"L'Afrique est l'ultime continent où la France dispose encore d'une relative marge de manœuvre".

"L'Afrique est l'ultime continent où la France dispose encore d'une relative marge de manœuvre". 938 440 Nicolas Keraudren

Dernière mise à jour le 4 mai 2017

Interview de René Naba au site Relafrica2017
Propos recueillis par Nicolas Keraudren, cofondateur du site Relafrica2017.fr spécialisé sur l’Afrique.

« La caste politico médiatique française va devoir s’initier aux vertus de la modestie »
1 – NK/relafrica2017 – Quelles implications directes sur la démocratie en Afrique si Emmanuel Macron était amené à devenir le prochain président?

RN: Emmanuel Macron dispose d’un gros avantage sur sa rivale, la courtoisie. Sous son mandat, tout changera en apparence pour que rien ne change au fond, avec l’urbanité en plus. Les intérêts stratégiques français sont considérables.

L »Afrique est d’ailleurs le seul continent où la France dispose encore d’une relative marge de manœuvre; Elle va continuer à chérir ce bijou en ce qu’il continue à lui procurer l’illusion de la puissance.

Les choses se feront en douceur, moins voyante, mais il parait exclu une révision déchirante de la traditionnelle politique africaine de la France. Les lignes de fond de cette politique ne connaîtront pas un bouleversement radical.

2 – NK/relafrica2017: En ce qui concerne Marine Le Pen ?

RN: MLP présidente sera d’abord un test de crédibilité pour le leadership africain. Il sera intéressant de noter à ce propos son comportement à l’égard d’une présidente dont le parti se repaît de xénophobie, de chauvinisme et de populisme, autant de tares dont des générations d’africains ont en pâtit du fait du comportement des français à leur égard.

MLP devra se faire violence pour faire preuve d’urbanité à l’égard des Africains, longtemps considérés comme des « ‘chairs à canon de la France ». Refréner son tempérament expéditif.

3 – NK/relafrica2017: J’aimerais aussi précisément avoir ton avis sur le Gabon et l’avenir démocratique dans ce pays avec l’un des deux candidats au second tour comme président?

RN: L’avenir du Gabon à court terme est plié. Ali Bongo demeurera au pouvoir à moins d’une « divine surprise » suscitée ou naturelle. Une mort naturelle, un soulèvement populaire plus ou moins encouragé et ou accompagné de l’étranger, une grave maladie foudroyante.

Pour mémoire, Felix Moumié, le chef indépendantiste charismatique du Cameroun, a été empoisonné par Jacques Foccart, à l’époque secrétaire général de l’Elysée lors d’un déjeuner des deux hommes à Genève.
Et puis les accidents d’avion sont fréquents en Afrique à l’exemple de Dag Hammarjkoeld, Secrétaire général de l’ONU, au Congo, de Barthélémy Boganda, en Oubangui Chari, à la veille de l’indépendance de ce pays qui deviendra le Tchad ou enfin Juvénal Habyarimana, le président du Rwanda, dont l’assassinat en 1994, déclencha la guerre civile.

La corruption, la fraude, la gabegie le népotisme au Gabon ont été orchestrés par la France depuis l’indépendance formelle de ce pays. Ils ne peuvent se dissiper par enchantement.

4 – NK/relafrica2017: Penses-tu qu’Emmanuel Macron ou Marine Le Pen sont en mesure de participer à un développement équilibré, bilatéral et sincère de l’Afrique?

RN: La priorité de la France sera, non un développement équilibre et sincère de l »Afrique, mais la gangrène djihadiste qui grignote la zone sahélo saharienne du fait de la politique prédatrice du tandem Nicolas Sarkozy-François Hollande en Libye et en Syrie. Deux secteurs où la France s’est enlisée épuisant et son crédit international et ses ressources financières.

Or, paradoxalement, le désastre diplomatique français sur le plan international a été occulté du débat électoral. Mais il ne va pas tarder à peser tant sur plan interne que sur le plan international, quelque soit le future président.

La caste politico médiatique française va devoir s’initier aux vertus de la modestie et renoncer à sa posture moralisatrice.

5- NK/Relafrica2017: Dans quelle logique leur politique Afrique est-elle conçue selon toi ?

RN: Dans une logique hyper égoiste, de courte vue. Cinq siècles d’exploitation intensive du continent africain, puis dans la période post indépendance, 60 ans de taxation d’office, de prélèvement obligatoire à coups de Djembés et de mallettes pour assurer le train de vie de la classe politique française, et la protection des dictateurs africains pour la protection des intérêts des grands groupes industriels français (Areva au Niger, Total au Gabon, Bolloré au Cameroun et les ports africains de l’Afrique occidentale, enfin Bouygues dans la téléphonie africaine).

Plus stupide que cela tu meurs. Plus dure sera la chute.

La Françafrique aura été aura été le pacte de corruption des élites françaises et africaines à l’échelle continental, dont les effets corrosifs se font sentir encore de nous jours, dont les deux grandes formations politiques françaises qui ont ont gouverné la France sous la V e République -les Gaullistes dans leurs diverses déclinaisons (postgaullistes affairistes, gaullistes atlantistes sarkozystes), et les socialistes, en auront payé le prix le plus lourd à l’occasion des élections présidentielles françaises de 2017

Nicolas Keraudren

Journaliste indépendant, titulaire d'un master de l'Institut Géopolitique de Paris - Université Paris VIII Saint Denis.

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