Dernière mise à jour le 2 février 2019
Par Haytham Manna, Président du mouvement Qamh (Valeurs, Citoyenneté, Droits) en Syrie
Selahattin Demirtas, figure de proue de l’opposition de la gauche démocratique truque, a été placé en garde à vue par les autorités turques, dans la nuit du 3 au 4 novembre 2016, au cours d’un vaste coup de filet contre le Parti Démocratique des Peuples (HDP), portant sur onze membres de cette formation représentant majoritairement les Kurdes de Turquie.
Parmi eux figurent les coprésidents du HDP, Selahattin Demirtas et Figen Yuksekdag. Le président du groupe parlementaire, Idris Baluken a subi le même sort. Au total, ce sont 11 députés qui ont été placés en garde à vue. Parmi eux, les députés Sirri Sureyya Onder, Nursel Aydogan, Ferhat Encu, Gulser Yildirim, Leyla Birlik, Ziya Pir, Abdullah Zeydan, Idris Baluken.
Le siège du parti a, lui, été perquisitionné. L’opération a été retransmise en direct par la chaîne de télévision NTV.
Selahattin Demirtas et Mme Figen Yüksekdag, également députés, ont été placés en garde à vue dans le cadre d’une enquête instruite par le parquet de Diyarbakir portant sur des liens présumés avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), selon l’agence de presse pro gouvernementale Anatolie.
Les deux dirigeants du HDP font l’objet de plusieurs enquêtes sur de présumés liens avec le PKK, mais ont assuré à plusieurs reprises qu’ils ne se rendraient pas de leur plein gré à une éventuelle convocation de la justice. Selon Anatolie, leur placement en garde à vue a été décidé dans ce cadre. Le HDP, qui compte 59 députés au Parlement, dément être l’«aile politique» du PKK.
Ces gardes à vue représentent un coup de filet sans précédent contre la troisième force politique du pays. Elles surviennent dans ce qui apparaît comme une opération d’éradication d’envergure de toute contestation au pouvoir du Président Erdogan, à la faveur de l’état d’urgence instauré après la tentative manquée de renversement du président Recep Tayyip Erdogan imputée aux réseaux du prédicateur Fethullah Gülen.
Cette vaste opération policière nocturne a été suivie d’une explosion survenue le lendemain devant un bâtiment de la police à Diyarbakir, dans le sud-est à majorité kurde de la Turquie, faisant, selon un bilan provisoire, 8 morts et une centaines de blessés. Il n’a pas été possible de savoir si l’attentat contre le poste de police est en rapport – ou non – avec le coup de filet anti HDP.
En mai dernier, le gouvernement avait fait voter par le Parlement la levée de l’immunité parlementaire des députés. Une disposition qui visait particulièrement les représentants du HDP. Cette formation, issue du rassemblement de militants du mouvement de contestation place Taksim en 2003, de partis de gauche et de partis kurdes, avait fait son entrée au Parlement en juin 2015. Son succès lors des deux derniers scrutins législatifs (13% en juin 2015 et 10,8% en novembre) a empêché Recep Tayyip Erdogan d’obtenir une majorité qualifiée lui permettant de procéder à une révolution constitutionnel qui lui autoriserait à concentrer davantage de pouvoir qu’il n’en a aujourd’hui.
L’une des dernières manifestations publiques en Europe de M.Demirtas a été sa participation au Forum pour la Paix organisé par le PCF le 19 mai 2016 en compagnie d’Haytham Manna, président du mouvement Qamh (Valeurs, Citoyenneté, Droits) en Syrie, de Georges Corm, ancien ministre des Finances du Liban et de Leila Chahid, ancienne ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union Européenne.
Pour aller plus loin sur ce point
L’État d’urgence en Turquie a tendu davantage les relations entre le pouvoir central et les Kurdes. Sous couvert de lutte contre les ennemis de l’État, Le président Erdogan pourchasse systématiquement les Kurdes, dont il craint la montée en puissance dans les zones frontalières de Syrie et d’Irak à la faveur des batailles d’Alep et de Mossoul.
L’ennemi public N° 1 de Turquie, le chef du puissant mouvement salafiste rival du parti d’Erdogan, Fethulllah Gulen, réfugiés aux États-Unis, apparaît de plus en plus comme le prétexte idéal pour le sultan néo-ottoman pour museler tant la démocratie que les minorités turques.