Dernière mise à jour le 22 janvier 2024
Avec l’aimable autorisation d’ El Correo.
Dans son discours de ce mardi 3 mars 2015 face du Congrès des États-Unis d’Amérique, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a affirmé que « l’Iran a provoqué la destruction de l’Ambassade d’Israël et du Centre communautaire du Buenos Aires (Association mutuelle israélite argentine (AMIA) ». Voyons donc qu’ont été remuées dernièrement, toutes ensemble, comme dans une cataracte, comme des dominos, les eaux obscures et sanglantes de l’horreur qui a pris d’assaut cette ville, il y a plus de vingt ans, avec des attentats qui n’ont pas été élucidés, qui semblaient condamnés à l’oubli et qui maintenant sont dans l’agenda mondial. Et du côté national, n’en parlons pas.
Mais prendre note du parallèle sur un autre plan est utile. Ce fut stupéfiant que le Premier ministre israélien ait donné pour chose jugée, comme le président de Cour Suprême argentine, Ricardo Lorenzetti, ce que le Ministère des relations extérieurs israélien et l’ambassade de ce pays à Buenos Aires eux-mêmes ont déclaré en même temps comme étant un dossier ouvert.
Sur cela, il n’y a pas de doutes : le dossier de l’attentat contre l’ambassade continue d’être ouvert autant que celui de l’AMIA, l’investigation se poursuit encore, et au moins selon les termes en vigueur ici, tant qu’il n’y a pas de procès et de condamnations, il n’y a pas de sentence. Il est curieux que cette sentence présumée ait été l’un des arguments que Netanyahu a fait valoir devant le Congrès des États-Unis pour essayer de boycotter le dialogue que le gouvernement d’Obama entretient avec l’Iran.
Il est aussi utile de passer en revue quelques opinions étasuniennes et Israéliennes sur la visite peu diplomatique de Netanyahu au Congrès. L’ essayiste Medea Benjamin, du portail Common Dreams [1], expliquait cette semaine dans un article ce qu’est l’Aipac, lobby pour des affaires internationales israéliennes qui a forcé la visite malgré le refus des démocrates.
Ce lobby est une institution : il distribue des donations pour les campagnes politiques, ce sont les hommes politiques us sont hautement dépendants.
Et cependant, 50 congressistes démocrates ont décidé de ne pas assister au discours de Netanyahu. Il y a une ligne idéologique derrière l’Aipac, qui adhère à la candidature de Netanyahu, mais qui n’est pas hégémonique en Israël. La visite fait partie de sa propre campagne en vue des élections imminentes du 17 mars.
Nombre d’Etasuniens d’origine juive, comme l’auteur de la note, sont en désaccord avec cette ligne de pensée et soulignent que l’Aipac repousse les critiques avec le refrain habituel : ceux qui le mettent en question sont des « antisémites » ou – le comble – « des Juifs qui se détestent eux mêmes (la haine de soi) ». Comme tant d’autres Etasuniens de n’importe quelle autre origine, Benjamin se montre préoccupée par les nouveaux phénomènes terroristes qui ont surgi ces dernières années et parle de la « sécurité étasunienne » comme quelque chose qui doit être pensé surtout vers l’intérieur du territoire même.
Sur les conversations entre les gouvernements des États-Unis et de l’Iran, elle explique que « Obama opère un virage dans sa politique extérieure au Moyen-Orient pour élaborer de nouveaux scénarii ». Est-ce que cela l’éloigne d’Israël ? Oui, ou plus précisément, cela cesse d’identifier la politique extérieure des États-Unis d’Amérique comme gant à la mesure des nécessités présumées israéliennes. Je dis « présumées » parce ce qui s’appelle « nécessité » provient de la lecture politique de Netanyahu, qui est celle d’un candidat qui pense d’une manière déterminée manière, alors qu’il y a d’autres gens aussi israéliens que lui qui pensent autre chose, comme on le verra.
En suivant le raisonnement de la journaliste étasunienne, « l’Iran pourrait devenir un allié fondamental dans la lutte contre ISIS, mais Israël le nie, persiste dans sa lutte contre l’Iran. Il ne se peut que notre propre politique extérieure reflète davantage les intérêts d’Israël que ceux des Etasuniens ».
Mais aussi en Israël ont été mises en doute, les vraies raisons de l’obstination de Netanyahu à axer le conflit sans fin du Moyen-Orient depuis une seule perspective, celle contre l’Iran.
Les quotidiens israéliens l’ont reçu avec des critiques du genre que l’Aipac nommerait « antisémites ».
L’analyste expérimentée Sima Kadmon, du quotidien Yediot Aharonot, a parlé « d’un discours de survie politique » et a recommandé à Netanyahu qu’ « il prenne des cours d’acteur », puisque « l’on peut parfaitement l’imaginer à Broadway ». Elle conclut : « Netanyahu a maintenant un seul problème : celui du retour en Israël, où l’attendent tous les problèmes dont il cherchait à dévier l’attention ».
Dans le quotidien Haaretz on reproche au Premier ministre, dans l’éditorial, ne pas avoir rappelé que « la vraie menace pour l’existence d’un Israël juif et démocratique, est l’interminable occupation des territoires palestiniens ».
Pour sa part, Shalom Yerushalim, du quotidien Maariv, a écrit que « la grande question est maintenant si le discours va lui apporter quelques sièges en plus ».
Mais la question dépasse le journalisme. Dans une action sans précédents jusqu’à présent, et en vue de la radicalisation de Netanyahu, sont sortis à la lumière publique cette semaine 200 vétérans des services israéliens de sécurité et de son armée. Ils se font connaître comme les « Commandants pour la sécurité d’Israël ». Ils font partie de ce qui s’appelle « l’establishment de la sécurité » de ce pays. Le groupe comprend des officiers à la retraite et d’autres réservistes, qui dans le passé ont atteint le grade de général.
« C’est un groupe très puissant et distingué d’anciens commandants extrêmement préoccupés par la voie par laquelle Netanyahu mène le pays», a expliqué Yaron Ezrahi, professeur de Sciences politiques de l’Université Hébraïque et expert sur les relations des États-Unis avec Israël . C’est que ce collectif insolite d’ex-agents des services secrets et de l’armée israélienne mettent en question basiquement Netanyahu pour être en train de « dynamiter » la relation avec les États-Unis, dans un bras de force qui pourrait laisser l’Israël extrêmement affaibli.
Dans les déclarations au journaliste Jonathan Cooke, du portail Middle East Eye, le général Amnos Reshef, considéré comme un héros local pour sa participation à la guerre de 1973 contre l’Égypte et la Syrie, a dit que le groupe « de l’establishment de la sécurité » a grandi de manière inusité au cours es trois derniers mois.
« Il est temps que le Premier ministre nous écoute, avant qu’il ne ruine nos intérêts stratégiques avec notre allié le plus proche. Rien de bon pour Israël ne peut résulter d’une humiliation du président des États-Unis », a-t-il dit.
Un autre qui s’est exprimé publiquement fut Meir Dagan, ex-chef du Mossad. Il a dit sur Netanyahu qu’il « prend des risques intolérables » pour la sécurité de l’Israël.
« La protection du veto US au Conseil de Sécurité pourrait disparaître et Israël se verrait rapidement face à des sanctions internationales », a-t-il ajouté. On peut clarifier que cette mention est due, en plus, à ce que la Palestine est sur le point d’être admise comme membre à la Cour Pénale Internationale (CPI).
Netanyahu insiste sur le fait que l’Iran est seulement à un an de pouvoir construire la bombe. Il l’a dit devant le Congrès US, tandis qu’était diffusé à la presse un rapport du Mossad lui-même indiquant que c’est faux.
Cependant, les ex-agents et les militaires qui font face au Premier ministre en disqualifiant sa stratégie qui dynamiterait la diplomatie, et son effort pour être investi comme le chef de file de la sécurité nationale à tout prix, continuent de parler en public pour la première fois. Aucun n’est un enfant de cœur ni un gauchiste même pas probable. Le chef d’intelligence Meir Dagan, déjà cité, a déclaré très tranquillement qu’étaient préférables des opérations clandestines pour provoquer un changement de régime en Iran, au lieu d’insister sur le risque de confrontation nucléaire mentionnée.
« Ce que nous pourrions avoir fait, c’était de gagner du temps avec des opérations secrètes ou soutenir les forces d’opposition et les minorités de l’Iran », raisonne t-il.
Tout ébranle. La « non ingérence dans des affaires intérieures » est un concept qui dans ce côté du monde, dans toutes les directions, depuis longtemps est resté enseveli par les bombardements. Ce fut un fil de cette logique de guerre naturalisée chez tous les acteurs politiques du Moyen-Orient qui est tombée ici, avec son vacarme d’horreur, il y a vingt-et-un ans. Le manque d’investigation et de justice n’a pas seulement empêché de trouver les coupables, mais aussi de comprendre pourquoi et pour faire quoi la « non ingérence dans des affaires intérieures » est un sine qua non de la relation démocratique entre des États. En une ligne, il s’agit de la logique de la guerre s’infiltrant dans des pays qui sont régis avec une logique de paix.
Sandra Russo pour Página 12, Buenos Aires, le 7 mars 2015.
* Sandra Russo est journaliste, auteur et animatrice argentine de diverses émissions de radio et télévision
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi