Dernière mise à jour le 12 janvier 2015
par Noura al Qahtani traduction en version française: madaniya.info
Depuis l’avènement de l’État islamique sur la scène régionale et de la défaite de la stratégie islamo-atlantiste en Syrie, l’Arabie Saoudite est agitée d’un remue méninges doublé d’un remue ménage, indice d’une grave perturbation en ce que la dynastie wahhabite qui a terrorisé la planète depuis trente ans, redoute à son tour l’effet boomerang de sa politique aberrante.
La criminalisation de la confrérie des Frères Musulmans et des autres organisations djihadistes salafistes takfiristes (Al Qaida, ISIS), s’est accompagnée d’un renforcement du dispositif défensif des frontières du Royaume avec l’envoi de renforts égyptiens et pakistanais dans la zone limitrophe de l’Irak en vue de mettre en échec une éventuelle percée de Da’ech vers le territoire saoudien.
Dans cette perspective, www.madaniya.info soumet à ces lecteurs une revue de presse saoudienne expliquant l’éviction du ministre de l’information, un intellectuel pourtant prisé par les libéraux, ou l’union sacrée réalisée, début novembre à la suite d’une agression criminelle contre un lieu de culte chiite, enfin, fait inhabituel, la philippique d’une rare violence d’un journaliste saoudien contre un dignitaire salafiste syrien Adnane Al ‘A’arour, accusé d’avoir détourné un million de dollars de collectes pour le mouvement djihadiste Al Qaida.
La première contribution: «L’Arabie saoudite contre l’extrémisme» est signée de Noura Al Qahtani, écrivaine saoudienne, qui a choisi ce pseudonyme «pour des raisons que le lecteur saura apprécier».
Ci joint le texte de Nora Al Qahtani: «Arabie Saoudite: contre l’extrémisme».
1 – La fin des tabous: critique que la police religieuse et des prédicateurs pro djihadistes.
Après des années de déferlement du discours à tonalité confessionnelle et communautariste, qui a envahi l’Orient arabe, faisant usage des mots comme de munitions mortels, un groupe d’intellectuels, de journalistes et des lettrés d’Arabie saoudite ont entrepris de faire entendre la voix de la sagesse et de la raison, faisant prévaloir une analyse scientifique dans l’approche des problèmes de la zone.
Il est indéniable que les décisions de grande fermeté prise par le pouvoir saoudien à l’encontre des mouvements religieux extrémistes et terroristes a coupé la voie à bon nombre de tribunes médiatiques qui déversaient une propagande confessionnelle à connotation alimentaire au sein de la société et des institutions du pays. Cette propagande a atteint un degré tel que l’incitation à la haine s’est banalisée pour devenir une action courante quotidienne en vue de promouvoir la violence comme élément de «starisation», comme tremplin vers la célébrité et de machisme dans un rôle prescripteur.
La contre-propagande menée par les chaînes satellitaires, -à l’instar des chaînes «Ahl Al Bayt», «Al Fayha», «Al Anwar», «Safa» et «Wissal»- ont assumé un rôle comparable à celui d’une artillerie affectée, d’une manière intensive au service des combats politiques, autrement dit un un pilonnage d’artillerie d’une guerre médiatique.
Afin de faire face et de neutraliser le discours politique modéré qui rétablit à sa juste place la culture, qui redonne vigueur au dialogue sur l’avenir du pays et de la zone, en faisant prévaloir la citoyenneté sur l’appartenance religieuse, nous avons relevé ces derniers mois une hausse sensible de la production journalistique et livresque focalisant sur le phénomène de l’extrémisme et de l’apostasie, des thèmes abordés désormais de manière différente que dans le passé.
Plus de tabou. Les noms des victimes saoudiennes en Syrie et en Irak sont désormais divulgués dans la presse, de même que ceux bénéficiaires d’attestation de bonne conduite suite à leur retour au bercail. Des mises en garde sont en outre régulièrement publiés dans la presse contre l’exportation du djihadisme takfiriste vers le Royaume.
Enfin, dernier et non le moindre, la presse publie les critiques des citoyens non seulement contre la «commission chargée de prescrire le bien et de proscrire le mal», (Hay’at al Amr Bil Ma’rouf), office gouvernementale faisant office de politique religieuse, mais également contre les nombreux prédicateurs des mosquées qui prennent la défense des groupements djihadistes d’une manière directe.
2 – L’éviction du ministre de l’information et le rôle ambiguë du prince héritier Salmane et du prince Saoud Al Faysal, ministre des Affaires étrangères.
Deux faits méritent d’être relevés:
A- La réaction d’un nombre important d’intellectuels et de dignitaires religieux contre l’agression menée contre un lieu de culte chiite à Al Dawila, dans la région d’Al Ihsa’a, le 4 novembre 2014, où 50 personnalités originaires de la zone, ont rendu hommage au rôle des services de sécurité saoudiens dans la traque des agresseurs, lançant un appel à l’Unité nationale.
Fait sans précédent, parmi les signataires figuraient d’anciens opposants, dont certains d’anciens détenus.
Sur un ton inhabituel, leur communiqué fustige «la clique criminelle qui a commis ce crime horrible, qui n’appartient à aucune patrie, ne représente aucun peuple, ne reflète aucune religion, confession ou communauté, mais exprime une pensée diabolique hypocrite»…. «Un tel crime vise à briser notre unité et notre cohésion nationale et islamique. Il nous incombe de mettre en échec leurs menées par davantage d’unité et de cohésion», conclut le texte.
Une telle attitude est conforme au positionnement de dizaines d’intellectuels saoudiens non chiites, qui, dans un même élan, ont dénoncé «cet acte criminel et invité le pouvoir saoudien à faire front au complot visant à semer la division confessionnelle au sein du Royaume».
B – Le 2me fait a été l’éviction du ministre saoudien de l’information et de la culture, dans la foulée de son tweet préconisant la fermeture de la chaîne intégriste «Wissal» (Lien). «Abdel Aziz Al Khojja a renoncé à ses fonctions, à sa demande», s’est borné à annoncer un communiqué laconique à l’issue de son entretien avec le prince héritier Salmane Ben Abdel Aziz.
Dans le Royaume où l’hermétisme est de rigueur, dans ce royaume du signe et de l’inter-signe, l’éviction du ministre a été suivie de l’apparition du Mufti du Royaume sur la chaîne Wissal, comme pour signifier le désaveu du ministre imprudent et la poursuite des programmes de la chaîne victorieuse de ce bras de fer feutré.
Abdel Aziz Al Khojja, ancien ambassadeur d’Arabie saoudite au Liban, dont l’épouse de surcroît est proche du Roi Abdallah est pourtant une personnalité très populaires dans les milieux journalistiques et les intellectuels libéraux. En fait, fortement sollicité par le camp conservateur, le prince héritier Salmane a multiplié les contacts en vue d’atténuer la virulence de la campagne contre les salafistes dont M. Al Khojja en a fait le frais.
Si les décideurs de la nouvelle génération soutiennent généralement la ligne critique, la position du Prince héritier et celle du ministre des Affaires étrangères, Saoud Al Faysal, n’est pas dénuée d’ambiguïté. Certes, les deux hommes ne nourrissent pas de sympathie à l’égard des extrémistes, mais demeurent convaincus que le conflit sunnite-chiite demeure un instrument privilégié de puissance de la politique étrangère saoudienne.
Le pouvoir saoudien lâchera-t-il la bride au courant critique ou bien les groupes de pression affiliés au salafisme parviendront-ils à museler ce mouvement contestataire? Les prochaines semaines nous permettront d’un voir plus clair.
Pour rappel
www.madaniya.info s’honore de la responsabilité d’abriter au sein de sa rédaction des opposants démocratiques en exil en provenance des pays du golfe, dont la contribution se fera, pour des raisons de sécurité, sous le sceau de l’anonymat, par le biais de pseudonyme.
La première contribution: «Dans quelle direction s’oriente la relation entre le Qatar et les Frères Musulmans» est un document exclusif témoignant de la défiance de la confrérie des Frères Musulmans à l’égard du Qatar son ancien refuge, voire même de la Turquie. En annexe documentaire, le texte du message et les annotations du guide suprême de la confrérie. Le texte est signé de Qatari Ben Al Fouja’a du nom d’un poète rebelle décédé en 697 de l’ère chrétienne, première personne à porter le nom du Qatar: https://www.madaniya.info/2014/11/14/dans-quelle-direction-s-oriente-la-relation-entre-le-qatar-et-les-freres-musulmans