Dernière mise à jour le 2 octobre 2017
1 – L’Indépendance du Kurdistan à l’arrière plan d’une lutte d’influence entre l’Iran et l’Arabie saoudite par chiites interposés en Irak et du retour de Blackwater en Mésopotamie.
La proclamation de l’indépendance du Kurdistan, en dépit de l’opposition réelle des puissances régionales, fait planer un nouveau risque de partition de l’Irak, alors que ce pays recrue d’épreuves menait à bon terme son combat contre l’éradication de son territoire du califat islamique de Daech.
En phase de reflux au Moyen Orient, les États Unis ont encouragé la sécession du Kurdistan irakien dans un triple objectif:
-Maintenir l’Irak sous son contrôle .
-Créer un abcès de fixation tant envers l’Iran, dans la perspective d’une possible épreuve de force entre l’administration Trump et Téhéran sur le nucléaire iranien, que vis à vis de la Turquie, pour brider son rapprochement avec la Russie et l’Iran.
-Doter Israël d’un point d’appui complémentaire dans la zone afin de lui permettre de prendre en tenaille le Monde arabe par une alliance de revers avec ses deux plate-formes territoriales pro-israéliennes, le Kurdistan, au Levant, et, le sud Soudan au Ponant du Monde arabe
Ce bouleversement paraît devoir plonger l’Irak dans une nouvelle zone de turbulence d’autant plus vive qu’il intervient sur fond d’une lutte d’influence entre l’Iran et l’Arabie saoudite en Irak, par dirigeant chiite interposés, à l’arrière plan du retour en Mésopotamie de Blackwater, la compagnie militaire privée américaine de sinistre mémoire.
Aubaine pour l’Arabie saoudite et pour Israël, l’allié souterrain des Kurdes depuis un demi siècle, l’indépendance du Kurdistan constitue une violation du principe de l’intangibilité des frontières issues du colonialisme.
Ce principe a souffert deux exceptions, la première au Soudan, avec la proclamation de la République du Sud Soudan, et la seconde, dans le Kurdistan irakien, deux zones qui furent la cible de l’activisme de deux philo sionistes atlantistes avérés, les deux Bernard, Bernard Kouchner et Bernard Henry Lévy.
Délégué du Monde arabe auprès des États Unis après la guerre d’octobre 1973 et l’usage de l’arme du pétrole le Président algérien Houari Boumedienne avait qualifié le Kurdistan de «2me Israel sur le flanc du Monde arabe», lors de son entretien avec le président Richard Nixon et son secrétaire d’état Henry Kissinger.
Le compte rendu de cet entretien Boumedienne Nixon, sur ce lien pour le lectorat arabophone
http://www.raialyoum.com/?p=746070
Il n’est pas indifférent de noter dans ce contexte le soutien de la France aux combattants kurdes de Syrie. En perte d’influence tant en Irak, qu’en Syrie qu’au Liban, le soutien français est destiné prioritairement à lui concéder un droit d’entrée à la table des négociations pour en cueillir les miettes, dans le droit fil de sa politique partitionniste inaugurée avec le Grand Liban, poursuivie à Alexandrette, visant à maintenir la zone en état de la balkanisation et à entraver la constitution d’un seuil critique du Monde arabe à l’effet de peser sur la scène internationale.
Pour aller plus loin sur ce sujet, sur ce lien
http://www.renenaba.com/genocide-armenien-le-jeu-trouble-de-la-france/
L’émergence d’une entité kurde indépendante pourrait par effet de domino favoriser la convergence des deux grands pays musulmans non arabes de la zone, la Turquie sunnite et l’Iran chiite, autour de l’Irak et la Syrie pour constituer un glacis stratégique cimenté par la Russie.
Au risque de démembrement de l’Irak pourrait se superposer ainsi un risque d’embrasement régional, dont les Kurdes pourraient servir de combustible. D’antagonistes irréductibles dans la guerre de Syrie, Damas et Ankara pourraient se retrouver protagonistes d’un blocus du Kurdistan irakien.
Dans la foulée, la sécession du Kurdistan irakien pourrait initier au sein de l’importante communauté chiite des pétromonarchies du Golfe, -à Bahreïn, mais aussi dans les zones pétrolifères chiites en Arabie saoudite et au Koweït-, un effet centrifuge symétrique.
Retour sur cette rivalité entre Moqtada Sadr et Al Hached Al Chaabi, pour le leadership chiite irakien post Daech.
L’un est incontestablement le plus emblématique opposant à l’occupation américaine de l’Irak, en 2003, l’autre, face à Daech, le pupille des Américains et des Saoudiens, l’artisan de la jonction stratégique des frontières de Syrie et d’Irak, dans son offensive contre l’État Islamique en Irak, en 2017. L’un et l’autre sont chiites et bénéficient d’un prestige certain dans leur pays. Tout le reste les sépare à l’arrière fond d’une vive rivalité entre ces deux pôles du leadership chiite irakien post Daech.
2- Moqtada Sadr, le plus emblématique opposant à l’occupation américaine de l’Irak.
Le plus intransigeant opposant à la présence américaine en Irak, Moqtada Sadr, a opéré un retour au premier plan de la scène politique irakienne, au terme d’un retraite politique de près de dix ans, par une visite remarquée en Arabie saoudite, le fer de lance du combat anti chiite et fossoyeur de l’Irak moderne, en sa qualité de co-parrain de l’invasion américaine de l’Irak, en 2003.
Préludant son virage pro saoudien, l’homme avait déblayé le terrain à son engagement par une incursion, fin avril 2016, dans une zone hautement symbolique, la «Zone Verte», le périmètre de sécurité de l’ambassade américaine à Bagdad et du pouvoir irakien qui en est issu
Celui qui était perçu comme la «bête noire» de la puissance occupante et son plus farouche adversaire se présente désormais sous l’aspect d’un grand réformateur, champion de la lutte contre la gabegie et la corruption. Un «Monsieur propre», décidé à balayer les marchands du temple pourris.
Homme de conviction, Moqtada Sadr est un homme animé de détermination comme en témoignent ses engagements contre les forces d’invasion américaines, tant à Najaf qu’à Bassorah (1). Au point que sa démarche et son comportement l’ont longtemps désigné comme un émule de l’autre grand dirigeant chiite arabe, Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah libanais.
Né en 1973 à Coufa, ville sainte proche du sanctuaire de Najaf et réputée pour sa sophistication calligraphique, disposant du titre de Sayyid qui signe son appartenance à la descendance du prophète, Moqtada Sadr occupe une place singulière dans l’échiquier irakien.
Frappé d’un triple sceau de légitimité -spirituelle, nationaliste et populaire-, ce fils d’un dignitaire religieux assassiné par Saddam Hussein est le seul dirigeant irakien d’envergure nationale à n’avoir jamais transigé sur ces principes, encore moins pactisé avec ce qu’il considère être ses «ennemis», contrairement aux autres factions irakiennes.
Si les Kurdes passent pour être les supplétifs des Américains et des Israéliens et les Chiites inféodés à l’Iran, notamment les partisans de M. Abdel Aziz Hakim, chef de l’Armée Islamique du Salut, les Sunnites se sont longtemps partagés entre partisans des groupements djihadistes Daech et Al-Qaida et sympathisants de la guérilla baasiste épaulée par d’anciens agents des services irakiens.
Pour aller plus loin sur la connivence israélo-kurde dans le Kurdistan irakien, ce lien:
https://www.madaniya.info/2014/10/07/connivence-israelo-kurde-secret-polichinelle/
Moqtada Sadr a émergé, lui, du lot en tant que dirigeant religieux nationaliste, disposant d’une large autonomie qui le place à l’abri d’une allégeance contraignante, à la remorque d’aucune puissance.
De par son profil et son parcours, il faisait figure de scalp idéal irakien d’un président américain en fin de mandat, une «prise de guerre» à l’effet de magnifier le bilan de sa «guerre mondiale contre le terrorisme», de magnifier le bilan présidentiel de George Bush jr tout court. Le premier ministre Noury al-Malki avait menacé de bannir Moqtada Sadr de la vie politique irakienne si le dignitaire religieux n’ordonnait pas la dissolution de sa milice, forte à l’époque de 60.000 combattants et regroupés au sein de «l’Armée du Mahdi».
Sa mission accomplie, l’«Ennemi public N° 1» des Américains a quitté l’Irak après la bataille de Bassorah pour Qom, la ville sainte iranienne où pendant quatre ans il va approfondir sa connaissance de l’Islam. Toujours coiffé du turban noir des descendants du Prophète, le visage rond et la barbe grisonnante, il rebondit, en 2016, en champion des réformes en Irak.
3- Al Hached Al Chaabi (La Mobilisation Populaire), une fonction identique à la célèbre «Jerusalem Brigade» d’Iran.
Al Hached Al Chaabi (la Mobilisation populaire) est l’artisan de la jonction stratégique des frontières syriennes et irakiennes lors de l’offensive anti Daech, de l’été 2017. Un exploit qui a mis en échec le projet américain de constitution d’un «État sunnite» sur les portions des territoires de la Syrie et de l’Irak, s’étendant de Homs (Syrie) à Falloujah (Irak), via Palmyre et le désert syrien.
Un des artisans majeurs de la reconquête de Mossoul et de Tall Affar, Al Hached se pose en interlocuteur incontournable de l’échiquier politique irakien tant au niveau chiite qu’au niveau national, un rival indiscutable tant de Moqtada Sadr que des Peshmergas kurdes.
Fort de cet exploit, Al Hached Al Chaabi se veut et se vit, tant au niveau formel que symbolique, l’équivalent de la «Jerusalem Brigade (Faylaq al Qods) des «Gardiens de la Révolution» iranienne, dont il est organiquement et idéologiquement très proche.
A l’intention du lectorat arabophone, pour aller plus loin sur ce thème, ce lien http://www.al-akhbar.com/node/278940
Beau palmarès en 3 ans d’existence. La naissance du Hached est intervenue, le 13 juin 2014, à l’appel de l’Ayatollah Ali Al Sistani, trois jours après la chute de Mossoul (Nord pétrolifère de l’Irak) aux mains de l’État Islamique, dont il en fera la capitale de son califat.
Depuis la ville sainte de Najaf, haut lieu de la résistance chiite à l’invasion américaine de l’Irak (2003-2010), le dignitaire chiite a sonné la mobilisation générale face aux impies éradicateurs: le djihad contre l’État islamique.
Depuis lors cette milice a fait office, dans un premier temps, de force de soutien à l’armée irakienne dans ses offensives pour la reconquête des territoires irakiens perdus, avant de gagner en autonomie face aux interventions incessantes des Américains sur le terrain militaire et dans dans le jeu politique irakien, notamment leur soutien aux Peshmergas, la milice rivale kurde.
Le 26 novembre 2016, le Parlement irakien a conféré à la «mobilisation populaire»(Al-Hached Al-Chaa‘bi) le statut de «formation militaire indépendante faisant partie des forces armées irakiennes». La loi place en outre le Hached sous l’autorité formelle du Premier ministre et lui attribue les mêmes droits et devoirs qu’à l’armée irakienne.
Cette mesure a eu pour effet de consacrer le Hached en tant que élément organique des forces de défense irakiennes et partant d’ancrer la présence des milices chiites dans les structures du pouvoir irakien, consacrant leur légitimité dans la guerre contre l’État Islamique (EI).
En 2017, le Hached a été doté d’un budget d’1,5 milliards de dollars dans le budget de l’état irakien.
En 2016, Al Hached Al Chaabi regroupait une soixantaine de milices, revendiquant près de 140.000 combattants. Si certaines milices sont chrétiennes ou sunnites, la grande majorité sont des brigades chiites armées et financées par l’Iran, épaulées par des conseillers militaires iraniens.
4- Le Hached à la conquête de Tall Affar
Insigne honneur, la reconquête de Tall Affar a constitué une mission prestigieuse, mais périlleuse.
De par sa composition démographique et sa configuration géographique, le fief historique du noyau turkmène fondateur de Daech est en effet situé à l’épicentre de la rivalité entre la Turquie et l’Iran, les deux grandes puissances régionales voisines de l’Irak, abritant d’importantes minorités turques, dont l’hostilité commune à l’égard de la création d’un Kurdistan indépendant en Irak pourraient les conduire à engager une opération conjointe pour brider l’irrédentisme kurde en Syrie, en Irak, en Turquie et en Iran en vue de faire capoter ce projet.
Si la majorité turkmène de sa population de 200.000 habitants témoigne d’une sympathie non dissimulée pour la Turquie, la minorité chiite particulièrement persécutée par Daech durant l’exercice du califat, voit dans l’Iran un protecteur fiable. Les djihadistes chargés de la gestion de la ville bénéficient d’une très mauvaise réputation en raison des exactions qu’ils ont commises.
A 380 km au Nord Ouest de Bagdad et à 60 km de Mossoul, Tall Affar constitue le maillon intermédiaire reliant la zone kurdophone pétrolifère d’Irak à la frontière syrienne. Sa reconquête viserait à couper la voie au ravitaillement de Daech depuis la zone frontalière syrienne.
Pour aller plus loin sur Tall Affar, sur ce lien:
https://www.madaniya.info/2017/06/22/l-elimination-d-abou-bakr-al-baghdadi-signe-l-eradication-complete-du-cercle-de-tall-affar-le-noyau-turkmene-fondateur-de-daech/
Le positionnement du Hached sur le front de Tall Affar a eu pour premier effet de le dégager des zones d’engagement des Américains dans la zone frontalière syro irakienne et d’éviter les crispations répétitives des parrains occidentaux, alliés du premier ministre irakien Haidar Abadi. Le Hached accuse les Américains de parasiter leur combat contre l’État islamique afin de s’attribuer le mérité de la victoire dans cette ville, fief du noyau turkmène fondateur de Daech et de peser sur le règlement final du conflit irakien.
5 – Le plan Ryan Crocker et la nouvelle configuration régionale.
Maîtres des cieux, des terres et des mers depuis un demi siècle, le tandem israélo-américain paraît devoir concéder la parité stratégique avec les contestataires de son hégémonie au Moyen Orient: la Russie, l’Iran, la Syrie et les formations chiites du Liban (Le Hezbollah) et d’Irak (Al Hached Al Chaabi – la Mobilisation Populaire), les grands vainqueurs de la séquence dite du «printemps arabe».
A moins d’une guerre éclair israélienne aux résultats aléatoires, en vue de procéder à une nouvelle redistribution des cartes, ce bouleversement stratégique intervient à l’arrière plan d’une réactivation d’une vieille connivence islamo orthodoxe matérialisée par la fourniture par la Russie des missiles SS 400 à la Turquie, le dernier cri de la défense balistique russe, qui pourrait conduire à terme à la sortie de l’Otan de l’unique pays musulman membre de l’alliance atlantique dont il fut un état fondateur.
La nouvelle convergence entre Moscou et Ankara devrait, dans l’esprit des stratèges russes, prendre la relève de l’ancienne alliance entre l’URSS et l’Égypte nassérienne du temps de la guerre froide soviéto américaine, dans la décennie 1960-1970. Dans l’ordre symbolique, Moscou abrite le siège du patriarcat orthodoxe et la Turquie abrite à Istanbul Constantinople, le siège du patriarcat orthodoxe d’Orient, en même temps qu’elle constitue la voie d’accès aux mers chaudes de la flotte Russe via le Détroit des Dardanelles.
Dans le domaine aérien, la guerre de Syrie a brisé le monopole des airs détenus depuis la fin de la IIe Guerre mondiale (1939-1945), il y a 70 ans par l’Otan et son allié israélien, de même que la fin du leadership atlantiste en Méditerranée, désormais sillonnée en permanence par les flottes russes et chinoises avec des facilités à Tartous (Syrie) et Mers El Kébir (Algérie), bouleversant la stratégie régionale au bénéfice du groupe moteur du BRICS.
Du fait de cette percée russo chinoise en Syrie, la Mer Méditerranée tend aussi à devenir, dans le domaine maritime, une Mer Internationale ouverte, faisant place à de nouveaux venus sur la scène maritime internationale: La Russie et la Chine, préfigurant la nouvelle cartographie de la Méditerranée à l’horizon de l’an 2050.
Le «chaos constructeur» que les anciens colonisateurs ont voulu imposer à leurs anciens colonisés leur revient en pleine figure, tel un boomerang, sous forme d’un «K O destructeur», sept ans le déclenchement de la contre-révolution arabe menée par les pétromonarchies du Golfe en concertation avec l’OTAN et Israël. Un désordre amplifié par le camouflet représenté par l’annulation du premier sommet entre Israël et les pays de l’Afrique noire francophone, qui devait se tenir fin septembre au Togo; indice indiscutable de la défiance que suscite à nouveau l’interventionnisme américano-israélien dans la sphère arabo africaine.
Dans un tel contexte défavorable, les États Unis ont aménagé une base en Israël même. De concert avec le Royaume Uni, ils ont entrepris l’installation de Miradors le long de la frontière syro-libanaise, officiellement pour lutter contre les infiltrations djihadistes et la contrebande de stupéfiants en fait pour couper le ravitaillement stratégique du Hezbollah via la Syrie. Ils envisagent enfin de raccorder l’Irak au réseau atlantiste de la zone faisant pression sur Bagdad pour que la Jordanie pro occidentale serve de terminal pétrolier et de débouché maritime à l’Irak, via Akaba, et non la Syrie.
L’objectif sous-jacent est de neutraliser les effets de la jonction territoriale opérée par le Hached Al Chaab, l’été 2017 et d’établir une claire démarcation entre la Syrie et l’Irak.
Parrainé par Jared Kushner, gendre du président Donald Trump, ce plan prévoit l’aménagement et l’agrandissement des zones de déploiement américain de l’armée irakienne en Irak et la sécurisation de la route internationale Bagdad-Amman (400 km), qui devrait être confiée à Black Water, la compagnie militaire privée de sinistre mémoire qui s’est distinguée tant en Afghanistan qu’en Irak.
Ce plan a été financé par le «Centre Rafic Hariri relevant du Conseil atlantique pour le Moyen orient» financé par le fils aîné de l’ancien premier ministre libanais, Baha Hariri, par ailleurs grand promoteur immobilier en Jordanie, qu’une sourde rivalité oppose à son frère cadet Saad, premier ministre du Liban et milliardaire en cessation de paiement. L’intérêt de Baha Hariri pour l’Irak s’expliquerait par le fait que sa mère, épouse divorcée de Rafic Hariri, est d’origine irakienne.
Ce projet a été mis au point sous l’autorité de Ryan Crocker, ancien ambassadeur des États Unis en Afghanistan et en Irak, deux points noirs de la stratégie américaine, en concertation avec d’anciens collaborateurs d’Ahmad Chalabi, le lièvre qui a servi de prétexte à l’invasion américaine de l’Irak, en 2003, en sa qualité de chef nominal de l’opposition anti Saddam Hussein.
Parmi les contributeurs figurent notamment Abdel Falah Al Jabbar, un intellectuel chiite, ancien homme de gauche mais proche d’Ahmad Chalabi ainsi que Nebras Al Kazimi. Ce projet prévoit en outre la privatisation de larges secteurs de l’économie irakienne et sa gestion par des proches de l’administration américaine.
Pour le lecteur arabophone, les détails de ce projet sur ce lien
http://www.al-akhbar.com/node/282853
Deux mois après la chute de Mossoul, l’offensive contre Tall Affar a été lancée le 21 Août 2017, au lendemain de l’offensive conjointe menée contre le fief militaire de Daech dans la région frontalière syro libanaise, par l’armée libanaise, d’une part, l’armée syrienne et le Hezbollah libanais d’autre part.
Une simultanéité qui n’est nullement le fait du hasard, tant la synchronisation parait parfaite entre Bagdad et Damas dans leur guerre contre leur ennemi commun, matérialisée par la jonction des armées des deux pays dans la zone frontalière.
Une simultanéité concrétisée par l’annonce de la chute de Tall Affar, le 31 août 2017, à la date fixée par le Hezbollah libanais pour la célébration de sa victoire contre Daech, dans le secteur de Baalbeck. Un exploit qui fera date dans les annales militaires arabes. Du fait chiite.
Le courant sadriste se situe à l’autre extrémité du spectre milicien chiite et prône un rapport plus distancié à l’Iran, suscitant une nouvelle scission de sa formation.
Par phénomène de scissiparité, les dissidents ont constitué, en 2008, le Liwa’ al-Yawm al-Maw‘ud, (la division du Jour du Rendez vous), une organisation rivale pro-iranienne, alors que Moqtada Sadr créait, en 2014, une nouvelle milice, Sarāya as-Salam (Les Brigades de la Paix).
6- Moqtada Sadr en Arabie saoudite: Un voyage à Canossa?
De par ses états de service, Moqtada Sadr se situe aux antipodes des nouveaux dirigeants irakiens venus au pouvoir dans les fourgons de l’armée américaine. Mais, paradoxalement, dans sa stratégie de recentrage, l’intention lui est prêtée de s’allier à l’ancien premier ministre Iyad Allaoui, factotum des Américains, ancien militant bassiste, opportunément reconverti dans la collaboration avec les services occidentaux, dont il a été un agent attitré, à l’instar de M. Ahmad Chalabi.
Contre toute attente, ce farouche résistant à la présence militaire occidentale en Irak et héritier d’une lignée de grands dignitaires chiites s’est rendu en Arabie saoudite, le fer de lance du combat anti-chiite dans le Monde musulman, et co artisan de la destruction de l’Irak
Sauf à considérer le rapprochement avec la dynastie wahhabite comme une manœuvre destinée à lui procurer une plus grande liberté d’action, cette opération de contournement de ses rivaux, par application de la théorie du proche ennemi, l’articulation de l’ennemi proche sur l’ennemi lointain, a plongé bon nombre d’observateurs dans la perplexité.
Que n’a-t-il consulté son alter ego libanais Hassan Nasrallah, allié non servile de l’Iran, de surcroît un des grands décideurs sur le plan de la stratégie régionale, malgré les sanctions des États Unis; malgré sa criminalisation par la Ligue Arabe et la sournoise tentative de la France de l’enserrer dans les rets de la justice internationale en lui accolant la «responsabilité implicite» de l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, pensionnaire posthume de son ami Jacques Chirac;
Malgré sa qualification de «terroriste» par Lionel Jospin et le caillassage que l’ancien premier ministre en a récolté de la part des étudiants palestiniens de Bir Zeït, furieux que le symbole de la résistance arabe soit traité de la sorte.
Dans une conjoncture particulièrement défavorable, la visite de Moqtada Sadr en Arabie saoudite a constitué une aubaine pour un royaume déstabilisé par sa guerre contre le Qatar, par le rapprochement du petit wahhabite avec l’Iran, par l’enlisement des pétromonarchies au Yémen et les revers en Syrie, sur fond d’une rivalité vive quoique feutrée au sein de la famille royale saoudienne et d’un chantage permanent de l’administration républicaine de Donald Trump, extorquant 380 milliards de dollars de contrats militaires au royaume surarmé, mais inefficient militairement.
Les Saoudiens se sont félicités du «retour de l’Irak dans le giron arabe». Mais, en l’absence du moindre geste de repentance, de la moindre démarche concrète de compensation envers l’Irak, -exception faite de la promesse de la réouverture de la frontière irako saoudienne pour le pèlerinage annuel de la Mecque et de l’ouverture d’un consulat à Najaf pour la délivrance des visas pour les pèlerins chiites-, quel crédit Moqtada Sadr peut-il accorder aux fossoyeurs de son propre pays?
Aux éradicateurs de ces coreligionnaires chiites, les tortionnaires de son émule Cheikh Nimr Baqr Al Nimr, chef de la communauté chiite d’Arabie saoudite, décapité en janvier 2016, par sectarisme religieux, sans raison autre que son chiisme? Aux maîtres d’œuvre de la répression de la population chiite de Bahreïn et de la population saoudienne de confession chiite de la ville d’Awamiya, dans la région d’Al Qatif?. A l’Allié d’Israël dans le démembrement de l’Irak en soutenant la sécession kurde, en vue de d’affaiblir l’Iran, la Turquie et la Syrie, qui abritent d’importantes minorités kurdes?
Pour lectorat arabophone, ce lien sur la signification du voyage de Moqtada Sadr en Arabie saoudite
http://www.al-akhbar.com/node/281800
7- La fascination morbide du leadership irakien pour leurs bourreaux wahhabites.
Se pose de manière sous-jacente la question du bien fondé de la fascination pathologique du leadership irakien pour leurs bourreaux wahhabites.
Saddam Hussein a ruiné son pays en se commettant mercenaire des pétromonarchies du Golfe dans une guerre de substitution contre l’Iran, (1979-1989) sacrifiant les bénéfices de l’hospitalité qu’il avait offerte à l’Ayatollah Ruhollah Khomeiny pendant 14 ans.
Son successeur à la tête de la guérilla clandestine anti américaine, Izzat Ibrahim Ad Doury, a ruiné l’âme de son parti et l’idéologie baasiste en se dévoyant dans une alliance avec le prince Bandar Ben Sultan, à l’époque chef du djihadisme planétaire, auparavant «Bandar Bush» témoin de premier plan de l’invasion américaine de l’Irak en sa qualité d’ambassadeur saoudien à Washington auprès de son complice américain George Bush jr. Une alliance contre nature dégénérative en Daech. Une insulte aux milliers de militants arabes tués pour la promotion de la laïcité et la démocratie dans le Monde arabe.
Cf à ce propos: le curieux cheminement du parti Baas
Enfin, dernier et non le moindre, Moqtada Sadr:
Certes, le besoin d’indépendance est légitime comme le souci de consolider la souveraineté de son pays sous occupation étrangère depuis 15 ans, mais cette double exigence doit-elle nécessairement passer par les fourches caudines de son ennemi, en un vieux remake des «Bourgeois de Calais».
Pourquoi un tel cadeau à ces ennemis jurés, les États Unis, qui cherchent à remettre l’Irak sous leur coupe? A l’Arabie saoudite, co-artisan de l’invasion américaine de l’Irak et parrains de Daech? Un groupement qui a si meurtri son pays dont la progression a d’ailleurs été brisée par l’Iran, en toute discrétion, par le déploiement d’un filet de sécurité autour de Bagdad, particulièrement sa grande banlieue chiite Sadr City, à la hauteur de la ville de Samarra, à la suite de la destruction de l’unique lieu de culte religieux chiite de cette ville sunnite, «La Mosquée des deux Minarets», l’été 2014, entravant le déferlement Daech vers la capitale irakienne?
L’amnésie a-telle gagné précocement ce fougueux combattant? Pourquoi sinon dilapider un tel capital moral pour une nomenklatura monarchique dont la fonction essentielle est de servir de marche pied aux menées néo-colonialistes occidentales contre le Monde arabe?
Lâcher la proie pour l’ombre revient à accréditer l’idée d’un dirigeant impétueux, justifiant la défiance de nombre des ses anciens sympathisants en ce que ce déplacement apparaît d’autant plus humiliant qu’il intervient alors que la triptyque chiite -Faylaq Al Qods (Jerusalem Brigade) du général Qassem Soleimany (Iran), le Hezbollah (Liban) et Al Hached Al Chaabi (Irak)- vainqueurs à Alep-est et à Palmyre (Syrie), à Mossoul et Tall Affar (Irak), à Ersal et Ras Baalbeck (Liban), émerge en grand vainqueur du «printemps arabe», sept ans après le déclenchement de la contre-révolution arabe menée par les pétromonarchies du Golfe en concertation avec l’OTAN et Israël.
Sauf à la considérer comme relevant d’un coup de génie dont la portée est difficilement perceptible dans l’immédiat, le déplacement de l’héritier d’une lignée de dignitaires chiites persécutés auprès de ses anciens bourreaux prend l’allure d’un voyage à Canossa.
Moqtada versus Al Hached
La galaxie milicienne chiite d’Irak
Outre le Hached, fer de lance du combat contre Daech, la galaxie milicienne chiite s’articule autour des principales formations suivantes:
-Les Brigades Badr:
L’ancien bras armé de l’Iran en Irak sous Saddam Hussein a été crée dans la décennie 1980, au plus fort de la guerre irako iranienne. Badr est la milice la plus ancienne et la plus importante, en nombre et en moyens et en influence politique.
Sous le régime baasiste de Saddam Hussein, elle a fonctionné comme un service de renseignement relevant du Conseil suprême pour la Révolution islamique en Irak (SCIRI, un parti irakien d’opposition en exil). L’organisation Badr est présidée depuis 2009 par Ammar Al-Hakim, qui a voulu marquer ses distances avec son parrain historique iranien en créant les Sarāya Achoura (brigades d’Achoura).
L’ancien premier ministre Noury Al-Māliki dispose d’une une milice propre, ‘Açā’ib Ahl al-Haqqq (La ligue des vertueux), dirigés par Quays al-Khaz‘ali, qui combat en Syrie officiellement pour la protection des sanctuaires chiites du pays voisin, aux côtés d’autres milices chiites telles Harakat Hizbullah al-Nujaba’ d’Akram Al-Qua’bi, des «Kata’ib al-Tayyar al-Risali» (Adnan al-Shahmani), des «Quwwāt Abu Fadhl al-‘Abbas» d’Aws al-Khafaj, dont la mission secondaire est de neutraliser l’influence de Moqtada Sadr sur la scène chiite irakienne.
Notes
1- La bataille de Najaf en 2004
En Août 2004, à Najaf, ville sainte chiite, l’administration néo-conservatrice avait caressé le projet de défaire le chef religieux dans son propre sanctuaire, en pleine campagne présidentielle américaine visant à la reconduction du mandat du Président George Bush.
Dans la foulée de la destruction du fief sunnite de Falloujah (avril 2004), la bataille de Najaf, marquée par l’intervention massive des mercenaires de la firme américaine «Blackwater», avait constitué la première épreuve de force entre Américains et les adversaires chiites de l’occupation américaine de l’Irak, regroupés autour de Moqtada Sadr.
Par son ampleur, la combativité des miliciens sadristes, et son dénouement, Najaf est apparue rétrospectivement comme fondatrice d’une nouvelle légitimité de Moqtada Sadr, le propulsant au centre du jeu politique irakien, surclassant de loin les autres protagonistes.
B – La bataille de Bassorah en 2008
Quatre ans plus tard, la bataille de Bassorah, en Mars-Avril 2008, est intervenue alors que le 2me mandat de George Bush touchait à sa fin et que l’administration américaine visait précisément à briser l’emprise du dignitaire chiite et son prosélytisme religieux sur cette métropole située à la jonction stratégique du Koweït et du Chatt el Arab, la voie d’eau séparant l’Irak de l’Iran; de sécuriser les gisements pétroliers du sud de l’Irak, de même que l’axe routier Bagdad-Koweït long d’un millier de km par où transite le ravitaillement des troupes américaines via cette ville portuaire qui constitue avec le terminal de FAO, l’un des deux débouchés maritimes de l’Irak.
Merci pour cette excellente analyse.
J’avais aussi lu ceci qui est intéressant :
The Mossad’s role in the Kurdish Independence movement
September 28, 2017
https://israelpalestinenews.org/secret-friendship-behind-israels-support-kurdish-independence/