Le bilan des pertes syriennes en six ans de guerre

Le bilan des pertes syriennes en six ans de guerre 938 440 René Naba

Dernière mise à jour le 3 avril 2017

Vers la tenue d’un congrès national de l’opposition démocratique syrienne à la mi avril à Genève

Un congrès national de l’opposition démocratique syrienne devrait se tenir du 15 au 17 Avril 2017 à Genève, à la date hautement symbolique, commémorative du 71e anniversaire de l’Indépendance de la Syrie de la France, en vue de faire entendre le refus des démocrates syriens de voir la Syrie se transformer en «République Bananière» sous la coupe des protagonistes régionaux et internationaux du conflit dont leur pays est le théâtre depuis six ans.

Le congrès verra la participation, à titre individuel, de personnalités sans la moindre attache financière, médiatique, organisationnelle avec les belligérants régionaux ou internationaux «en vue de reprendre l’initiative et de faire entendre la voix du peuple syrien absent», à l’arrière plan d’un bilan catastrophique des pertes subies par la Syrie du fait de sept ans de guerre, où l’on recense 89 % de Syriens sous le seuil de la pauvreté et 1.170 mille milliards cent soixante dix millions de dollars de pertes.

Sa programmation intervient au lendemain d’un Sommet arabe à Amman balisant le terrain à une nouvelle alliance entre les pétromonarchies du Golfe et le Président xénophobe Donald Trump, alors que les camp atlantiste soucieux de compenser son revers militaire d’Alep s’emploie à aménager une nouvelle zone de sécurité autour de Raqqa en liaison avec les forces kurdes, et, et dans le sud de la Syrie, sous l’égide de la Jordanie, dans la zone frontalière syro-israélo-jordanienne.

Le congrès survient en outre alors que la Russie soumet à consultation un projet de constitution syrienne, dans une démarche qui constitue une mauvaise réédition de l’expérience américaine en Irak avec l’imposition d’une constitution sur le modèle de la «constitution Bremer» et que les efforts diplomatiques marquent le pas, que la personnalité et les méthodes de l’émissaire spécial de l’ONU, Staffan De Mistura, font l’objet de vives critiques.

Le congrès fondateur de cette instance s’était tenu à Genève les 29 et 30 janvier 2013. Il avait été farouchement combattu alors par le tandem socialiste Laurent Fabius Manuel Valls, à l’époque rétrospectivement ministre des Affaires étrangères et Ministre de l’Intérieur. Le second se tient alors que la France, quatre ans après, se maintient dans le «déni de réalité» en continuant à accorder droit de cité à l’opposition pro monarchique djihadiste, maintenant dans l’ostracisme l’opposition démocratique.

Pour aller plus loin sur ce thème :

Le bilan des pertes syriennes

Les pertes de la Syrie du fait de la guerre sont estimés à 1.170 mille milliards cent soixante dix millions de dollars, un chiffre qui englobe tous les secteurs de la vie nationale ainsi que le coût de la reconstruction de ce pays ravagé par six ans de guerre civile, selon les estimations de l’économiste Ammar Youssef.

Pour les locuteurs arabophones, l’étude parue dans le quotidien libanais «Al Akhbar» se trouve sur ce lien :

Logement et Habitat : 1,4 millions habitations détruites; 200 milliards de dollars de dégâts

Le secteur du logement et de l’habitat est le secteur le plus sinistré du fait que nombre de ville ont servi de champs de bataille. 1,4 millions d’habitations ont été détruites à ce jour. Les dégâts dans ce secteur sont estimés à 200 milliards de dollars. La reconstitution des services fonciers et du cadastre est, elle, estimée, à 300 milliards de dollars. Ce chiffre n’inclut pas les usines, ni les centrales électriques, d’une manière générale les infrastructures des divers champs de l’activité économique et sociale qui font l’objet d’une recension à part.

Le secteur industriel : un secteur sinistré à 67 % ; 210 milliards de dollars

67 % de la capacité industrielle de la Syrie a été complètement détruite. Ce chiffre concerne les usines pillées ou démantelées, y compris les stocks de matières premières nécessaires à la production. Le chiffrage se monte à 60 milliards de dollars, auxquels il convient d’ajouter 110 milliards de dollars le capital nécessaire pour la relance de la machine industrielle et 40 milliards au titre du manque à gagner, soit un total de 210 milliards de dollars.

L’Agriculture, 3e secteur par l’importance des dégâts. 64 milliards de dollars.

Grande exportatrice de produits agricoles à destination de son voisinage, assurant son autosatisfaction alimentaire, la Syrie est devenue à la faveur de la guerre, importatrice de nombreux produits agricoles.

Les dégâts infligés aux moyens de production dans le secteur agricole sont estimés à 25 milliards de dollars et la perte due au manque à gagner à 20 milliards de dollars ; un chiffre auquel il convient d’ajouter 19 milliards de dollars d’investissement pour la relance de la production agricole ; soit un total de 64 milliards de dollars, excluant le cheptel, décimé, soit du fait des hostilités, soit en tant que prise de guerre pour l’alimentation des djihadistes.

Secteur touristique et hôtelier

Les dégâts sont estimés à 14 milliards de dollars, alors que les pertes du secteur tertiaire sont évaluées à 9 milliards de dollars, qu’il importe de majorer de la somme de 15 milliards de dollars pour la relance de ce secteur particulièrement sinistré, impliquant la réhabilitation de l’infrastructure des transports (ponts, routes, autoroutes, les canaux d’irrigation etc;).

Réseau électrique

Ce secteur représente un défi d’autant plus grand que les syriens ont eu recourir durant la guerre à des moyens de substitution pour leur éclairage et leur chauffage (piles, batteries, générateurs etc..). Si les pertes sont estimées à 4 milliards de dollars, les sommes nécessaires à la réhabilitation du réseau électrique (restauration des poteaux et des fils électriques notamment) s’élève à 28 milliards de dollars. Soit un total de 32 milliards de dollars.

Secteur bancaire

Perte astronomique résultant tant du pillage que de la fermeture des établissements bancaires et du transfert de leurs activités vers l’extérieur du territoire national ainsi que de la cessation des prêts et de la possibilité d’obtenir le remboursement des prêts précédemment octroyés.

L’embargo sur les transactions bancaires avec la Syrie, le manque à gagner du fait des restrictions précitées se sont élevées à 9 milliards de dollars, alors que 40 milliards de dollars ont été injectés sur le marché pour soutenir le cours de la livre syrienne. Le rétablissement du pouvoir d’achat de la livre syrienne nécessite un investissement de l’ordre de 70 milliards de dollars pour une parité un dollar = 50 LS. Une somme partiellement comblée par les états alliés de la Syrie.

22 milliards de dollars ont été investis par les commerçants syriens dans les pays limitrophes pour maintenir la viabilité de la vie économique syrienne.

Le secteur administratif

Les dégâts sont estimés à 4 milliards de dollars et 6 milliards de dollars sont nécessaires pour la reconstitution du maillage administratif du pays.

Le secteur social

Sept milliards de dollars ont été investis dans l’aménagement de centres d’hébergement pour les personnes déplacées et les réfugiés.

Éducation : 40 % des enfants en bas age non scolarisés

30 % du parc immobilier du secteur a été détruit du fait qu’une large fraction de ces établissements a servi de poste de combat ou de poste d’observation, voire même de poste de tirs. Bon nombre de membres du personnel enseignant a été conduit à l’exil forcé du fait des menaces des belligérants.

40 % des enfants en bas age n’ont pas été scolarisés durant cette période du fait des hostilités. La remise en route du secteur éducatif nécessite un investissement dans le domaine des infrastructures de l’ordre de 16 milliards de dollars et la mise à niveau des enfants non scolarisés 5 milliards de dollars.

Secteur hospitalier

45 % des infrastructures du secteur détruites et une hémorragie de 37 % du corps médical.

Le secteur hospitalier présente une situation analogue au secteur éducatif où l’on relève un taux de destruction des infrastructures de l’ordre de 45 % et une hémorragie du corps médical syrien de l’ordre de 37 %, une proportion sans pareille ailleurs dans le monde. Le pillage du matériel médical dans les divers secteurs (radiologie, cardiologie, ophtalmologie, hématologie, maternité, appareils de dialyse etc, ainsi que les stocks pharmaceutiques a été de même que la réhabilitation du secteur médical (reconstruction des établissements et leur rééquipement) a été chiffrée à 25 milliards de dollars.

Secteur pétrolier : Des dégâts de l’ordre de 29 milliards de dollars

La mainmise de Daech sur de vastes domaines du secteur pétrolier a conduit l’État syrien a importé les produits pétroliers, dont la réhabilitation a été estimée à 29 milliards de dollars

Le parc forestier : 17 milliards de dollars de dommages

Des dégâts de l’ordre de 17 milliards de dollars ont été infligés au parc forestier du fait des incendies et des dommages résultant des hostilités.

L’hémorragie des cadres : la plus grosse perte pour la Syrie

L’hémorragie des cadres syriens, dont 37 % du corps médical, a constitué la plus grosse perte pour la Syrie qu’il sera difficile de compenser. 15 milliards de dollars seront nécessaires pour la réhabilitation de ce secteur que cela soit par la formation de nouveaux cadres ou le rapatriement et la récupération des cadres anciens.

La perte résultant de la fuite des cerveaux se monte à 40 milliards de dollars dans les divers domaines de l’activité scientifique, intellectuelle et artistique.

89 % des Syriens vivent désormais sous le seuil de la pauvreté. Le revenu moyen du syrien a chuté dans une proportion de 80 %, ce qui nécessite une forte majoration des salaires pour retrouver le niveau antérieur à la guerre.

René Naba

Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l'AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l'information, membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme et de l'Association d'amitié euro-arabe. Auteur de "L'Arabie saoudite, un royaume des ténèbres" (Golias), "Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l'imaginaire français" (Harmattan), "Hariri, de père en fils, hommes d'affaires, premiers ministres (Harmattan), "Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David" (Bachari), "Média et Démocratie, la captation de l'imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l'Association d'amitié euro-arabe. Depuis 2014, il est consultant à l'Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l'Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Editorialiste Radio Galère 88.4 FM Marseille Emissions Harragas, tous les jeudis 16-16H30, émission briseuse de tabous. Depuis le 1er septembre 2014, il est Directeur du site Madaniya.

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4 commentaires
  • Bonjour, en cas d’élections *democratiques* et *libres* en Syrie, quelle sont les chances/possibilité de victoire des opposants démocratiques qui ont du s’exiler de la Syrie?
    Haytham Manna et ses amis de l’opposition démocratique sont-ils connus par les Syriens?

    • Bonjour Bertrand
      Selon un sondage officieux de la précédente administration américaine, Haytham Manna était crédité de 29 pour cent des voix en cas d’élections présidentielles.
      En 2me position après Bachar Al Assad, qui dispose, lui d’infiniment plus de moyens. En tout cas, très loin devant les terroristes djihadistes (5 pour cent).
      Opposant historique au régime, il se distingue des opposants de la dernière heure appâtés par les pétrodollars, Haytham Manna jouit d’une grande considération au sein de la population syrienne Le panel de l’opposition démocratique qui se réunit à la mi avril à Genève est constitué de personnalités de premier plan de la vie intellectuelle, politique et cultuelle de la Syrie. Aux antipodes de la cohorte des nains mercenaires compagnons de route du terrorisme islamique.

  • Bernard CORNUT 3 avril 2017 à 10h13

    Des réparations sont dues aux victimes et pour la reconstruction de la Syrie. Ceux qui ont soutenu, financé et armé des mercenaires et rébellions armées illégales évidemment en droit international devront assumer et payer des réparations, c’est à dire Arabie, Qatar, Turquie, USA, UK, France au moins…En attendant que la justice passe, le plus efficace serait une taxe mondiale sur le pétrole et le gaz, affectée au financement de ces réparations légitimement dues.

  • Pour aller plus loin sur ce sujet
    Syrie-pertes : l’An VII d’une effroyable guerre
    La Turquie, L’Arabie saoudite et le Qatar, grands perdants de ce jeu planétaire
    Éditorial de la revue Afrique Asie Mai 2017
    Sinistre anniversaire: depuis le 15 mars, la Syrie, naguère l’un des pays les plus stables du Moyen-Orient, est entrée dans la 7e année d’une guerre dont le bilan humain, matériel, économique, psychologique, et, surtout, géopolitique, est effroyable. Et il est loin d’être définitif.
    Sur le plan humain, on estime le nombre de morts à près de 300.000, dont le tiers dans les rangs de l’armée arabe syrienne. Les autres victimes se comptent parmi les civils des deux camps, mais aussi dans les rangs des groupes armés dont les effectifs varient, selon l’évolution du conflit, de 60.000 à 300.000 individus. Ils sont venus combattre non pour l’avènement d’un régime démocratique, mais ouvertement pour l’instauration d’un pouvoir califal moyenâgeux pseudo-islamique. Et leurs victimes sont presque exclusivement des musulmans. À cette liste tragique s’ajoutent les invalides de guerre, dont le nombre avoisine le million. Malgré la résilience de la société et de l’État syrien, et en dépit du déclenchement, en 2016, d’un laborieux processus de sortie de guerre à Astana et à Genève, la guerre en Syrie, et contre la Syrie, est loin d’être finie.
    On compte pas moins de trois millions de réfugiés dans les pays limitrophes, principalement en Turquie, au Liban et en Jordanie, trois pays qui avaient, au moins au début du conflit, laissé complaisamment passer sur leur territoire ces extrémistes ultra-violents venus des quatre coins de la planète, afin qu’ils sèment la désolation et la terreur en Syrie. Il aura fallu attendre 2015 pour que la Turquie, dans une manœuvre d’intimidation et de chantage, déverse près d’un million de réfugiés syriens vers l’Europe occidentale, particulièrement en Allemagne, pour que celle-ci se préoccupe de la situation des réfugiés. Et il convient d’y ajouter près de 9 millions de déplacés à l’intérieur même de la Syrie, majoritairement installés dans les zones loyalistes. Pour une population estimée à 24 millions, l’hémorragie est colossale, et la facture psychologique abyssale.
    Sur le plan économique, l’ardoise se monte jusqu’à présent à quelque 40 milliards de dollars. Avant la guerre, la Syrie était l’un des rares pays du Sud à avoir atteint l’autosuffisance alimentaire. Son agriculture est aujourd’hui sinistrée à près de 80 %. C’est le cas également de son tissu industriel, la moitié de ses usines étant soit détruite, soit pillée, soit à l’arrêt.
    Les hôpitaux ont été également ravagés par le conflit, et l’industrie pharmaceutique (le pays produisait auparavant 95 % de ses besoins) presque anéantie. Sans oublier l’essor, dans les zones contrôlées par les groupes armés, de la contrefaçon de médicaments qui fauchent des milliers de vies chaque année.
    Le secteur pétrolier et énergétique a été saccagé et pillé par Daech et les groupes qaïdistes. De pays autosuffisant en hydrocarbures, la Syrie en est aujourd’hui réduite à la dépendance. Quant à la monnaie, elle a dégringolé: un euro valait 50 livres syriennes en 2011. Il en vaut actuellement plus de 500.
    À ce bilan non exhaustif, il faut ajouter les sanctions européennes et américaines qui frappent durement l’économie, dans la mesure où elles interdisent les investissements, les transferts et les échanges commerciaux. Plutôt que de «punir le régime», elle touche les couches les plus fragiles de la société.
    Mais c’est sur le plan géopolitique que ces six ans de guerre contre la Syrie vont laisser les traces les plus durables. L’emploi à au moins cinq reprises d’un double veto sino-russe à l’Onu contre des résolutions occidentales voulant rééditer le sinistre précédent libyen a sonné le glas de l’unilatéralisme américain et réveillé la guerre froide. En voulant détruire l’État syrien, comme ils l’ont fait avec l’Irak et la Libye, et en instrumentalisant sournoisement l’intégrisme wahhabite, les États-Unis, et derrière eux l’Europe, se retrouvent en position d’arroseur arrosé. Le monstre terroriste qu’ils ont engendré sévit dorénavant chez eux, et ils sont contraints d’abandonner –du moins provisoirement– leur objectif d’anéantissement de la Syrie pour concentrer toutes leurs énergies en vue de se prémunir contre lui.
    Les monarchies du Golfe, la Turquie et l’Europe, qui avaient misé sur une chute rapide de la Syrie, sont désormais les grandes perdantes de ce jeu planétaire meurtrier. Elles auront à gérer les lourdes conséquences sur leur stabilité. Quant aux États-Unis, ils sont en train de changer leur stratégie suicidaire et s’impliquent directement en Irak et en Syrie pour conjurer la menace intégriste. À cet effet, ils se rapprochent de la Russie, y compris militairement. Plusieurs milliers de leurs soldats sont déjà à l’œuvre sur les deux fronts.
    Pourtant, il est trop tôt pour annoncer la fin du cauchemar. Car les va-t-en-guerre outre-Atlantique et en Europe rechignent toujours à accepter leur défaite stratégique. Faut-il rappeler que les plus grands dégâts dans la guerre contre le Vietnam ont été enregistrés alors même que la défaite américaine était devenue inéluctable?