Dernière mise à jour le 22 janvier 2024
Par Seymour Myron Hersh.
«De militaires à militaires» ou Comment la hiérarchie militaire américaine a contourné le Président Barack Obama pour fuiter, via des pays tiers, des informations sur l’opposition djihadiste à destination de l’armée syrienne.
From Military to Military Seymour Myron Hersh London Review of Book Volume 38, N°1- Janvier 2016
http://www.lrb.co.uk/v38/n01/seymour-m-hersh/military-to-military
Adaptation en version française https://www.madaniya.info
1- Poutine ne veut pas que que la Syrie tombe aux mains de l’EI et que le chaos en Syrie ne s’étende pas au Liban et en Jordanie
Seymour Myron Hersh rapporte qu’un ancien conseiller de la Maison Blanche pour les affaires russes lui a confié qu’avant le raid terroriste contre les États-Unis du 11 Septembre 2001 Poutine affirmait aux Américains «Nous avons les mêmes cauchemars» en divers points du globe par référence à ses problèmes face au Califat en Tchétchénie et le vieux contentieux des Américains avec Al Qaida.
«Désormais après la destruction du Metrojet, un avion des lignes commerciales russes au dessus du Sinaï, les massacres de Paris et d’ailleurs, il est difficile de nier le fait que nous avons effectivement les mêmes cauchemars aux mêmes endroits». Pourtant l’administration Obama continue de court-circuiter la Russie pour son soutien à Assad.
Un haut fonctionnaire qui a servi à l’ambassade des États-Unis à Moscou fait part de sa compréhension face au dilemme d’Obama, par ailleurs chef de la coalition occidentale hostile à l’agression de la Russie contre l’Ukraine. «L’Ukraine est un problème sérieux. Obama l’a géré de manière ferme avec des sanctions. Mais notre politique à l’égard de la Russie est très souvent «floue». Mais il ne s’agit pas de nous en Syrie, il s’agit de s’assurer que Bachar ne perde pas .
La réalité est que Poutine ne veut pas que la Syrie tombe aux mains de l’EI et que le chaos en Syrie ne s’étende au Liban et à la Jordanie, comme ce fut le cas en Irak. Mais le fait le plus contre-productif d’Obama, qui a beaucoup gêné nos efforts en vue d’arrêter les combats, a été de poser le départ de Bachar comme préalable aux négociations de paix.
2- Poutine consterné par la fin tragique de Kadhafi, soucieux d’épargner à Assad un sort identique
Se faisant sans doute l’écho des personnalités en vue du Pentagone, Obama a fait allusion à un «facteur collatéral» intervenu dans la décision de la Russie d’ordonner ses raids aériens contre les djihadistes.
«Poutine était en fait consterné par la fin tragique de Kadhafi. Il était soucieux d’épargner à Assad un sort identique. Il nous a été rapporté que Poutine avait visionné trois fois le documentaire sur la mise à mort de Kadhafi et sa sodomisation par baïonnette. Poutine avait été consterné par cette fin tragique et s’en voulait de n’avoir pas joué un rôle plus actif en coulisses aux Nations Unies quand la coalition occidentale faisait du lobbying pour obtenir l’autorisation de procéder aux bombardements de la Libye; ce qui a débouché sur la destruction du régime.
«Poutine était convaincu que sans son engagement en Syrie, Assad connaîtrait le même sort que Kadhafi, et serait mutilé et qu’il verrait l’anéantissement de ses alliés en Syrie».
Dans son discours à l’ONU le 22 novembre 2015, Obama a assuré que «la principale cible des raids aériens ruses en Syrie était «l’opposition modérée», une ligne dont l’administration Obama de même que les grands médias d’information en ont rarement dévié, alors que les Russes insistent sur le fait qu’ils visent tous les groupes rebelles menaçant la stabilité de la Syrie, l’État Islamique inclus.
Le conseiller du Kremlin pour le Moyen-Orient a expliqué, dans une interview, que la première vague des bombardements russes a cherché à sécuriser la base de Lattaquieh, une forteresse alaouite. «L’objectif stratégique, a-t-il dit, était d’établir un couloir reliant Damas à Lattaquieh et à la base navale russe de Tartous, débarrassé de toute présence djihadiste, puis de réorienter les frappes progressivement vers le Sud et l’Est du pays, enfin, en Octobre 2015 vers Raqqa. En Novembre 2015, les raids se sont intensifiés près de la ville antique de Palmyre et le secteur d’Idlib, secteur âprement disputé dans la zone frontalière turque.
3- Russie-Turquie: Une violation de l’espace aérien turc par l’aviation russe pendant 17 secondes
Les incursions russes dans l’espace aérien turc ont commencé dès le début des raids russes en Syrie. L’aviation russe a mis en œuvre un système de brouillage des radars turcs, dans un clair message aux Turcs, signifiant: «Nous allons envoyer nos avions où bon nous semble, quand nous le voulons, au moment où nous le voudrons, à l’endroit où nous le voudrons. Et, en plus de cela, nous allons brouiller vos radars. Et ne nous ennuyez pas avec cela (Don’t fuck with us)», a expliqué le conseiller.
«Les violations russes de l’espace aérien turc ont entraîne une escalade de la tension, avec des plaintes turques suivies de dénégations russes et des patrouilles de plus en plus agressives russes dans l’espace turc.
Pas d’incident notable jusqu’au 24 novembre quand deux chasseurs F-16 turcs, répondant apparemment à des instructions plus agressives de leur hiérarchie ont abattu un Sukhoi SU-24M russe qui avait franchi l’espace aérien turc pendant 17 secondes.
Dans une déclaration à la presse, le 1er décembre 2015, Obama exprima son soutien à Erdogan, assurant que son administration demeurait très engagée à l’égard de la sécurité et la souveraineté de la Turquie, ajoutant «tant que la Russie restait l’alliée d’Assad, nombre d’objectifs russes seraient visés par les groupes d’opposition que nous soutenons. Je ne pense pas que la Russie vise uniquement des cibles de l’EI. Cela n’est pas le cas, cela n’a pas été le cas, cela n’a jamais été le cas et cela ne va pas arriver dans les prochaines semaines».
4- Mise à l’écart des groupements modérés par L’État Major Interarmes et la DIA
Le Joint Staff Committee de même que la DIA, du côté américain, et le conseiller du Kremlin pour le Moyen-Orient, du côte russe, ont décidé de mettre à l’écart les «modérés» qui avaient le soutien d’Obama, les considérant comme des groupements extrémistes islamistes qui combattaient aux côtés de Jabhat An Nosra et l’Etat Islamique.
«Inutile de jouer sur les mots et de distinguer terroristes modérés et non modérés», avait réplique d’avance Poutine à Obama quelques semaines plus tôt (22 octobre).
Les généraux américains considéraient les «groupes modérés» comme «des milices épuisées, forcées pour leur survie de passer des compromis avec Jabhat An Nosra et l’État Islamique».
5- Le témoignage du journaliste allemand Jurgen Todenhofer: L’ASl, le meilleur fournisseur d’armes de qualité à l’État Islamique
Fin 2014, le journaliste allemand Jurgen Todenhofer, autorisé à se rendre dans les territoires sous contrôle de l’EI, en Syrie et en Irak, avait rapporté que les responsables d’ISIS «méprisaient l’ASL (armée syrienne libre), et ne les prenaient pas au sérieux», les présentant comme «les meilleurs fournisseurs d’armes de qualité». Dès qu’ils ont des armes de qualité, ils nous les vendent», auraient dit au journaliste allemand des responsables de l’EI. «ISIS méprise l’ASL et ne prend au sérieux qu’Assad et les bombes. Ils ne craignent rien d’autre et l’ASL ne joue aucun rôle», a-t-il ajouté.
6- Le New York Times, relais des thèses de l’administration Obama
La campagne aérienne russe en Syrie a donné lieu à un flot d’articles de la presse américaine faisant écho aux thèses de l’administration OBAMA. Ainsi le 25 octobre 2015, le New York Times, citant des officiels américains, affirmait que les sous-marins et navires espions russes opéraient de manière agressive à proximité des câbles sous marins qui assuraient une part du trafic internet mondial, admettant toutefois qu’il n’existait «pas de preuves d’une quelconque tentative russe d’interférer dans le trafic sous-marin».
Dix jours auparavant Le NYT dressait une liste des incursions russes au dessus de l’espace aérien des anciennes républiques soviétiques d’Asie, soutenant que «la campagne aérienne russe en Syrie signait la relance des anciennes ambitions militaire du passé soviétique». Le journal omettra toutefois de mentionner un fait majeur, à savoir que l’intervention russe en Syrie a été faite «à la demande d’Assad», de même qu’il a omis de mentionner le fait que les raids occidentaux à l’intérieur du territoire syrien se faisait «sans l’accord d’Assad».
Michael Mac Faul, Ambassadeur des États-Unis en Russie (2012-2014), soutenait, pour sa part, que «les raids russes bombardaient tout le monde, sauf l’État Islamique».
Les récits anti-russes n’ont pas disparu des colonnes des journaux après la destruction du Métrojet russe au dessus du Sinaï. Rares ont été, tant dans les médias qu’au niveau de l’administration, ceux qui se sont interrogés sur les raisons qui ont conduit l’État Islamique à viser un avion de ligne russe, ses passagers et son équipage, si l’aviation russe ciblait exclusivement les modérés syriens.
7- L’argument fallacieux du Trésor américain pour justifier le maintien des sanctions contre Assad: la «symbiose» entre Assad et l’État Islamique
Le Trésor américain avait un argument sans fondement pour inciter la Russie à cesser sa coopération avec Assad, en soutenant qu’il existait une «symbiose» entre le président syrien et l’État Islamique, une symbiose doublement bénéfique à l’un comme à l’autre en ce qu’elle «permet au premier de se cramponner au pouvoir et au second d’assurer son expansion».
Les quatre axiomes de la politique d’Obama concernant la Syrie demeurent inchangés:
- Le départ d’Assad
- L’existence de forces islamistes modérées que les États Unis doivent soutenir.
- Aucune coalition anti État islamique n’est possible avec la Russie
- La Turquie, alliée indéfectible dans la guerre contre le terrorisme.
Les attentats de Paris-Bataclan le 13 nombre 2015, qui ont fait 130 tués, n’ont pas changé la donne bien que plusieurs dirigeants européens dont François Hollande aient plaidé pour une plus grande coopération avec la Russie.
Selon le conseiller de l’État-major inter armes américains, l’un des objectifs majeurs de François Hollande dans son déplacement à Washington après la tuerie du Bataclan était de convaincre Obama de se joindre à l’Union Européenne dans une déclaration de guerre commune à l’État islamique, ce qu’ Obama refusa. Les dirigeants européens ne se sont pas rendus à l’Otan pour dégager une telle déclaration (…) La Turquie est le problème», a résumé le conseiller pour expliquer cet imbroglio.
8- Les confidences de Imad Moustapha à Seymour Hersh:
«Assad n’admettra pas qu’un groupe de dirigeants étrangers décide de son avenir. Il ne quittera pas le pouvoir tant que les ennemis historiques de la Syrie réclament son départ».
Imad Moustapha, Ambassadeur de Syrie en Chine, auparavant Doyen de la Faculté des technologies de l’information à l’Université de Damas, est un proche collaborateur d’Assad. A ce titre il avait été nommé Ambassadeur de Syrie aux États-Unis, en 2004, soit après l’invasion américaine de l’Irak, un poste qu’il occupa pendant 7 ans. Toujours proche d’Asaad, il demeure fiable quand il s’agit de traduire les pensées de son président.
Seymour Hersh assure avoir recueilli cette confidence de la part du diplomate syrien: «Pour Assad, quitter le pouvoir cela équivaudrait à capituler devant des groupes armés terroristes et que les ministres (émanant de l’opposition) qui figureront dans un gouvernement d’Unité Nationale, tel que cela a été proposé par les Européens, seraient redevables de leurs postes aux régimes étrangers qui ont contribué à leur désignation.(…) les régimes étrangers pourraient rappeler au nouveau président «qu’ils pourraient facilement le remplacer comme ils l’avaient fait avec son prédécesseur».
«Assad considère qu’il est redevable de son poste à son peuple. Il ne quittera pas le pouvoir tant que les ennemis historiques de la Syrie réclameront son départ».
9- La Chine: le danger Ouïghour et la promesse de 30 milliards de dollars pour la reconstruction de la Syrie
Imad Moustapha a cité à ce propos l’exemple de la Chine, alliée d’Assad, qui selon le diplomate s’est engagée à fournir 30 milliards de dollars pour la reconstruction de la Syrie. «La Chine témoigne de l’inquiétude à l’égard de l’État Islamique. Elle observe la crise syrienne d’un triple point de vues: Le Droit International et la légitimité; le positionnement stratégique global de la Syrie et de son environnement; les activités des Ouïghours djihadistes de la province du Xinjiang, à l’extrême-ouest de la Chine.
10- La connexion de la Turquie avec les Ouïghours
Le Xinjiang est frontalier de huit pays (Mongolie, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Afghanistan, Pakistan et l’Inde. Au regard de la Chine, il sert de réceptacle au terrorisme mondial, y compris pour l’intérieur chinois.
……«Bon nombre d’Ouïghour combattent en Syrie, sous la bannière du «Mouvement Islamique du Turkménistan de l’EST», une organisation séparatiste de lutte armée dont l’objectif est l’établissement d’un «État Ouïghour Islamique» au Xinjiang.
….«Les combattants ouïghours ont reçu l’aide des services de renseignements turcs pour leur transfert vers la Syrie via la Turquie. Ce fait a généré une tension entre les services de renseignements turcs et chinois en ce que la Chine s’inquiète du rôle des Turcs dans le soutien aux combattants ouïghours en Syrie, rôle qui pourrait augurer d’un soutien turc au combat au Xinjiang».
….«Dans cette optique, la Syrie fournit aux services de renseignements chinois des informations concernant ces terroristes et le parcours qu’ils empruntent pour arriver en Syrie», a conclu l’ambassadeur syrien en Chine.
11- Passeports turcs pour les djihadistes ouïghours et birmans musulmans
Les inquiétudes d’Imad Moustapha ont été relayées par un spécialiste des relations étrangères qui a suivi de près le passage des djihadistes de la Turquie vers la Syrie.
Selon ce spécialiste, régulièrement consulté par des officiels de l’administration américaine et auquel fait référence Seymour Hersh, «Erdogan a mis en œuvre des transports spéciaux pour transférer des Ouïghours en Syrie, alors que les services turcs apportent, parallèlement, leur soutien au combat des Ouïghours en Chine.
…«Les Ouïghours et les terroristes birmans musulmans réfugiés en Thaïlande obtiennent des passeports trucs puis transitent vers la Syrie, via par la Turquie. Les Ouïghours ayant migré vers la Syrie ont estimés à plusieurs milliers sur plusieurs années.
Il existe toutefois une autre filière au départ de la Chine, via le Kazakhstan et la Turquie, pour atteindre les territoires de l’État Islamique en Syrie.
….«Les renseignements américains ne parviennent pas à se procurer les bonnes informations à propos de ces activités, car ceux qui y sont plongés et qui sont mécontents de la politique de leur administration, ne leur en font pas état», a ajouté ce spécialiste, assurant qu’«il n’est pas clair que les responsables de la politique syrienne au Département d’État et à la Maison Blanche ait compris» les enjeux sous-jacents de la politique de la Turquie à l’égard des Ouïghours.
12- 5.000 combattants Ouïghours en Syrie
Jane Defense Weekly (JDW), hebdomadaire spécialisé dans les questions militaires, a avancé, en Octobre 2015, le chiffre de cinq mille Ouïghours potentiels arrivés en Turquie depuis 2013, dont deux mille probablement transférés vers la Syrie. Moustapha Imad, ambassadeur de Syrie en Chine, précité, a indiqué pour sa part, que 800 djihadistes Ouïghours se combattaient en Syrie.
13- Les préoccupations de Christina Lin, ancienne spécialiste de la Chine au Pentagone sous Donald Rumsfeld
L’inquiétude grandissante de la Chine concernant le problème Ouïghour et son prolongement en Syrie et l’État Islamique rejoint, paradoxalement, les préoccupations de Christina Lin, universitaire, analyste de la Chine au Pentagone du temps de Donald Rumsfeld, Secrétaire à la Défense sous la première mandature de la présidence de George Bush jr, (2000-2004), correspondant à l’invasion américaine de l’Irak.
«J’ai grandi à Taïwan et suis arrivée au Pentagone comme critique de la Chine», a déclaré l’universitaire à Seymour Hersh. «Je diabolisais les Chinois. En tant qu’idéologues, ils ne sont pas parfaits. Mais avec les années en constatant leur évolution et leur ouverture, j’ai commencé à modifier ma vision. Je vois désormais la Chine comme un partenaire potentiel dans divers défis globaux particulièrement au Moyen-Orient. Il existe plusieurs endroits- et la Syrie en fait partie- où les États-Unis et la Chine doivent coopérer dans le domaine de la sécurité et l’anti-terrorisme».
….«La Chine et l’Inde, deux ennemis durant la guerre froide qui se détestaient davantage que la Chine et les États-Unis, ont procédé à des exercices conjoints d’antiterrorisme. De même la Chine et la Russie recherchent une coopération sur les problèmes du terrorisme avec les États-Unis, a-t-elle dit.
Selon Christina Lin, «la Chine estime que les militants Ouïghours qui se sont rendus en Syrie ont été enrôlés et entraînés par l’État Islamique aux techniques de survie dans le but de retourner clandestinement en Chine pour de futures opérations terroristes».
«Si Assad échoue, conclut Lin, les djihadistes venus de la Tchétchénie russe, du Xinjiang chinois et le Cachemire indien vont alors retourner vers leur propre pays pour continuer le Djihad avec en appui le soutien d’une base opérationnelle syrienne au cœur du Moyen-Orient».
14- Le pavé dans la marre du Général Michael Flynn
Le Général Martin Dempsey, l’ancien chef de l’État Major interarmes et ses collègues ont fait taire leurs divergences les maintenant hors des circuits bureaucratiques, préservant ainsi leurs fonctions. Ce qui n’a pas été le cas du Général Michael Flynn.
Le Lieutenant Général Michael Flynn, Directeur de la DIA (200-004) s’est attiré «la colère de la Maison Blanche réitérant avec insistance la vérité sur la Syrie», rapporte le Colonel Patrick Lang, à la retraite, qui a officié pendant 10 ans comme chef des renseignements civils au Moyen orient pour le compte de la DIA.
«Le Général Flynn pensait que la vérité était la meilleure chose à faire. Et il a été débarqué. Mais il ne s’est pas tu pour autant car il pensait que le problème allait bien au delà de la Syrie», a ajouté le Colonel Lang.
Sur son positionnement, le Colonel Lang indique qu’il était «entrain de faire bouger les choses à la DIA et pas seulement de déplacer des transat (chaises longues) sur le Titanic. Il s’agissait de réformes radicales, mais je sentais que les responsables civils ne voulaient pas entendre la vérité. J’en ai souffert mais je gère», a conclu le Colonel Lang.
Pour sa part, Le Général Flynn n’a pas renoncé à son combat. Commentant l’intervention russe en Syrie, Flynn n’a pas mâché ses mots dans une interview au Der Spiegel: «Nous devons travailler d’une manière constructive avec la Russie. Que nous le voulions ou pas. La Russie a pris la décision d’y aller et d’agir militairement. Ils y sont et cela a changé sérieusement la donne. Donc vous ne pouvez pas dire, c’est mal. Ils doivent se retirer», a-t-il poursuivi, interpellant les dirigeants américains en ces termes: «Soyez réalistes. Cela n’arrivera pas».
15- Tulsi Gabbard sur le ring face à CNN
Rares sont ceux au Congrès à partager ce point de vue. Ainsi Tulsi Gabbard, une exception. Démocrate de Hawaï, membre du House Armed Service Committee, Major dans la garde nationale elle a effectué deux périodes de service au Moyen-Orient. En Octobre 2015, sur CNN, elle déclare: les États-Unis et l’Union Européenne doivent cesser cette guerre illégale et contre-productive visant à renverser le gouvernement d’Assad et se concentrer plutôt à combattre les groupes islamistes extrémistes».
L’interrompant, le journaliste lui pose alors la question suivante: «Cela ne vous importe-il pas que le régime brutal d’Assad ait tué 200.000 personnes au moins ou peut-être 300.000 personnes de son propre peuple».
La réponse fuse: «Les choses qu’on dit à propos d’Assad, ce sont les mêmes que l’on disait à propos de Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi par ceux qui poussaient les États-Unis à renverser leurs régimes. Si cela devait arriver en Syrie, nous nous retrouverons devant une situation de plus grande souffrance, des persécutions plus importantes des Chrétiens en Syrie. En prime notre ennemi en sortira renforcé».
Relance du journaliste: «Est-il dans vos intentions d’insinuer que l’engagement de l’aviation russe dans les airs et de l’Iran au sol, rendent en fait service aux États-Unis ?».
Tilsa Gabbard renvoie le journaliste dans ses cordes: «Ils travaillent à vaincre notre ennemi commun».
Gabbard m’a confié ultérieurement que plusieurs parlementaires, Républicains et Démocrates, lui avaient fait part de leur gratitude pour avoir fait preuve de franchise:
«Nombreux sont ceux qui -que cela soit de simples citoyens ou des parlementaires-, éprouvent le besoin qu’on leur explique clairement les choses. Mais c’est difficile quand il y a beaucoup de supercherie sur qui se passe. La vérité n’est tout simplement pas révélée. Il est inhabituel pour un politicien de défier la politique étrangère de son propre parti, de surcroît directement et publiquement. Que serait-ce pour quelqu’un de l’intérieur qui a accès aux informations secrètes, parler franchement et d’une manière critique équivaut à une fin de carrière», a déclaré Tilsa Gabbard à Seymour Hersh.
Il est d’usage qu’un désaccord justifié soit porté à la connaissance de l’intéressé par la relation de confiance liant le journaliste au destinataire, mais en aucun cas l’information ne doit porter une signature identifiant l’auteur. La transmission se fait généralement oralement, hors micro, hors caméra.
Un consultant de longue date auprès du commandement de l’État-major interarmes n’a pas réussi à masquer son mépris à ma question de connaître son point de vue sur la politique américaine à l’égard de la Syrie:
«La solution pour la Syrie est juste devant nos yeux. Notre principale menace est l’État islamique. Nous tous, États-Unis, Russie, Chine, devons travailler ensemble. Bachar restera au pouvoir. Une fois que le pays sera stabilisé, il y aura une élection. Il n’existe aucune autre solution», a t-il dit péremptoire.
16- Le Général John Danford et la rengaine des forces d’opposition syriennes «modérées»
Le départ à la retraite du Général Martim Dempsey marque la fin de la relation indirecte entre l’État Major interarmes américain et la hiérarchie militaire syrienne.
Son successeur est le Général John Dunford. Deux mois avant sa prise de fonction, il avait témoigné, en juillet 2015, devant la Commission des Forces Armées du Sénat américain: «Si vous voulez parler d’une nation qui pourrait présenter une menace existentielle pour les États-Unis, je dois pointer la Russie. Si vous observez le comportement des Russes, il n’est rien moins qu’alarmant», a-t-il affimé en guise de proclamation de foi.
Trois mois plus tard, devenu Directeur du Joint Staff Committee, le général Danford, a dénié une quelconque utilité aux bombardements russes en Syrie, assurant devant la même commission sénatoriale que «la Russie ne combat l’État Islamique», plaidant pour «un partenariat avec la Turquie pour sécuriser la frontière Nord de la Syrie».
«Nous devons faire tout notre possible pour permettre aux authentiques forces d’opposition syrienne – c’est à dire, les «modérés»- de combattre les extrémistes», a-t-il martelé en rengaine d’une vieille antienne.
À un an de la fin de son mandat, Obama dispose désormais d’un Pentagone plus docile. Plus de défis «indirects» de la part du Haut Commandement militaire américain envers sa politique constituée par un mélange de dédain pour Assad et de soutien à Erdoqan.
Martin Dempsey et ses collègues généraux demeurent sceptiques sur les raisons conduisant Obama à continuer à assurer la défense publique et inflexible d’Erdogan, ne serait-ce qu’en raison des arguments sérieux mis en avant par les services de renseignements. «Obama accepte en privé le bien fondé de ces arguments», soutient Seymour Hersh, narrant le fait suivant:
Recevant le chef des services de renseignements turcs à Washington, Obama l’interpella en ces termes: «Nous savons ce que vous faites avec les radicaux en Syrie». Le compte rendu cet entretien tendu a été publié par mes soins dans un article à la London Review of Book en date du 17 avril 2014.
L’État Major conjoint et la DIA n’ont cessé d’alerter les responsables à Washington sur la menace djihadiste en Syrie et l’aide la Turquie à ses pupilles.
Mais le message n’a jamais été entendu. Pourquoi?
Note www.madaniya.info
La réponse est sans doute à chercher dans l’interview du Général Wesley Clark à propos des ambitions territoriales des États-Unis a dans le Monde arabe.