner en Turquie, en 1992, où il y séjournera plusieurs mois, avant de se rendre en Espagne pour y rejoindre son frères armes Abou Moussab As Soury. Il demeurera en Espagne pendant deux ans avant de retourner en Turquie, alors que Moussa’ab prenait, de son coté, le chemin de Londres, pour prêter main forte à la «Cellule algérienne» de la capitale britannique, un groupe chargé d’éditer «Nashrat al Ansar» (Le bulletin des partisans), en soutien au GIA (groupement islamique Armée en Algérie).

Abou Khaled, qui avait pris part activement en Espagne aux débats en compagnie d’Abou Moussa’ab, maintiendra le contact avec son compère à son retour en Turquie, ce qui lui offert la possibilité d’être informé en détail de l’évolution de la situation en Algérie……..jusqu’à ce qu’intervienne le divorce entre les deux anciens compagnons d’armes, les deux s’accusant mutuellement d’apostasie.

Les deux hommes sont retournés en Afghanistan en 1997, un an après la prise du pouvoir à Kaboul par les Talibans. Entretenant, les deux, de liens très étroits avec Oussama ben Laden, le chef d’A Qaida, Abou Khaled en deviendra son homme de compagnie en ce que lors de ses séjours à Londres il avait réussi à développer un réseau de relations au sein des médias occidentaux. Il mettra à profit ses connaissances pour organiser une interview d’Oussama Ben Laden avec CNN, fin 1997. Dans la foulée, il a aménagé la possibilité à un ancien camarade d’exile Tayssir Alluny, de se faire accréditer comme journaliste à Kaboul, préalablement à la licence accordée à la chaine du Qatar «Al Jazeera» et la chaine d’information continue américaine CNN d’ouvrir des bureaux dans la capitale afghane.

Abou Khaled As Soury et Abou Mouss’ab As Soury sont demeurés en Afghanistan, opérant en tant qu’instructeurs militaires et formateurs idéologiques jusqu’à ce que les Etats Unis déclarent la guerre aux Taliban, en octobre 2001, dans la foulée des raids anti-américains du 11 septembre, conduisant les deux hommes à opérer un repli vers le Pakistan.

Abou Mouss’ab a été arrêté par les forces américaines, au Pakistan, le 5 mai 2005 et son compagnon, Abou Khaled, six mois plus tard, le 3 novembre 2005, également au Pakistan. Les deux hommes ont été placés en détention dans des prisons pakistanaises pour y subir un interrogatoire prolongé en vue de livrer des informations sur le fonctionnement d’Al Qaida.

Abou Mouss’ab est demeuré un an dans les prisons pakistanaises avant d’être transféré début 2006 à Diego Garcia , importante base Anglos américaine de l’Océan indien, ultime étape avant qu’il ne soit livré aux autorités syriennes, alors qu’Abou Khaled était directement livré à Damas dans le cadre de la coopération sécuritaire en vigueur à l’époque entre les Etats Unis et la Syrie, dans le cadre du système de la «rendition», la sous-traitance de la torture aux pays tiers.

Abou Moussab est demeuré dans les locaux des services de renseignements à Damas et à Alep jusqu’à ce que toute trace de lui ait disparu, alors qu’Abou Khaled croupissait dans la prison militaire de Saydnaya, où il demeura pendant 7 ans. Abou Khaled a comparu devant la justice syrienne, fin novembre 2011, pour répondre du chef d’accusation suivant: «Appartenance à Al Qaida». L’inculpé a nié son affiliation au mouvement d’Oussama Ben Laden, avouant en revanche son affiliation au mouvement Taliban; un mouvement, soit dit en passant qui a combattu, à un moment donné, «les Arabes Afghans». Il a été condamné à 7 ans de prison, une peine qu’il avait déjà purgé.

En Mai 2011, Des journaux proches du pouvoir en Syrie ont annoncé la remise en liberté d’Abou Moussab As Soury à la faveur d’une mesure d’amnistie présidentielle, dont ont bénéficié d’importants dirigeants de courants salafistes djihadistes de Syrie. En dépit de cette annonce, aucune indication n’est venue confirmer ce fait. De nouveau en 2012, la presse étrangère a annoncé sa libération, mais selon les indications en notre possession, il était demeuré en prison, dans une réclusion totale.

La mutation d’Abou Khaled As Soury en Abou Omeyr As Shamy.

 A sa libération, Abou Khaled a pris contact avec «le groupe de Saydnaya», du nom du lieu de sa détention dans les locaux de la prison militaire, un groupe jugé par lui le plus apte à mener en harmonie, le djihad, l’action sociale et les tribunaux islamique. Il offrira alors son expertise au groupement «Ahrar As Sham», dont il sera le point de jonction sur le plan théorique et organisationnel auprès d’Al Qaida».

Abou Khaled veillera à doter «Ahrar As Sham» de moyens financiers, un soutien médiatique, de même que des moyens de secours humanitaire via son vaste réseau de connexion djihadiste salafiste du golfe pétro monarchique, sans compter les volontaires affluant de l’étranger qu’il réussira à capter. Il assurera en outre la jonction avec le groupement de l’Etat Islamique en Irak et Levant (Da’ech) veillant à tout prix à éviter une confrontation entre les diverses factions qui se réclament de la même référence théologique et idéologique.

Ayman al Zawahiri, le successeur d’Oussama Ben Laden à la tête d’Al Qaida, l’avait chargé d’une mission de médiation entre les deux camps antagonistes (Al Qaida et Da’ech) en ce qu’il le considérait comme rétif à une adhésion à Jobhat An Nosra, la branche Al Qaida des djihadistes de Syrie.

Face à cette guerre fratricide, Abou Khaled a préféré concentrer ses efforts au renforcement d’ «Ahrar As Sham» (Les Hommes Libres du Levant), à laquelle il avait adhéré, selon un de ses dirigeants, fin 2012. Il se consacra alors à la formation et à l’entrainement de ses combattants dans la périphérie ouest d’Alep où il troquera son ancien pseudonyme pour un nouveau nom guerre «Abou Oumeyr As Shami», par gratitude à l’égard d’une figure salafiste du Qatar, qui s’est rangé à ses côtés à diverses reprises dans le passé.

Début 2013, Abou Oumeyr As Shami, ex Abou Khaled As Soury, assume les fonctions d’Emir du mouvement «Ahrar As Sham Islamique» à Alep.

3 -Abou Firas As Soury

Troisième par ordre d’importance des responsables de l’organisation militaire clandestine des FM de Syrie, «At Tali’a al Moukatilla», Abou Firas As Soury est le porte parole actuel du Jobhat An Nosra, filiale syrienne d’Al Qaida.

Radwan Mahmoud Nammous, de son vrai nom, est né en 1959 dans une localité située à la périphérie de Damas. Elève officier de l’académie militaire de Syrie, il en est sorti avec le rang de lieutenant. Il sera toutefois expulsé de l’armée, en 1979, à la suite du massacre des élèves officiers de l’académie militaire d’Alep, qui donna le signal de la grande confrontation avec le

Pouvoir baasiste et débouchera sur l’épreuve de force de Hama, en 1982.

Abou Firas, qui avait adhéré deux ans plus tôt en 1977 à l’organisation clandestine, s’est alors engagé dans la formation militaire et l’entrainement des combattants d’At Tali’a et participe à plusieurs opérations anti régime Assad. En 1980, il se dirige vers la Jordanie et mettra à profit son séjour dans le royaume hachémite pour s’initier à la doctrine wahhabite et leur adaptation à l’idéologie d’At tali’a.

Sur le plan théorique, sa contribution doctrinale portera principalement sur l’apostasie en Islam et la définition d’une position à l’encontre des «fractions islamiques renégates», une position déterminée en conformité des fatwas et avis de Ghazali à Ibn Taymiyya.

A la suite des tracasseries dont il est l’objet de la part des autorités jordaniennes, il quitte Amman, en 1981, pour l’Afghanistan où il figurera parmi les premiers syriens à avoir rejoint le groupement des Arabes Afghans, dont il formera un grand nombre à travers des sessions d’entrainements intensifs pour le combat contre les troupes soviétiques.

Propagateur des thèses salafistes au sein du mouvement de résistance du Cachemire

En 1983, il fait la connaissance d’Ousama Ben Laden et Abdallah Azzam et participe à la création de la fondation «Al Chokr Tayyiba (la gratitude est une bonne chose), qu’il crée avec le soutien financier d’Oussama Ben Laden, dont Zaki Ar Rahman en assurera la direction. Ce groupement a grandement contribué au renforcement du courant salafiste djihadiste au sein du «Mouvement de la Résistance du Cachemire», au détriment du «Front populaire de Libération de Jamu et du Cachemire». Il bénéficiera dans cette affaire du puissant soutien des services de renseignements pakistanais et du gouvernement pakistanais qui imposera la Charia (la législation islamique) sur le territoire du Jamu-Cachemire, sur instructions du Général Zia Ul Haq, en conformité avec le dispositif en vigueur au Pakistan.

Lors de l’intervention américaine en Afghanistan, en 2001, il a pris en charge la sécurité des familles des Arabes afghans, dont les membres étaient vendus pour cent dollars par les tribus et les intermédiaires aux Américains, avant d’être transférés à Bagram (Afghanistan) ou Guantanamo (Cuba).

En 2003, il se rend au Yémen d’où il a continué à suivre à distance les affaires de Syrie. En mars 2011, il n’hésitera pas à commenter l’actualité de son pays en signant de son vrai nom. Ses commentaires, repris par les sites et la presse islamique, y compris ceux proches de la confrérie, consistaient principalement dans le dénigrement des symboles civils du soulèvement populaire syrien, les accusant notamment d’être à la solde du pouvoir baasiste ou de l’étranger.

Dans la mesure où j’ai constitué sa première cible, -un article de 1.100 mots-, soucieux de surcroit d’objectivité, son article me concernant est publié en annexe de ce texte.

Au terme d’un séjour de 10 ans au Yémen, Abou Firas, selon les indications recueillies sur les sites de Jobhat An Nosra, rentre en Syrie en 2013. Aux côtés d’Abou Khaled As Soury, il tentera de régler le différend entre Jobhat An Nosra et Da’ech. Toutefois, ses efforts ont été mis en échec du fait de l’obstination de Da’ech à imposer ses vues. Il rallie alors Jobhat An Nosra et participe à la restructuration de la structure de commandement de la filiale syrienne d’Al Qaida, dans la foulée de la bataille contre la proclamation par Da’ech d’un Etat Islamique, qui a abouti à affaiblir la représentativité des éléments irakiens au sein du mouvement, au profit des Syriens du type d’Abou Malek attali.

Par ses écrits et ses fatwas, Abou Firas s’est engagé dans le domaine intellectuel à partir de son expérience dans l’avant garde combattante, articulant sa pensée sur l’apostat (al rida wal kofr) de la communauté alaouite, considérant la confrontation avec elle une partie intégrante du combat mené contre le régime Nousseyrite, laïc et hostile à l’Islam. Abou Firas a produit des dizaines de textes sur ce thème sur lequel se rejoigne les oulémas sunnites. Depuis sa décision de rejoindre les arabes afghans et son engagement au sein d’Al Qaida sa thématique de la guerre contre les Nousseyrites, jouxte celle de la guerre contre les croisés et les juifs.

Pour aller plus loin sur ce point, il convient de se référer à son site personnel où figurent toutes ses interventions et discussions: /http://ardalrebat.blogspot.no

Abou Firas As Soury a pris la défense de Jobhat An Nosra et d’Al Qaida en ce qu’il considérait ce positionnement comme relevant de la défense du Djihad au Levant (Bilad As Sham).

-La position d’Abou Firas à propos de Bourhan Ghalioun: Un renégat laïc et communiste.

En fait, sa position constante a été de soutenir Al Qaida, par des articles où il attaquait ceux qui critiquait l’organisation-mère du djihadisme international ou tenaient de la poignarder. Un article est éloquent à cet égard: «Comme est belle la trace qu’elle laisse sur eux, comme est vilaine la trace qu’ils laissent sur eux-mêmes».

Sa première prise de position publique à propos d’Al Qaida, avant son retour en Syrie, en tant que responsable organisationnel a été sa tribune «Les diables du remote control» (télécommande) dans lequel il s’en prenait vivement à toux ceux qui, au sein du Conseil national et la coalition de l’opposition, ont critiqué l’acte d’allégeance de Joulani à Ayman Al Zawahiri et à Al Qaida. Voici des extraits :

« De quelle légitimité parlent-ils? De la légitimité du diable? Où sont vos preuves? La France a regroupé ses agents et ses enfants et a intronisé le laïc, communiste, renégat Bourhan Ghalioun, sans consulter les moudjahiddines, ni ceux qui versent leur sang, pas plus que le peuple opprimé…Les diables du remote control (télécommande) se sont tus devenant pareils aux singes du Louxor (Egypte), ne voyant rien, n’entendant rien, ne disant rien.
….«Quand ils disent qu’il s’agit d’un acte sans fondement légal que rejette l’esprit, ils provoquent la dispersion D’Ahl As Sham (les Gens du Levant) dans leur totalité et constitue un acte de captation de leur esprit et de leur destin.
…«Puis ils ont choisi Abdel Basset Sida, communiste, laïc, suédois et les diables du remote contrôle sont demeurés silencieux d’un silence comparable au silence des morts. Puis vient le tour du croisés nasrani, (le nazaréthéen-chrétien) Georges Sabra qui a fait acte d’allégeance à la France lorsqu’elle lui a accordé la nationalité française, avec la bénédiction de ceux qui se targuent de philosophailler (Al Moufalsafine), sans référer aux Moudjahiddines, ni au peuple. Les diables du remote control ont, soit approuvé, soit justifie, soit démuré taiseux en ce ceci relève de la substance même de la laïcité. Les diables du remote control n’ont pas protesté ni considéré qu’l s’agissait d’un acte sans fondement légal que rejette l’esprit, ils provoquent la dispersion D’Ahl As Sham (les Gens du Levant) dans leur totalité et constitue un acte de captation de leur esprit et de leur destin.
Puis vint l’Amérique piochant dans les archives de ses agents stipendiés Mouaz Al Khatib pour le désigner président de la coalition, avec comme assistant le laïc Riad Seif et la baasiste Souheir Al Atassi. Les diables du remote control se sont réjouis, l’ont magnifié, allant jusqu’à lui attribuer des exploits, alors que Mouaz n’était qu’un simple employé chez Bachar dans l’appareil chargé de l’intoxication en vue de semer la confusion. Moaz Al Khatib a souscrit à leur requête, déclarant qu’il ne saurait y avoir de négociations avec le régime stipendié, sauf à souscrire à quatre conditions: Puis L’Amérique a pressé sur son remote control et subitement les «Non» se sont transformés en «OUI», il s’est alors déclaré disposé à négocier, individuellement, avec le régime mécréant donnant son accord à ce que l’Iran et la Russie supervisent le dialogue.
Puis un état mystique l’a emmené chez les Américains, il a alors déclaré sa flamme aux Américains leur disant oui, deux fois, même trois fois oui. Depuis lors, il réserve ses «Non» qu’aux moudjahidines.
Les diables des télécommandes ne soutiennent, ne défendent et ne cirent que les pompes usées dont il ne sert à rien de les cirer ou de les lustrer, sans jamais dire « qu’il s’agit d’un acte sans fondement légal que rejette l’esprit, ils provoquent la dispersion D’Ahl As Sham (les Gens du Levant) dans leur totalité et constitue un acte de captation de leur esprit et de leur destin. » (5).

4 – Abou Bassyr AT Tartousi

A l’instar de ses prédécesseurs, ce personnage de l’avant garde combattante a conservé par devers lui, l’amertume d’avoir occulté le fait d’avoir adhéré dans sa jeunesse à l’organisation militaire clandestine des Frères Musulmans.

Abdel Moneim Moustapha Halima est né à Tartous le 3 octobre 1959. A l’âge de 17 ans, il est incarcéré pour quatre mois pour avoir chargé de graffitis djihadistes les murs de sa ville natale. Au sein de l’organisation militaire clandestine, il était placé sous l’autorité d’Adnan Okla. Il se réfugiera en Jordanie, en 1980, après que l’étau se soit resserré sur sa formation, mais Amman sera une étape avant son grand départ pour l’Afghanistan, via l’Irak et le Pakistan.

A Peshawar, il fait la connaissance d’Abdallah Azzam et l’accompagne dans une mission djihadiste en Afghanistan. En fait, les Moudjahidines quittaient l’Afghanistan périodiquement pour le Pakistan qui leur servait de base arrière et de camps de repos.

Abou Bassyr retourne en Jordanie au milieu de la décennie 1980 et devient le voisin d’Abou Moussab Al Zarkaoui dans le quartier Maassoum à Zarka. Il en fait le récit suivant dans un de ses ouvrages: «Le domicile d’Abou Moussab Al Zarkaoui était distant de quelques dizaines de mètres du mien. A l’une de nos premières rencontres, il s’est plu en ma compagnie. Il s’est intéressé à mes livres et me consultait sur de nombreux sujets».

Abou Bassyr a publié plusieurs ouvrages lors de son séjour en Jordanie, avant que les services de renseignements jordaniens ne lui intiment l’ordre de référer aux Frères Musulmans de Syrie et aux services jordaniens avant toute nouvelle publication. Faisant fi de ses instructions, il publiera en 1994 un ouvrage intitulé «Les principes dans la décision de décréter l’apostasie», conduisant les autorités jordaniennes à ordonner son expulsion.

Il choisira le Yémen où il demeurera trois ans environ avant d’être arrêté et expulsé. Il se rend alors en Malaisie où il demeurera plusieurs mois d’une manière illégale, avant de se diriger vers la Thaïlande puis le Royaume Uni…«Le pays des impies où il trouvera la liberté de se livrer à la mission de prédication, une mission dont il avait été privé dans le pays des musulmans».

En 2012, Abou Bassyr At Tartoussi retourne en Syrie après une absence de trente ans, continuant néanmoins ses navettes entre la Turquie et le Royaume Uni.

Abou Bassyr a émis de nombreux avis et fatwas durant les vint années qui ont précédé le 18 mars 2011. Il a attaqué la Syrie, critiqué le dignitaire religieux saoudien Safar Al Hawali et les références religieuses des groupements islamiques égyptiens, soutenant que le djihad ne doit pas être uniquement mené dans les pays musulmans occupés ou exposés à des agressions, mais également dans tout pays qui n’est pas gouverné par l’islam.

Il a défendu le principe du recours à la méthode des explosifs en 2007 mais était pétri de contradictions en ce qui concerne la Syrie. Il soutient, d’une part, que «le régime syrien est très soucieux à maintenir le peuple syrien dans le cadre de la violence et à faire usage des armes en ce qu’elle constitue l’unique champ où il excelle» et réclame, d’autre part, dès le 5eme mois du soulèvement, la mise en place d’instances de coordination djihadiste dans le domaine de la sécurité, allant jusqu’à soutenir mordicus que la malfaisance du régime ne saurait être abolie que par la violence.

Abou Bassyr s’est rendu célèbre, dès le milieu de la décennie 1990, par ces fatwas contre la Famille As Saoud, l’accusant d’apostasie. Ceci ne l’empêchera pas d’adresser un message de gratitude au Royaume après le retrait du ministre saoudien des Affaires étrangères, Saoud Al Faysal, de la conférence des «amis de la Syrie» de Tunis. Il reprendra ses critiques à la suite des prises de position de l’Arabie à propos de l’Egypte lors de l’éviction de Mohamad Morsi.

Dans des interviews à la chaîne «Al Hiwar» (Dialogue), il a affirmé que «la dynastie Al Saoud a failli à ses engagements concernant les prescriptions édictées par Mohamad Abdel Wahhab. Nombreux ont failli à leurs engagements pour préserver leurs intérêts politiques. S’ils avaient été fidèles à ces enseignements, cela leur aurait procuré le plus grand bien tant pour eux que pour leur Oumma.

Cette position est en conformité avec son adhésion au wahhabisme et à sa fierté affichée d’appartenir à ce courant de pensée. Il a procédé à sa profession de foi dans un long article intitulé «Oui, je suis wahhabite», proclamant notamment: «En dépit de ma colère face aux facteurs de division des musulmans qui entravent leur union, je le proclame franchement et publiquement je suis wahhabite qui s’honore de l’amour qu’il porte au cheikh Mohamad Abdel Wahhab et de l’amour qu’il porte à ses prédications».

Depuis le début des évènements en Syrie, en 2011, Abou Bassyr a tenté de remettre au goût du jour l’ancien discours de l’avant garde combattante visant à décréter l’apostasie de la communauté alaouite et la responsabilité du régime dans la dégradation de la situation en Syrie. Ainsi, fin mars 2011, peu de jours après le début des évènements, écrivait-il: «Ce qui menace l’existence du régime syrien confessionnel et peut contribuer à son dépérissement est le fait de mettre l’accent, avec insistance sur la nature de sa confession (alaouite), en soulignant la nécessité d’établir un lien entre la confession du régime et la guerre à mener contre cette même confession.

«Louanges à Dieu, seigneur de l’univers, le djihad contre cette confession alaouite qui gouverne la Syrie au nom du part Baas renégat, est un devoir figurant ans le livre et la sunna et l’unanimité des oulémas musulmans. Le djihad contre eux doit primer le djihad contre les juifs et les chrétiens. Damas ne retrouvera son rôle pionnier habituel et attendu à nouveau, et ne lavera l’humiliation qu’après avoir mené le djihad contre cette communauté maudite, renégate représentée au sein du régime confessionnel baasiste qui gouverne. Son élimination du centre du pouvoir et des positions de commandement».

«La révolution syrienne vise à la chute de trois régimes: le régime syrien confessionnel, le régime iranien renégat et son influence en Syrie ainsi que le Hezbollah renégat». A partir de cette profession de foi, il a multiplié les déclarations accusant «le Hezbollah renégat de participer au meurtre des manifestants syriens».

Il répliquera d’une manière odieuse à une déclaration de Haytham Manna, en date du 23 mars 2011, qui avait assuré que «ce sont bien les services de sécurité syriens qui ont ouvert le feu sur les manifestants syriens à Dera’a les 18 et 19 mars, et non le Hezbollah ou toute autre partie non syrienne».

Le 20 mars 2011, il crée sur Facebook une page intitulée «L’opposition islamique au régime syrien», la dirigeant personnellement. De même, il a émis un décret prescrivant aux Syriens de s’abstenir de payer leurs impôts et les factures jusqu’à la chute du régime» d’entraver le fonctionnement des écoles, sous ce mot d’ordre: «Pas d’enseignements ni d’enseignés avant la chute du régime».

Il a été parmi les premiers à réclamer la mise sur pied d’une structure de coordination dans le domaine de la sécurité et djihadisteen vue de protéger la révolution, un des plus fermes partisans à la constitution d’une force militaire «révolutionnaire» sur le terrain. Ils l’ont voulu pacifiste, sur le modèle de Gandhi (non violente), plaise à Dieu que cela ne soit qu’un djihad en sa faveur, a t-il déclaré focalisant ses attaques et critiques contre Haytham Manna «un communiste athée, haineux, qui a pris le char de l’opposition», selon l’expression qu’il a utilisée dans son livre «Cahier de la révolution et des révolutionnaires».

Il a également lancé une attaque similaire contre Bourhan Ghalioun dans le même livre («Ghalioun, laïc, athée, éradicateur, prétentieux dont le principal ennemi est l’Islam et les musulmans, une créature française, à qui fait défaut un passé d’opposant».

Il a favorablement accueilli l’idée d’une intervention extérieure contre la Syrie, la considérant comme une excellente chose «mais qu’il importait auparavant de constituer une force militaire sur le terrain». De même, il a émis une fatwa rendant licite une intervention militaire extérieure en Libye, en contradiction avec une précédente fatwa, spécifiant que «tout musulmans qui accepte de pactiser avec les renégats de l’Islam se place en dehors de l’Islam».

Abou Bassyr s’est montré actif sur deux niveaux: Edicter des fatwas et maintenir la liaison avec tous ceux qui soutenaient le djihad, notamment les salafistes du Koweït, en vue de mobiliser leur soutien moral et matériel et lever des fonds prélude à l’étape djihadiste de la révolution. Selon une source qui s’est confiée au journal libanais «Al Akhbar», Abou Bassyr a joué un «rôle fondamental en vue d’assurer un soutien aux moudjahidines».

En avril 2012, il décide que le temps était venu de «se mobiliser pour le djihad». Il se rend en Turquie pour tenir une série de réunions avec «des amis qui soutiennent le djihad». Puis retourne en Syrie pour fonder Harakat Al Fajr al Islamiyah («le mouvement de l’aube islamique»), qui a procédé à ses premières opérations à partir de la région d’Idlib, avant de se déployer dans la région d’Alep (Nord de la Syrie), toujours selon la même source.

Abou Bassyr a eu en outre un rôle primordial dans la mise sur pied du Liwa Al Haq (la brigade de Droit) de Homs. Ces deux formations -Le mouvement de l’aube et la brigade de la vérité- seront ultérieurement deux des principaux alliés du groupement «Ahrar As Sham (les hommes libres du levant).

Abou Bassyr s’est appliqué enfin à veiller à l’islamisation des bataillons de «l’Armée Syrienne Libre» (ASL) . Pour se faire, il a ménagé les Frères Musulmans, faisant usage de leurs tribunes, en vue d’élargir les assises de l’alliance islamique entre les combattants et de marginaliser les bataillons non islamiques. Pour atteindre son objectif, il s’est appuyé sur ses anciens afghans.

Les fatwas d’apostasie d’Abou Bassyr, avant 2011, portaient concernaient un grand nombre de victimes: Cheikh Youssef Qaradawi, le mufti de Qatar, le cheikh Hamed Ali salafiste koweitien, et le Hamas qu’il a accusé d’ouvrir la voie à un processus de conversion au chiisme «chiitisation» de la Palestine (par allusion à son alliance avec l’Iran et le Hezbollah).

Avec le déclenchement des événements en Syrie, il gagna en habilité modulant ces fatwas en fonction de la situation politique. Via ses diverses tribunes, il a ainsi, tour à tour, adressé ses remerciements «aux amis du djihad et ses soutiens», notamment la Turquie et son premier ministre Tayyeb Reccep Erdogan, «les hommes libres et honorables du Koweït», la chaine du Qatar Aljazeera, la chaine «Al Wissal».

Mais, dans le même temps, il a poursuivi ses attaques contre de nombreuses personnalités, tel le Cheikh d’Al Azhar, Ahmad Tayyeb, le qualifiant de «cheikh égaré», le cheikh Salah Abou Arfa, l’Imam de la mosquée Al Aqsa de Jérusalem. Il a multiplié ses attaques contre la population de la ville d’Alep et contre tous ceux qui souhaitaient de limiter le flux de la révolution à un règlement politique».

En 2011-2012, pendant deux ans, il avait concentré ses attaques sur la laïcité, prohibant la démocratie en ce que «tout acte qui confère un pouvoir de légiférer à une créature humaine ne saurait être approuvé, ni participé à sa réalisation, en tout état de cause, car il relève de l’idolâtrie».

Les opérations suicides

Abou Bassyr a une vue personnelle sur les «opérations suicides» qu’il a développée très tôt, qu’il a qualifiée d’opérations suicides désuètes. Il a été un des premiers membres d’AT Taliha (avant garde combattante) à mettre en garde contre Da’ech, les accusant de dissidence (khawarij) se livrant à de la surenchère. «Ils sont plus dangereux pour l’Islam et les musulmans, car les dissidents se son révélés apostat par péché d’orgueil, alors que ceux-ci commettent l’apostasie par mépris des bienfaits» de l’Islam, a-t-il notamment déclaré sur la chaine «Al Hiwar» de Londres.

A noter la divergence entre Abou Firas As Soury et Abou Bassyr At Tartoussy, lequel a accordé son soutien aux fractions de l’Armée Syrienne Libre (ASL), contrairement aux politiciens, considérant que de tels combattants peuvent être affectés au service du djihad et servir le projet d’édification du pouvoir de Dieu sur terre, alors que le politicien est porteur d’un projet non islamique, constituant de ce fait une menace sur le djihad et le pays.

http://www.abubaseer.bizland.com

Conclusions provisoires

L’analyse des diverses déclinaisons d’ «At Tali’a Al-Mouqatila» (l’avant garde combattante des Frères Musulmans» et son positionnement vis à vis des évènements de Syrie révèle que cette formation, en tant que structure, programme et groupement, se réduit désormais à une expérience djihadiste pionnière dont les membres s’enorgueillissent de leur rôle précurseur. Leur mouvement et leurs écrits ressortissent de ce qu’ls considèrent comme relevant du «djihadisme mondial».

Le chauvinisme damascène est sans nul doute présent dans toutes ses symboles en ce qu’il et fréquent de les entendre faire usage de cette expression: «Si les gens de Damas se pervertissent, rien de bon ne sortira de vous»… ou encore «le bien est en Damas»…ou enfin «le retour du califat à Damas».

S’il est aisé de trouver des fatwas et des critiques, de forte tonalité, à l’encontre du gouvernement saoudien et de ses dignitaires religieux (loyalistes ou opposants), de même qu’à l’encontre des Emirats Arabes Unis ou du Koweït, nous n’avons pu en revanche dénicher le moindre mot critique à l’encontre du Qatar ou à l’encontre des personnalités salafistes leurs deux versions, tant les prédicateurs que les djihadistes, depuis la militarisation du mouvement populaire en Syrie.

Ces personnalités et ce groupement ont sans nul doute réussi, chacun à sa façon, à accentuer dans une large mesure la tonalité du discours confessionnel du mouvement djihadiste, hors Syrie. Ils ont aidés en cela, d’abord par le discours wahhabite véhément à l’encontre de ses contestataires, l’intervention directe des fractions armées chiites en soutien au régime syrien, ensuite, les campagnes médiatiques qui se sont développées mutuellement sur les chaines haine sunnites et chiites qui ont fai éclosion tels des champignons dans la zone, enfin.

Pour ce faire, il suffit d’observer le site du mouvement «Harakat Ahrar As Sham» et du «Front Islamique» dans leurs diverses composantes, -même celles n’opérant pas sous leur bannière-, pas uniquement Da’ech et Jobhat An Nosra, d’une part, et les sites des groupements chiites d’autre part, tels «Al Fadl Ben Abbas» pour prendre l’exacte mesure du degré atteint par l’opération consistant à souiller la lucidité politique par des considérations religieuses d’un autre temps en ce que tous les groupements estimaient que cette bataille qu’ils engageaient au XXI ème siècle constituait le prolongement de batailles passées, bien que révolues, qui ont finalement déboucher à assassiner l’esprit et la vie, de même que le principe de la dignité humaine prescrite par le Coran ainsi que les principes de liberté et de concitoyenneté.

Une telle pathologie confessionnelle a projeté le pays et sa population dans un cycle de violence spécifique, alliant l’arriérisme à la réclusion mentale, propice au développement d’une mentalité éradicatrice déblayant la voie à la pulsion mortifère, l’instinct de meurt et la pulsion de mort. En dépit de sa manifestation de manière éclatante dans le secteur oriental de la Méditerranée, il ne saurait être considéré comme une spécificité locale.

Eric Hobsbawm (L’âge des extrêmes) mentionne son existence centenaire lorsqu’il affirme: «Un autre facteur déclencheur de la violence illimitée, autrement plus dangereux, est le fait que les conflits internationaux et locaux depuis 1914 ont été nourris par la conviction de chaque protagoniste d’être détenteur d’une juste cause et que la cause des autres était sans importance; ce qui a incité les antagonistes à juger comme impératif la nécessité de faire usage tous les moyens dont ils disposaient pour réaliser la victoire ou éviter la défaite. Ce qui signifie que les groupements armés, de même que les Etats éprouvent le sentiment de disposer de l’aptitude morale à promouvoir la barbarie (6).

Annexe

Abou Firas As Soury (Radwan Mahmoud Nammous) à propos de Haytham Manna

De son vrai nom Haytham Aloudat, natif de Dara’, le 16 Mai 1951, porte le nom de Manna en souvenir de sa première épouse, Mouna, qu’il a perdue lors d’une agression collective cinq jours après leur mariage à l’arrière plan de ce qu’il est convenu de qualifier de «crime d’honneur» en ce quelle appartenait à la religion chrétienne. Il a étudié la médecine à l’Université de Damas. Titulaire d’un doctorat en anthropologie, il s’est spécialisé dans la psychothérapie et le traitement des troubles du sommeil.

Membre de «La Ligue de l’Action Communiste» en Syrie, dénommée plus tard «Le Parti de l’action communiste», -ou plus communément, le «Groupe Riad Turk»-, il a été élu membre du bureau politique lors du premier congrès constitutif du parti en Aout 1976. Il s’est rendu en France et est retourné en Syrie après 25 ans. Il occupe le poste de porte parole officiel de la «Commission Arabe des Droits de l’Homme». Haytham Manna a refusé de participer à la conférence d’Antalya (Turquie), à la conférence de Bruxelles ainsi qu’à la conférence de salut d’Istanbul.

Manna a déclaré au début de la révolution avoir reçu des propositions visant à faire entrer des armes en Syrie. Ces déclarations ont suscité de fortes interrogations, lui réclamant des clarifications sur ces offres et leurs auteurs. A ce jour, «selon des observateurs», il n’a pas fourni de réponses satisfaisantes. De nombreux opposants de l’intérieur ont critiqué Manna à la suite de ces déclarations selon lesquelles les manifestants ont bénéficié d’un soutien extérieur pour faire chuter le régime et que des groupements armés se sont glissés dans les rangs des manifestants pou combattre les forces de sécurité. Manna est une mine plantée par le régime au sein de l’opposition. Il critique le discours religieux, particulièrement le discours salafiste et des Frères Musulmans, le considérant comme relevant de l’obscurantisme intégriste…., alors qu’il soutient fortement l’Iran, le Hezbollah et les chiites d’une manière générale. Lors du dernier congrès de l’opposition à Qatar, il a franchement récusé les accusations selon lesquelles l’Iran et le Hezbollah apporteraient leur soutien aux «Chabbiha», les fiers à bras du régime, considérant que les informations en ce sens sont préfabriquées. Des opposants, particulièrement dans le secteur de Dar’a, soutiennent que les propos de Manna ont révélé sa collusion avec le régime, dont il déclare lui être opposé: «Haytham Manna a vendu la révolution en contrepartie d’une aide financière de l’Iran. Haytham Manna est démasqué, ses propos risibles peuvent servir de trame à des communiqués du nouveau ministre syrien de l’Intérieur, le maitre d’œuvre du massacre de Bab Tebbané (quartier de Tripoli, nord Liban).

Les assertions de Haytham Manna sont de la même nature que celles de l’ambassadeur syrien au Liban. Le Hezbollah a réussi à attirer vers lui Haytham Manna, le juriste et laïc, qui a depuis entrepris de faire des apparitions sur la chaîne Al Alam, pour nier le rôle de l’Iran et du Hezbollah dans la répression du peuple, tout comme il a attaqué le fait que les gens de Jisr Al Choughour se soient réfugiés en Turquie…Comme s’il voulait qu’ils demeurent sur place pour être égorgés et leur honneur violé.

Manna a obtenu une distinction de l’organisation «Human Rights Watch» en 1992 et une médaille des droits de l’homme de l’Académie des sciences de Washington. Une grande suspicion tourne autour des propos qu’il a tenues sur la BBC concernant des offres qu’il aurait reçues sur l’introduction des armes en Syrie, qu’il aurait catégoriquement refusées appelant à opter pour une voie pacifique dans le mouvement de la révoltions syrienne.

Dans une interview à la chaîne «Al Manar», dimanche 15 Mai 2011, Haytham Manna, s’exprimant en sa qualité de porte parole de la Commission arabe des droits de l’Homme, dont le siège est à Paris, a affirmé que le nombre des prisonniers d’opinion en Arabie saoudite est infiniment supérieur qu’en Syrie. «En Arabie saoudite, il y a environ 5.000 prisonniers d’opinion. Il importe de prendre des mesures pour abolir les distinctions fondées sur la religion concernant les chiites en matière d’embauche. De reconsidérer la politique de recrutement de manière à ce qu’elle tienne compte de la composition religieuse des provinces du pays. A encourager les chiites à assumer des responsabilités au sein du gouvernement local des provinces, particulièrement dans les zones où les chiites sont majoritaires (Al Qatif, Al Ahs’a, Najran, Al- Madina). Inciter la justice à favoriser la diversité en matière de recrutement dans l’enseignement. Autoriser les chiites de s’inscrire dans les académies militaires et le service militaire. Reconsidérer enfin la nomination de personnalités chiites au sein de l’administration centrale, tels les ministères.

Prendre des mesures en vue de mettre un terme à la discrimination religieuse au sein de la justice. Autoriser les chiites à postuler à des fonctions de juges ordinaires, en complément aux quatre juges chiites présents actuellement dans les tribunaux d’Al Qatif et Al Ahsa’ (qui ne disposent d’aucune compétence particulière, sauf pour les affaires civiles). Ecarter la possibilité qu’un chiite ne puisse accéder à la justice.

Prendre des mesures en vue de mettre un terme à la discrimination par la religion dans le domaine de la justice. Autoriser les chiites à enseigner la religion dans les écoles. Interdire la discrimination en matière d’octroi de licence pour la construction des mosquées pour les chiites et les lieu de recueillement à usage religieux et culturels.

Octroyer aux imams chiites et à leurs mosquées les mêmes avantages que ceux octroyés aux imans sunnites et à leurs mosquées. S’interdire toute intervention dans le culte religieux chiite, public ou privé, et interdire tout tierce intervention.

S’abstenir de procéder à l’arrestation d’un imam chiite du fait de l’exercice de son culte religieux. Autoriser les chrétiens, les pratiquants de la religion hindouiste et bouddhiste de pratiquer leur culte, sans intervention de l’état.

Sur la chaine «Al Alam», le responsable de la commission arabe des droits de l’homme a déclaré que l’armée saoudienne est une armée qi a fait l’objet d’un dressage psychologique ne respectant ni l’homme, ni sa dignité, soulignant que l’armée saoudienne considère les manifestants bahreinis comme étant des «renégats» à l’encontre desquels elle donne libre cours à son comportement dont l’ intervention ne saurait constituer une solution à la crise.

Haytham Manna a soutenu que l’état d’urgence à Bahreïn existe pratiquement depuis plusieurs années. Cela se manifeste clairement par les arrestations et les jugements, où les prisonniers ont été soumis à des tortures, en vue de les intimider et affirmer l’autorité de l’Etat. Il a estimé que les actes des autorités du pays et des forces étrangères constituaient un acte de suicide et nihiliste qui ne pourrait réussir qu’au prix de l’extermination de plus de la moitié de la société. Il a soutenu que l’intervention des troupes saoudiennes a ouvert la voie à des massacres, à Bahreïn, où 10 personnes ont été tuées ce jour, un chiffre appelé à grossir. Haytham Manna a affirmé en outre que la présence des troupes saoudiennes représente une catastrophe dans tous les sens du terme et qu’il leur incombe de dégager en ce que rien ne saurait justifier leur présence à Bahreïn. Il a estimé que les crimes ne sauraient restés impunis, soulignant que tout responsable bahreïni ou relevant de la force du bouclier de la péninsule arabique (ndt=force d’intervention du Conseil de Coopération du Golfe) qui se rendrait en Europe serait passible de poursuite pour crime contre l’humanité.

Site du Docteur Haytham Manna et de la chaine Al Alam (chaîne arabophone iranienne) – La Haye (20.07.2011) :

«Haytham Manna, président du Comité Arabe des Droits de l’Homme, a réaffirmé son intention d’oeuvrer en vue de déposer une plainte contre les violations des droit de l’homme à Bahreïn auprès des instances compétentes à La Haye, sur la base d’un rapport mis au point par 9 avocats européens et arabes et qu’il n’était point besoin de recourir au Conseil de Sécurité de l’ONU pour soulever la question de Bahreïn sur le plan juridique.

Dans une déclaration spéciale à la chaîne Al Alam, il a précisé qu’une brève rencontre avait eu lieu à ce sujet avec le procureur général auprès de la Cour Pénale internationale, Luis Moreno Ocampo, en vue de poser les fondements de la plainte et d’archiver les documents concernant les massacres commis à Bahreïn, prélude à des mesures juridictionnelles complémentaires.

«La juridiction est désormais placé devant un double choix: Soit de déclarer recevable le dossier en ce qu’il contient la totalité des éléments exigés par la procédure et lancer l’ouverture des travaux. Soit que le procureur désigne une commission préliminaire chargée d’étudier le dossier et les documents y afférents, une procédure qui dispose d’un délai de deux mois pour sa conclusion», a-t-il poursuivi.

Abou Firas as Soury, se référant à un site iranien, en déduit que Haytham Manna fait porter à l’Arabie saoudite une responsabilité pénale dans les évènements de Bahreïn. Ci joint le libellé de son texte laconique, qui procède par juxtaposition de termes sans liaisons directes: Se référant au site «Révolution Bahreïn/Association iranienne pour la protection de la révolution du peuple bahreïni opprimé et blessé- comité juridique: L’Arabie saoudite assume une responsabilité pénale pour son intervention à Bahreïn.

..«Haytham Manna, toujours en sa qualité de responsable de la Commission arabe des droits de l’Homme, a considéré que l’appel à la constitution d’un conseil de la révolution en Syrie est un acte de grande gravité. Dans une déclaration faite depuis Paris à la chaine «Russia Today», il a fait part de sa conviction de l’existence d’une tendance, particulièrement au sein des états du Golfe, visant à mettre sur pied, d’une manière ou une autre et le plus rapidement une structure de l’opposition syrienne.

.. «Il est clair qu’il se dégage des activités de Haytham Manna que ce militant communiste chiite est soucieux d’innocenter l’Iran et le Hezbollat (dénigrement de Hezbollah) des crimes qu’ils ont commis avec l’aide du régime nousseyrite de Syrie dans leur œuvre d’extermination collective».

Fin du texte d’Abou Fias As Soury

Réponse de Haytham Manna

Ci joint le commentaire que j’ai rédigé, dès que j’en ai été informé, au papier d’Abou Firas As Soury. Papier écrit début septembre 2011, précisément un mois après l’assassinat en martyr de mon frère l’ingénieur Ma’an Al Awdat, un sujet qu’Abou Firas As Soury s’abstient d’évoquer.

«Ma position à l’égard du mouvement révolutionnaire dans le Monde arabe en général, pas uniquement en Syrie, est connue. Le fait de combattre la transformation du mouvement populaire syrien d’un mouvement pacifique pour la dignité, la liberté et la démocratie en un conflit confessionnel répondait au souci de prévenir les effets dévastateurs d’une telle évolution en ce que cela avait pour effet de détruire le tissu social syrien et de bruler tout sur son passage.

«Je revendique comme un honneur le fait de défendre les droits des minorités et cela depuis l’adolescence, mais l’esprit confessionnel ne peut concevoir cet aspect des choses en ce que la défense des minorités relève d’un combat plus général qui est la défense de la concitoyenneté pleine et complète, sur un plan d’égalité entre les êtres humains.

«Il existe un article intitulé «Haytham Manna l’alaouite» et voilà que Radwan Nammous évoque un «communiste, chiite». Un salafiste m’a interpellé violemment un jour à Bruxelles, en ces termes: «Tu es chrétien. Ta famille s’est convertie récemment».

«A tous ceux qui se repaissent de telles balivernes, je dis ma fierté je me suis nourri de la culture arabe et musulmane dans toute sa richesse. J’ai découvert les joyaux de la chrétienté orientale et savouré les délices de la culture musulmane. J’ai suivi «l’homme parfait» avec Ibn Arabi et Jamal Eddine Ar Roumi. C’est cette culture ample et éclairée, et non la déclaration universelle des Droits de l’Homme, qui m’a fait entrer, par la grande porte, dans l’univers des droits de l’homme.

Observations

  1. Pour aller plus loin sur ce point, Cf: le livre de Haytham Manna «le salafisme, Frères Musulmans et les droits de l’homme»- Institut scandinave des droits de l’homme- ainsi que les éditions suivantes – 2014
  2. Ayman As Shourbaji: «Mémoires de l’avant garde combattante», page 32, Edition électronique.
  3. En date du 11/8/2011, une séquence vidéo a été distribuée annonçant la naissance d’«At Tali’a al Mouquatila». Le porte parole, en tenue camouflée, a annoncé le retour d’At Tali’a à Alep et ses environs et la formation était constituée de bataillons portant les noms de ses dirigeants des décennies 1970-1980: bataillon Marwan Hadid, bataillon Adnan Okla, bataillon Ibrahim Minghani, bataillon Hosni Abou, bataillon Ayman Barbouri.
  4. Adnane Okla est né le 05 Janvier 1951 au village de Khisfin, dans le Golan. Il a grandi et fait ses études secondaires et universitaires à Alep. Membre actif des cellules islamistes durant sa scolarité universitaires, il est titulaire d’un diplôme d’architecture. Il a assumé des responsablités au sein de la direction d’At Tali’a après le meurtre du premier groupe de ses dirigeants. Arrêté lors d’une embuscade tendue lors de sa tentative de retour en Syrie, en 1983, il figure depuis lors parmi les disparus.
  5. https://bahrainforums.com/vb/%C7%E1%DA%D1%C8-%E6%C7%E1%DA%C7%E1%E3/1064452.htm
  6. Eric Hobsbaum: «La mondialisation, la démocratie et le terrorisme»- Dar Al Arabie Lil Ouloum 2007, page 108

NB: Il est important de lire les articles traitant de ce sujet, auparavant, notamment

  • Abdel Rahman Al Hajj, journal transfrontière saoudien Al Hayat jeudi 27 février 2014
  • Georges Malbrunot «Al Qaida en Syrie» après la mort d’Abou Khaled As Soury, Le Figaro mercredi 22 avril 2014
  • Sahib Anjari, journal libanais «Al Akhbar», mardi 4 mars 2014
  • Deux articles de Tareq Aziz, le premier dans le journal syrien «Al Jihad», le 2 septembre 2013 et le second dans le journal libanais «Al Akhbar», le 12 septembre 2013

Glossaire

  • Sayyid Abul Ala Al-Maududi (Maulana Maududi) (25 septembre 1903-22 septembre 1979), fondateur et idéologue fondamentaliste très influent, a été le fondateur du parti pakistanais Jamaat-e-Islami. Il envisageait la création d’un Etat islamique unifié, fondé sur l’application rigoureuse de la loi religieuse (Charia), qui s’étendrait progressivement à tout le sous-continent indien. Il est le premier islamiste du XXème siècle à prôner le retour au Djihad et Califat.
  • Sayyed Qotb: Poète, critique littéraire égyptien et principal idéologue des frères musulmans après Hassan al Banna, très influencé par Al-Maududi, il a laissé des ouvrages référence pour le mouvement islamique politique. Né le 9 octobre 1906 et exécuté par pendaison le 29 août 1966.
  • lbn Taymiyya: Jurisconsulte sunnite controversé du XIIIᵉ siècle, influent au sein de l’école hanbalite connu par ses fatwas et prise de position extrémiste à l’égard des non sunnites et non musulmans. Un Sheikh de Damas lui a dit : « al Ghazali est le philosophe de l’Islam ». Il a répliqué : « En Islam nous n’avons pas de philosophe ». Considéré par les djihadistes comme leur père inspirateur. Naissance 22 janvier 1263 à Harran, Turquie. Décès: 26 septembre 1328, Damas, Syrie.
  • Les Califes bien guidés (arabe:خلفاء راشدون, al-Khulafā’u r-Rāshidūn) est un terme employé dans l’islam sunnite, et, en règle générale, pour se rapporter aux quatre premiers califes qui sont considérés comme des chefs modèles et ayant suivi scrupuleusement la voie du prophète Mohammad. Ils étaient pour la plupart les compagnons très proches du prophète. Leur succession n’était pas héréditaire, un point qui deviendra la coutume pour les successions musulmanes postérieures. Le concept de «califes bien guidés» vient de la dynastie abbasside. Il est fondé sur un hadith attribué à Mohammad: «Tenez fermement à mon exemple (Sunna) et celui des califes bien guidés.
Document

Haytham Manna

Haytham Manna, Président du mouvement Qamh (Valeurs, Citoyenneté, Droits) en Syrie. Membre dirigeant de la Conférence Nationale Démocratique de Syrie. Co-président du Conseil Démocratique de Syrie, coalition de l'opposition démocratique et patriotique syrienne, est Président de «The Scandinavian Institute For Human Rights (SIHR-Institut Scandinave des Droits de L’homme). En exil en France depuis 35 ans, il s'oppose à tout recours à la force pour le règlement du conflit syrien. Son frère a été tué par les services de sécurité syriens et son cousin torturé au début du «printemps syrien», en 2011. Il est l’auteur de trois ouvrages «Islam et Hérésie, l’obsession blasphématoire», «Violences et tortures dans le Monde arabe», tous deux aux Éditions l’Harmattan, ainsi qu'un troisième ouvrage «Le Califat d Da'ech». Titulaire d’un diplôme sur la médecine psychosomatique de l’Université de Montpellier, il a exercé au sein de l’équipe médicale du professeur Philippe Castaigne au Laboratoire du Sommeil (Département de neurophysiologie) du groupe hospitalier Pitié Salpêtrière à Paris. Haytham Manna siège au comité directeur de Justicia Universalis et de l’Institut égyptien des études des droits de l’homme, titulaire des plusieurs distinctions honorifiques dans le domaine des droits de l’homme: Medal of Human Rights-National Academy of Sciences-Washington (1996), Human Rights Watch (1992).

Tous les articles de Haytham Manna