Vers le dégagement de Staffan de Mistura, l'émissaire de l'ONU pour la Syrie.

Vers le dégagement de Staffan de Mistura, l'émissaire de l'ONU pour la Syrie. 938 440 La Rédaction

Dernière mise à jour le 8 février 2017

Prologue, rédaction www.madaniya.info

Staffan de Mistura, émissaire spécial de l’ONU pour la Syrie, parait devoir être relevé de ses fonctions, empêtré dans des difficultés tenant à la composition d’une délégation commune de l’opposition off shore syrienne. Dans ce contexte, la Conférence de Genève sur la Syrie qui devait se tenir le 20 Février 2017 pourrait être ajournée, selon des informations concordantes recueillies tant auprès des milieux progressistes arabes de Beyrouth qu’au sein de l’opposition démocratique syrienne en Europe qu’auprès des participants à la conférence inter-syrienne d’Astana.

Diplomate suédois, ayant opté pour la nationalité italienne, la nationalité de son père, Staffan de Mistura avait été chargé en juillet 2014 de succéder au diplomate algérien Lakhbar Al-IBrahimi, comme nouvel envoyé spécial chargé de la recherche d’une résolution pacifique au conflit de Syrie. Depuis le début de la guerre en 2011, trois diplomates se sont attelés à cette tache: Kofi Annan, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Lakhdar Brahimi et Staffan de Mistura; soit un émissaire tous les deux ans.

La valse-hésitation de Staffan de Mistura à propos de la composition d’une délégation commune de l’opposition syrienne.

Staffan de Mistura avait annoncé depuis le siège de l’ONU à New York qu’il prenait la responsabilité de la constitution d’une délégation commune de l’opposition syrienne off shore aux nouveaux pourparlers de Genève, et cela avant le 7 Février 2017, date initialement prévue pour la tenue de la conférence.

Puis se ravisant, soucieux sans doute d’écarter toute accusation de mise sous tutelle de l’opposition syrienne, Staffan de Mistura a délégué une émissaire spéciale à Istanbul, l’égyptienne Marwa Fouad, pour informer les principaux groupements de l’opposition -la coalition Nationale (tendance Turquie-Qatar) et le Haut Comité pour les Négociations (tendance Arabie saoudite)- que la tache de constituer une délégation commune relevait de la responsabilité de l’opposition syrienne, selon les déclarations à la presse du porte-parole de la coalition Ahmad Ramadan, de tendance confrérique.

En fait, l’émissaire spéciale de l’ONU, embarrassé par une affaire qui dépassait visiblement ses capacités, caressait le projet de se décharger sur les Russes de cette tâche et avait avisé Moscou de ses intentions.
M. de Mistura aurait pris sa décision, après la dernière réunion à Moscou entre M. Lavrof avec des groupements de l’opposition syrienne, le 27 janvier 2017.

Plusieurs personnalités de l’opposition syrienne avaient boycotté cette rencontre, notamment :

  • Moaz Al Khatib, Islamiste modéré et Premier Président de la Coalition Syrienne (CNFOR);
  • Haytham Manna, Président du mouvement QAMH, figure de proue de l’opposition démocratique syrienne
  • Ahmad Al Jarba et Anas Al Abdeh, ancien et actuel ancien dirigeant de la coalition de l’opposition syrienne.
  • Riyad Hijab, Président du Haut Comité pour les Négociations

Moscou ayant visiblement échoué dans sa mission, Staffan de Mistura a réclamé que les Syriens eux-mêmes se chargent eux mêmes de cette affaire: A savoir, la composition de leur propre délégation commune aux pourparlers de Genève.

La reprise de la conférence de Genève le 20 Février 2017, aléatoire

Mais l’émissaire de l’ONU n’était pas au bout de ses peines. Selon des informations recueillies auprès d’un militaire présent dans la capitale du Kazakhstan, la Russie aurait sommé Staffan de Mistura de se présenter à la conférence d’Astana pour s’expliquer sur cette affaire, refusant qu’il délègue son adjoint à sa place, M. Ramzi Ramzi.

Parrainée par la Russie, la Turquie et l’Iran, en l’absence des pays occidentaux et des pétromonarchies, pourtant parrains de l’opposition off shore syrienne, la conférence d’Astana 2 a réuni, pour la première fois dans la même salle représentants du gouvernement et de l’opposition syrienne armée.

Au vu de cette valse-hésitation, gageons que la nouvelle conférence de Genève ne puisse se tenir à la date prévue du 20 Février 2017.

Pire: Empêtrer dans une affaire qu’il traîne comme un boulet, M. Staffan de Mistura pourrait être relevé de ses fonctions en ce que se pose désormais, lancinante, la question de savoir si l’émissaire spécial de l’ONU sur la Syrie constitue un élément de la solution ou du problème?

Ci joint un article prémonitoire de Haytham Manna paru en 16 Mars 2016

Staffan de Mistura élément du problème ou de la solution ?

«En période de guerre civile ou de soulèvement populaire, vendre des illusions est l’exercice le plus destructeur tant pour les hommes que pour les projets politiques concernant le destin d’un pays.
J’ai toujours veillé à être fidèle à mes convictions. Je ne suis pas disposé à dépenser le moindre centime pour gagner en popularité.

J’ai toujours veillé à tenir un langage de vérité. A ceux qui se réclament de la de gauche, de leur rappeler cette pensée de Lénine: «La vérité est révolutionnaire»; Aux islamistes, «Al Haqiqa Dallah Bil Moumen», la vérité est le but de tout croyant.

De Sykes-Picot à Kerry-Lavrof

Depuis la conférence de Vienne (Novembre 2015), il était devenu clair que les Russes et les Américains étaient convenus de conduire un processus politique conforme à leurs intérêts. Il était tout aussi clair que les autres participants se soucieraient, dans le but d’améliorer leur position, de se conformer à la nouvelle donne générée par le consensus russo-américain.

Le souci des protagonistes de valoriser la volonté des Syriens en vue de parvenir à une solution au conflit masquait en fait une mutation de la diplomatie internationale, substituant par un nouveau duumvirat, l’ancien duo ordonnateur du partage du Moyen Orient en zones d’influence: Sykes Picot a ainsi cédé la place au tandem Kerry Lavrof, le nouveau condominium des relations internationales, cent ans après les fameux accords franco-britanniques.

A la différence que les deux hommes, MM. John Kerry, Secrétaire d’État des États Unis et Serguei Lavrof, ministre russe des Affaires étrangères, –en se fondant sur ma connaissance personnelle des deux hommes–, étaient d’une toute autre dimension que leurs prédécesseurs quand bien même le Consul Général de France à Beyrouth et le négociateur britannique disposaient d’un mandat plus puissant que leurs successeurs.

Staffan de Mistura, pur produit du système, un diplomate sous tutelle.

Au terme d’un siècle de transformation politique, un nouveau parapluie international confère la légitimité ou la retire, ordonne le droit et décrète le faux, au gré des rapports de force internationaux. Ce faisant, il a placé l’Organisation Internationale en porte à faux avec sa propre mission, prise en tenaille entre le Conseil de sécurité et le Droit de veto conférer aux cinq membres permanents du Conseil (Chine, États Unis, France, Royaume Uni, Russie), passant outre l’ONU parfois quitte à procéder à une légitimation a posteriori de leurs actions, comme ce fut le cas en Irak et au Kosovo.

Staffan De Mistura est un pur produit de l’Institution onusienne et un pur produit des rapports de force qui la régisse. Mieux que quiconque, il n’ignore pas que son mandat est sous tutelle, quand bien même il dispose d’une marge de manœuvre limitée, mais suffisante, pour lui permettre d’accomplir sa tâche. Son expérience en ce domaine n’a toutefois pas été couronnée de succès.

Saadi Ahmad Bireh, ancien ministre irakien et membre dirigeant de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), soutient que l’indécision de Staffan de Mistura et ses hésitations ont conduit le diplomate italien, par crainte des remontrances, à expulser le dirigeant kurde d’Irbil (Nord de l’Irak).

Staffan De Mistura se confond en excuses d’avoir serré des mains souillées de sang dans l’exercice de sa mission; d’avoir serré la main de plus d’un dictateur; mais il s’abstient d’évoquer ses moments de faiblesse, quand, par exemple, il a préféré se maintenir à son poste et continuer sa mission plutôt que de démissionner.

Depuis la conférence de Vienne, qui a vu pour la première fois la participation de l’Iran, il est apparu que Staffan de Mistura est réduit au rôle de secrétaire exécutif d’un processus politique et qu’il a volontairement consenti à ce que son rôle soit minoré.
Son prédécesseur Lakhdar Brahimi n’a pas hésité, lui, à démissionner de son poste lorsqu’il s’est rendu compte que ses mandataires envisageaient de réduire son rôle.

Le refus de Staffan de Mistura d’un plan B proposé par l’opposition démocratique syrienne.

Staffan de Mistura, en revanche, paraît comme soulagé d’avoir été déchargé de ses responsabilités, s’exonérant ainsi d’avance du succès ou, cas plus probable, de l’échec de sa mission.

Nous avons veillé à ce qu’il assume un rôle d’intermédiaire influent et efficace. Il est de notoriété publique que nous avons soumis à son attention un Plan B avant la reprise de la Conférence de Vienne II (Novembre 2015).

De même nous avons déployé d’intenses efforts pour que les dispositions du Plan B soient incluses dans le dispositif dans le projet de résolution 2254 du Conseil de Sécurité qui donnait mandat à l’émissaire de l’ONU en Syrie de définir les parties syriennes ayant vocation à être conviées à la table des négociations.

Mais le diplomate s’est comporté en stagiaire en attente d’instructions. Les Russes lui faisaient passer une liste de personnalités à convier et Staffan de Mistura s’exécutait sur le champ, adressant illico des invitations aux personnalités précitées.

Mais quand le «Groupe du Caire», collectif de personnalités indépendantes de l’opposition démocratique syrienne, lui faisait parvenir une requête, le diplomate ne daignait même pas y répondre, voire de lui signifier un refus.

En revanche, il faisait preuve d’un grand empressement à faire droit à des requêtes le sommant de coopérer pleinement avec le Haut Comité de Négociations (pro saoudien) et présidé par l’ancien premier ministre dissident du pouvoir baasiste, Riyad Hijab, appliquant à la lettre l’intégralité des consignes.

La docilité aveugle porte en elle des inconvénients. Ainsi, lorsqu’il a reçu consigne de rayer de la liste des participants tout représentant kurde, le diplomate onusien, sans doute par excès de zèle, éliminera le nom du syrien Talal Sello, au prétexte que ce Turkmène était Kurde.

Staffan de Mistura a ordonné à son adjoint de garder le silence pendant trois mois. Puis brusquement, sans crier gare, il a fait une apparition devant les médias pour annoncer la tenue d’un nouveau round de pourparlers avec à la clé de nouvelles invitations aux mêmes participants.

Rebelote. De nouveau, Russes et Égyptiens ont proposé l’inclusion de nouveaux noms à la liste des participants, Staffan de Mistura, ne dérogeant pas à sa règle de docilité, s’est empressé de les inclure, sans la moindre objection ou interrogation.

Une requête additive lui enjoignit alors d’inclure 15 personnalités recommandées par Hemymin, (la base aérienne militaire russe sur le littoral syrien de la Méditerranée), et voilà qu’ils se retrouvent prestement munis d’un visa de trois jours pour un entretien avec Staffan de Mistura; Un entretien, qui s’est révélé être une opération de relations publiques destinée à immortaliser sur une photo cette rencontre, avant que ces personnalités ne retournent en Syrie une fois leur mission accomplie.

Le double langage de Staffan de Mistura

L’émissaire de l’ONU en Syrie manie le double langage en fonction de ses interlocuteurs. Il fait ainsi entendre à chaque interlocuteur ce qu’il lui plaît d’entendre. Un exercice qui relève du mensonge éhonté.

Ainsi au Comité de Coordination (Hay’at Al Tansiq), il donne à savoir que ses propres positions sont plus proches de celle de l’opposition que de la position du régime baasiste. A la délégation gouvernementale, il adresse un courrier faisant part de sa compréhension de la position du pouvoir, lui suggérant que sa propre position est plus proche de celle du régime baasiste que de la position de l’opposition pro saoudienne.

Puis, brusquement, sans le moindre avertissement, il assure avoir eu des entretiens avec la totalité des protagonistes syriens du conflit, sans exception, alors qu’une fraction de la population syrienne vivant dans la province d’Al Jazeera al Arabiya, se trouve hors du contrôle du pouvoir central et des groupements djihadistes, mais sous contrôle des Forces Démocratiques Syriennes, lesquelles, paradoxalement, sont exclues des négociations.

La réplique des exclus ne s’est pas attendre: Leur boycott a suscité de leur part un contre boycott des instances de l’ONU en ce que dans la mesure où les exclus sont considérés en état d’extraterritorialité, c’est à dire comme étant situés hors de Syrie, ils ont décidé que leur discussion sur l’avenir de leur pays se fera hors de l’autorité onusienne.

Russes et Américains ont de la même manière contourné l’ONU pour imposer un cessez le feu, tirant prétexte de l’échec de l’émissaire spécial de l’ONU sur la Syrie à mener à bon terme le processus de règlement politique du conflit de Syrie, les conduisant à prendre en main directement la conduite des opérations.

Pauvre Syrie. Pauvre peuple syrien, recru de douleurs et d’épreuves.

La Rédaction

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