Radioscopie de la France : Plaidoyer pour la grandeur de la France et non sa mégalomanie 4/5

Radioscopie de la France : Plaidoyer pour la grandeur de la France et non sa mégalomanie 4/5 1920 1080 René Naba

Dernière mise à jour le 13 décembre 2021

36 ans après, une visibilité accrue mais marginale.

Trente-six ans après «La Marche des Beurs», en 1983, qui devait inaugurer l’entrée en scène, au plan politique, de la 3me génération issue de l’immigration, le fait arabe et musulman a décuplé de sa visibilité en France avec le foisonnement d’individualités, mais cette visibilité accrue dans les divers domaines du sport, de l’art et des médias, demeure marginale, en ce que cette présence se situe hors du cercle décisionnaire du pouvoir, hors champ du domaine fondamental, comme entravée par un plafond de verre infranchissable.

Les raisons de cette marginalité sont multiples tenant à des raisons endogènes propres à la France et à son histoire; d’autres exogènes en rapport, d’une part, avec la projection politique de l’Islam, à tout le moins les régimes politiques se réclamant de cette religion ou de cette idéologie et leurs répercussions en France, et, d’autre part, au comportement du leadership musulman en France de même qu’à la stratégie individualiste opportuniste de bon nombre de ses membres.

Un débat cyclique

Le débat est cyclique, comme une fuite en avant, comme pour détourner l’attention sur les graves problèmes structurels de la France, le déficit abyssal de ses finances publiques, la faillite et l’impunité de ses élites, la délitescence de son tissu social, la docilité de sa presse, l’inconsistance du débat public inter partisan, la nécrose de ses circuits de décision, comme en témoigne le déclassement de la France au 6eme rang des puissances économiques mondiales, en 2017, désormais surpassée par l’Inde, une ancienne colonie occidentale, un dépassement survenu, symptomatiquement, le jour de la victoire des «Bleus» au Mundial de Russie en 2018.

Le débat est cyclique sur une thématique unique dans ses diverses déclinaisons, le voile, la burqa, les minarets, le rôle positif de la colonisation, comme une fuite en avant, comme pour occulter l’essentiel, la dette d’honneur de la France à l’égard de ses immigrés, tant pour la défense de son indépendance, –à deux reprises au cours d’un même siècle, durant les deux guerres mondiales, fait rarissime dans l’histoire–, que pour leur contribution au rayonnement de la France à travers le Monde.

L’œuvre salutaire qu’il est prioritaire d’initier est non un travail d’exaltation chauvine propice à tous les débordements, mais un travail de «déconstruction» des mythes fondateurs de la grandeur française, une lecture fractale de l’histoire de France, afin de fonder l’identité nationale sur une connaissance concrète et non sublimée de l’histoire de France et de cimenter l’unité nationale par la prise en compte des diverses composantes de la population nationale et non sur la stigmatisation du métèque.

Sauf à abdiquer devant les tenants de l’anglo-sphère, sauf à se draper dans un splendide isolement, sauf à se voiler la face dans un splendide aveuglement, le débat ne saurait se réduire à un duel narcissique entre la France et elle-même s’offrant en spectacle au reste du monde, au nom de l’exception française, mais à un débat sur le positionnement de la France au sein de son bassin naturel de déploiement, la Francophonie, gage de son rayonnement et justificatif de son statut de grande puissance, membre permanent du conseil de sécurité.

De l’Identité française

L’identité française, son honneur et sa grandeur se vivent et se revendiquent dans le «rôle positif» de la colonisation avec le Docteur Albert Schweitzer de Lambaréné (Gabon), et, dans les 955.491 soldats coloniaux de l’outre-mer qui ont combattu pour la France durant les deux guerres mondiales (1914-1918, 1939-1945), dont 113.000 «indigènes de la République» tombés sur le champ d’honneur, abreuvant durablement les sillons de France de leur «sang impur».

Cent treize mille (113.000) indigènes morts pour la France, soit autant que la population conjuguée des villes de Dreux, de Vitrolles et d’Orange, les trois anciens fiefs du Front National, sans qu’il ait été question alors de «seuil de tolérance», encore moins de test ADN, ou de charters de la honte, mais de sang à verser à profusion.

L’identité française se vit et se revendique dans «le privilège de la terre de France», qui affranchissait tout esclave dès l’instant qu’il foulait le sol de France, la France terre d’asile et non dans la France de la «Venus Hottentote» et des «zoos humains». Dans la France de Valmy et du Pont d’Arcole et non dans celle du sabordage de la flotte française de Toulon ou de l’expédition punitive de Suez. Dans la «France Libre» et non dans la France de Sétif (Algérie), de Thiaroye (Sénégal) ou du Haut Sanaga (Cameroun).

Dans la France des convictions républicaines et non dans celle des transfuges cosmopolites qui déconsidèrent l’engagement politique.

Dans le Préfet Jean Moulin et non le Préfet Maurice Papon, dans les métèques du Groupe Manouchian, ces parias de l’Affiche rouge, et non dans la France vichyste, complice du nazisme, dans Guy Môquet et non dans son dénonciateur, le ministre de l’intérieur de l’époque, et ses sbires de la police française, pourvoyeurs de ses bourreaux allemands.

Dans le général Jacques Pâris de la Bollardière, la conscience de l’armée française durant la guerre d’Algérie (1956-1962) et non dans les tortionnaire des maquisards algériens. Dans le porteur de valise Francis Jeanson, et, non dans le porteur de sac de farine médiatique, Bernard Kouchner, le soutien affairiste des dictateurs africains et des équipées sécessionnistes du pacte Atlantique du Darfour au Kurdistan à la Libye et à la Syrie.

Dans la France du discours de Pnom Penh (Charles de Gaulle) et de Cancun (François Mitterrand) et non dans la France du discours de Dakar sur l’homme africain «pas encore entré dans l’histoire» (Nicolas Sarkozy) et du discours de Tunis fondateur de l’Union Pour la Méditerranée sur la division raciale du travail entre Français et arabes sur le pourtour méditerranéen (Nicolas Sarkozy ibidem).

Dans la France de la belle langue révolutionnaire française de Voltaire, d’Aimé Césaire, de Franz Fanon, de Léopold Sedar Senghor et de Kateb Yacine qui portent en eux le rayonnement de la France et non dans celle du «Casse-toi pauv’con», ce verlan argotique si détesté du si détestable Nicolas Sarkozy pour ses excès de langage et de comportement.

Dans la France de l’Abbé Pierre et non dans celle d’un Brice Hortefeux, celle d’ «un auvergnat ça va, mais quand il y en trop, bonjour les dégâts», un Brice Hortefeux, champion de la lutte contre l’antisémitisme, un prix décerné par l’organisation irrédentiste pro israélienne «Union des Patrons Juifs de France» (UPJF), illustration pathétiquement caricaturale d’une grave inversion des valeurs, indice patent d’une grave confusion mentale.

Dans la France de Yannick Noah (Roland Garros 1982) et de Zinedine Zidane (Mundial 1998) et de Kylan Mbappé Mundial 2018) de «l’équipe de foot black, black, black, risée de l’Europe» (Alain Finkielkraut), mais néanmoins fierté de la France, dans la France de l’acteur Omar Sy, le personnage préféré des Français en 2016-2017 et non dans la France des cités «pure white, blancos» de l’ancien Maire d’Evry, ancien premier ministre renégat du socialisme, Manuel Valls. Dans la France du mathématicien insoumis et supplicié Maurice Audin et non dans celle du Général Paul Aussaresses, le commando Zéro de sinistre mémoire.

Dans la France de Claude Levy Strauss (Tristes Tropiques) et non dans celle de Philippe Val, artisan d’une sournoise tentative de révisionnisme historique anti arabe.

Dans la France d’Emile Zola (J’accuse) et non dans celle d’Eric Zemmour, prompt à fustiger la criminalité basanée (Noirs et Arabes) mais muet comme une carpette à l’égard de la criminalité en col blanc. Dans la France d’André Malraux de l’escadrille «Espagna» et non dans celle du philo mondain Bernard Henry Lévy, propulseur de la Charia en Libye dans son serment de Toubrouk».

Pour aller plus loin sur ce thème:

https://www.renenaba.com/philippe-val-ou-le-revisionnisme-anti-arabe-en-guise-de-fond-de-commerce/

Dans ce contexte, la lecture publique de la lettre du jeune résistant communiste fusillé Guy Mocquet aurait pu avoir valeur pédagogique et thérapeutique si cet exercice s’était accompagné de la dénonciation de ses bourreaux, en l’occurrence la police française, la police, c’est à dire, le socle du pouvoir sécuritaire de l’ancien président Sarkozy et de l’ancien premier ministre Manuel Valls.

Une telle dénonciation aurait été perçue comme un acte de courage et de responsabilité et non telle qu’elle s’est déroulée, comme une opération de falsification de l’histoire, un exercice de récupération démagogique, un acte de détournement mémoriel.

La notion d’identité nationale apparaît dans cette perspective comme une notion relative. Pour sa pérennité, l’identité nationale doit se fonder sur des valeurs universelles, immuables et non variables en fonction des considérations électoralistes.

Le débat gagnerait d’ailleurs en clarté si la confusion n’était entretenue au plus haut niveau de l’Etat par le premier magistrat de France, en nommant un réserviste de l’armée israélienne, Arno Klarsfeld, au poste de conseiller en pleine guerre de destruction israélienne du Liban (Juillet 2006) ou en confiant à un dirigeant de l’American Jewsih Committee, Valérie Hoffenberg, la charge de suivre, pour le compte de la France, les négociations israélo-palestiniennes.

Un président qui fantasme sur «les moutons que l’on égorge dans les baignoires» qui quête néanmoins régulièrement l’hospitalité des baignoires des palais royaux arabes, de Doha à Rabat, prenant l’initiative de stigmatiser une composante de la population pour des motifs inavoués bassement électoralistes.

A ce titre “les moutons que l’on égorge dans les baignoires” (Nicolas Sarkozy), tout comme «les bruits et les odeurs des familles immigrées» génésiquement prolifiques (Jacques Chirac) demeureront une tache indélébile du discours politique français et déshonorent leurs auteurs. A n’y prendre garde, elles ouvriraient la voie à des dérives fascisantes du comportement politique français.

Que l’on se détrompe, n’en déplaise une fois de plus aux scribouillards salonnards, les basanés de France sont là et bien là, durablement ancrés dans le paysage politique et social français, eux dont «le rôle positif» n’a jamais été célébré avec solennité, sinon que d’une manière incidente quand il n’a pas été plus simplement nié ou controversé.

En France, non pas leur pays d’accueil, mais leur pays d’élection. Déterminés à défendre la haute idée qu’ils ont de la France et que la France veut donner d’elle-même au Monde, déterminés à défendre la grandeur de la France et non sa mégalomanie, sa grandeur et non son nanisme politique.

A combattre tous ceux qui fragilisent l’économie par une gestion hasardeuse, tous ceux qui discréditent la politique par une connivence sulfureuse. Tous ceux qui polluent l’image de la France, à coups d’emplois fictifs et de responsabilité fictive, d’ «évaporations de recettes», de rétro commissions et de frais de bouche, de délits d’initiés et d’abus de biens sociaux. Ces messieurs des frégates de Taiwan, de Clearstream et d‘Angolagate. Du Crédit Lyonnais et de la Compagnie Générale des Eaux. D’Elf Aquitaine et d’EADS, d’Executive Life et de Pechiney American-Can. Des marchés d’Ile de France et de HLM de Paris, de la MNEF et d’Urba-Gracco. De Bygmalion et de la Libyan connection de Paul Bismuth.

Ceux qui dévalorisent leur justice à coups d’affaires d’Outreau, d’écoutes téléphoniques illégales, de tri sélectif et de «charters de la honte». Qui dévalorisent leurs nationaux à coups de bougnoule et de ratonnades, de racaille et de Karcher.

Contre la «France d’en bas» qui gouverne le pays, la France des basses manœuvres et des bas calculs, des «zones de non droit et de passe-droits», des nominations de complaisance, des appartements de fonction et des «frais de bouche». La France qui refuse de donner un coup de pouce au SMIC, mais qui exacerbe l’antagonisme social en confortant dans leurs richesses les plus nantis les dotant d’un «bouclier fiscal» en pleine tourmente bancaire.

La France qui «cristallise» à sa portion congrue, les retraites des anciens combattants «basanés» de l’armée française. La France qui gèle les pensions des retraités français, pour gorger de «stock-options et de parachutes dorés» des patrons repus ou des gérants en déconfiture.

Les entreprises du CAC 40 ont distribué 106 milliards d’euros à leur actionnaires en 2 ans, de quoi réduire substantiellement la dette publique française et alléger les charges des futures générations. En 2016, 55,7 milliards de dividendes et de rachats d’actions d’euros ont eté enregistrés, et 50,9 milliards, en 2017. Un mouvement qui témoigne de l’amélioration de la santé financière des pensionnaires du CAC 40, mais pas nécessairement les conditions de vie des chômeurs longue durée, ni des simples travailleurs salariés.

La France qui recycle la forfaiture dans l’honorabilité, propulsant au Conseil d’Etat, le temple de la vertu républicaine, en guise de rétribution pour services rendus dans la diversion de la justice, tel ministre de la justice, passé dans l’histoire comme le plus célèbre intercepteur d’hélicoptères des annales judiciaires internationales, Jacques Toubon, désormais médiateur assagi de la République.

Un capé de la République à la juridiction suprême, le Conseil Constitutionnel, pour avoir cautionné le terrorisme islamique du «Jabhat An Nosra», la filiale syrienne d’Al Qaida, «qui fait du bon boulot en Syrie» (Laurent Fabius).

En un mot contre cette posture du mépris et de l’irresponsabilité, la singulière théorie du «fusible à la française» qui exonère le responsable de toute responsabilité en ce qu’il est «responsable mais pas coupable» par une sorte de privilège anti-démocratique tirant sa justification dans une idéologie proto fasciste inhérente à un pan de la culture française.

Contre la criminalisation du politique, cet état de fait symptomatique de la France contemporaine, comme en témoigne «Le casier judiciaire de la République» au bilan édifiant où l’on dénombrait rien que pour la décennie 1990, neuf cent (900) élus mis en examen soit pour délinquance financière, soit pour atteintes aux biens et aux personnes y compris les crimes sexuels, alors que la «tolérance zéro» à l’égard de la criminalité en col blanc se devrait d’être pourtant un impératif catégorique de l’ordre républicain en vertu du principe de l’exemplarité de l’Etat.

Un casier qui s’est enrichi de prestigieuses contributions du calibre de Dominique Strauss Khan, ancien Directeur du Fonds Monétaire International, et de Jérome Cahuzac, l’évadeur fiscal émérite, deux représentants non de la quintessence du socialisme mais de sa déliquescence, co-fossoyeurs du Parti de Jean Jaurès, au même titre que le socialo motoriste François Hollande et le renégat Manuel Valls.

Jamais pays n’a paru plus soucieux de magnifier son passé. Toutes les déclinaisons du calendrier défilent en commémoration: Bimillénaire du baptême de Clovis (1996), qui marque le ralliement de la France à la Chrétienté, 1500 me anniversaire de la proclamation de l’Édit de Nantes (1598), qui a mis fin à la guerre religieuse entre Catholiques et Protestants, Bicentenaire de la Révolution Française (1989), cent cinquantième anniversaire de l’abolition de l’esclavage (Mai 1998), Centenaire du manifeste accusateur d’Émile Zola contre la ségrégation politico religieuse («J’accuse», Janvier 1998), soixantième anniversaire de la libération de la France, cinquantenaire anniversaire de la V me République, enfin quarantième anniversaire de la révolte étudiante de Mai 1968…

Comme si la France voulait compenser son repli frileux sur elle-même en puisant dans sa gloire passée l’espérance de son avenir.

Loin de participer d’une hypermnésie culpabilisante, le débat s’impose tant sur la contribution des «peuples basanés» à la libération du sol français, que sur leur apport au rayonnement de leur pays d’accueil, en guise de mesure de prophylaxie sociale sur les malfaisances coloniales et postcoloniales dont l’occultation pourrait éclairer les dérives répétitives de la France, telles que -simple hypothèse d’école ?- la correspondance entre la trop longue amnésie sur les «crimes de bureau» de 1940-1944 et l’impunité régalienne de la classe politico administrative sur les scandales financiers de la fin du XX me siècle, ou la corrélation entre la déroute de l’élite bureaucratique de 1940 et la déconfiture de l’énarchie contemporaine.

«Si une France de 45 millions d’habitants s’ouvrait largement, sur la base de l’égalité des droits, pour admettre 25 millions de citoyens musulmans, même en grande proportion illettrés, elle n’entreprendrait pas une démarche plus audacieuse que celle à quoi l’Amérique dut de ne pas rester une petite province du monde anglo-saxon», prophétisait, déjà, en 1955, Claude Lévi-Strauss en un saisissant résumé de la problématique postcoloniale dans laquelle se débat la société française depuis un demi-siècle (Claude Lévy Strauss «Tristes Tropiques»).

La rationalité cartésienne, transcendance symbiotique de l’intelligence athénienne et de l’ordre romain, quintessence de l’esprit critique, aura ainsi engendré des monstruosités dans ses moments d’assoupissement. Nul pays n’est à l’abri de telles dérives devant les grands bouleversements de l’histoire et l’ingratitude passe pour être une loi cardinale des peuples pour leur survie.

Mais l’exception française si hautement revendiquée d’une nation qui se réclame de la grandeur est toutefois antinomique d’une culture de l’impunité et de l’amnésie, une culture érigée en un dogme de gouvernement et, à ce titre, incompatible avec la déontologie du commandement et les impératifs de l’exemplarité.

N’y voyons aucune interférence partisane ou électoraliste, mais quiconque soucieux du rang de la France, -Français de souche ou Français de choix-, se doit de se livrer à une telle introspection, une mesure de salubrité publique, tant il est vrai que l’histoire d’aujourd’hui est la mémoire de demain et qu’il importe d’être vigoureux dans la dénonciation des dérives contemporaines pour prévenir de douloureuses réminiscences de la mémoire future.

Les explications culturalistes masquent mal une survivance d’une forme d’ethno-graphisme colonial, qui explique la sur-réaction psychologique des faits arabes et musulmans dans l’opinion occidentale, particulièrement française, au-delà de la prégnance d’un comportement néocolonialiste dans l‘approche des problèmes du Monde arabo africain, particulièrement en France.

Précurseur de la laïcité avec la prescription du calife Omar «Ad Dine Lil lah Wal Watan Lil Jamih» – «La religion relève de Dieu et la Patrie appartient à tous ses citoyens»-, la gouvernance musulmane s’est laissée subvertir par une rigidité doctrinale sous tendue par une forme de religiosité biaisée au point de se laisser dépouiller de ce privilège par la France. Mais un siècle après l’instauration de la laïcité en France, le concept vieillit mal et montre ses limites, qu’il importe de régénérer.

Un dialogue pour être véritable ne s’instaure que par le haut et non à coup de stigmatisations et de «bas-coups». Plutôt que de souscrire aux sommations, auquel il est convié à chaque soubresaut terroriste, plutôt que de battre sa coulpe pour des comportements dont il n’est personnellement nullement responsable, voire totalement étranger en tant que citoyen, le musulman, pour sa part, se doit d’opérer une réadaptation de son positionnement vis à vis du schéma occidental afin de rendre accessible à l’opinion occidentale ses motivations, notamment ses objections à une politique de mépris et de culpabilisation.

Epilogue : De la Religion et des guerres de religion.

Espace de communion et d’exclusion, la religion est un espace concurrentiel. L’instrumentalisation de la religion à des fins politiques est une constante de l’histoire. Toutes les religions y ont eu recours, dans toutes leurs déclinaisons, que cela soit la guerre de conquête de la chrétienté en Amérique latine ou les Croisades vers le Monde arabe, ou bien à l’inverse, la conquête arabe vers l’Asie, vers la rive méridionale de la Méditerranée ou l’Afrique.

Guerre de religion au sein de l’espace occidental de la chrétienté (entre Protestants et Catholiques en France ou en Irlande du Nord), ou guerre de religion au sein de l’espace musulman (entre Sunnites et Chiites), ou enfin le sionisme, la forme la plus moderne de l’instrumentalisation de la Bible à des fins politiques par la mise en œuvre de la notion du retour à Sion, sur les débris de la Palestine.

La religion n’est pas condamnable en soi. Ses dérives si en ce que la piété n’exclut ni l’intelligence, ni le libre arbitre. Elle n’interdit pas l’esprit critique. Elle ne saurait, en tout état de cause, se dévoyer dans des causes desservant l’intérêt national.

Mais nul part ailleurs qu’au sein du leadership sunnite arabe, l’instrumentalisation de la religion n’a autant dévié de son objectif, desservant la cause arabe, au bénéfice de ses commanditaires, les États-Unis, le meilleur allié de leur principal ennemi, Israël.*

Le djihadisme erratique takfiriste a consolidé, par ricochet, Israël, en ce qu‘il a consolidé dans l’imaginaire occidental l’idée d’une barbarie musulmane et justifier, par ricochet, et l’intransigeance israélienne et la phagocytose de la Palestine et l’arabophobie et l’islamophobie dans les pays occidentaux.

Si La prophétie est divine, son interprétation est humaine. La chrétienté a purgé le passif des guerres de religions et la réconciliation s’est opérée entre Catholiques, Orthodoxes et Protestants, entre Juifs et chrétiens. Ne subsiste que la guerre sunnite chiite qui tétanise l’ensemble arabo musulman.

Le Monde arabe ne constitue pas, loin s’en faut, un groupement ethnique homogène: Machreq-Maghreb, Arabes-Kabyles-Kurdes, Chrétiens-Musulmans, Sunnites-Chiites relèvent de la même géosphère culturelle du Monde arabe, majoritairement musulmane, majoritairement sunnite, majoritairement arabophone.

Ce fait irréfutable se doit d’être pris en compte par le leadership sunnite et le conduire à dépasser les clivages historiques pour atteindre un «seuil critique» à l’effet de peser sur les relations internationales et de conduire le Monde arabe vers sa renaissance et non de le précipiter vers un déclin irrémédiable.

La constitution d’une masse critique impulserait une dynamique à l’effet d’induire une structure paritaire dans ses rapports avec l’Europe, et partant, des rapports d‘égalité entre les deux rives de la Méditerranée.

La caste intellectuelle arabe et musulmane de la diaspora occidentale pâtit lourdement d’un phénomène de désorientation, la marque typique de l’acculturation, sur fond d’une décompression psychologique et d’une déperdition intellectuelle morale. Un naufrage humain.

Il lui incombe de refuser de cautionner la démocratie formelle représentée par la diplomatie de la Ligue arabe en ce que le Monde arabe est captif des pétromonarchies et le Monde musulman, otage du wahhabisme; un double handicap qui accentue la servitude de l’ensemble arabo musulman à l’ordre atlantiste et le marginalise dans la gestion des affaires du Monde.

Les monarchies arabes disposent d’une majorité de blocage régentant de ce fait le Monde arabe. Circonstance aggravante, les six pétromonarchies sont adossées chacune à une base militaire occidentale, alors que la Jordanie et le Maroc sont deux alliés souterrains d’Israël, Les Comores, un confetti de l’empire français et Djibouti abrite sur son sol une base américaine et une base française.

Ni les pétromonarchies du Golfe, ni la Jordanie, ni Djibouti ou les Comores n’ont mené une guerre de libération dont l’indépendance a été octroyée par leurs colonisateurs. Un déséquilibre structurel calamiteux pour la définition d’une stratégie du Monde arabe. La quête du savoir technologique et l’accession à la modernisation économique ne sauraient être compatibles avec un autoritarisme à soubassement rigoriste.

De même la personnalisation du pouvoir ne saurait, à elle seule, servir de panacées à tous les maux de la société arabo musulmane, ni la déclamation tenir lieu de substitut à l’impérieuse nécessité d’une maîtrise de la complexité de la modernité. Ce qui implique une nécessaire mais salutaire remise en cause de la «culture de gouvernement» dans les pays arabes.

Ce qui présuppose «une révolution dans la sphère culturelle», au sens où l’entend Jacques Berque, c’est à dire «l’action d’une société quand elle se cherche un sens et une expression».

Pour l’intellectuel, un réinvestissement du champ du débat par sa contribution à la production des valeurs et au développement de l’esprit critique. Pour le citoyen, la conquête de nouveaux espaces de liberté.

Pour le Monde arabo musulman, la prise en compte de ses diverses composantes, notamment ses minorités culturelles et religieuses, et, surtout, dernière et non la moindre des conditions, le dépassement de ses divisions

In fine, la fonction d’un bi national n’est pas d’être le porte-voix de son pays d’accueil, ni son porte-serviette, mais d’assumer avec vigueur la fonction d’interface exigeant et critique. Un garde-fou à des débordements préjudiciables du pays d’origine et du pays d’accueil.

Dans l’intérêt bien compris des deux camps, le partenariat bi national se doit de se faire, sur un pied d’égalité et non sur un rapport de subordination de l’ancien colonisé, le faisant apparaître comme le supplétif de son ancien colonisateur. L’alliance du Faible au Fort tourne toujours à l’avantage du Plus Fort.

De la même manière, le devoir d’un intellectuel arabe et musulman dans la société occidentale est de faire conjuguer Islam et progressisme et non de provoquer une abdication intellectuelle devant un islamisme basique, invariablement placé sous les fourches caudines israélo-américaines.

La plus grande erreur de l’Occident est d’avoir toujours voulu coexister avec des «Arabes domestiqués» dans la plus grande tradition coloniale.

Trente-six ans après la «Marche des Beurs pour l’Egalité», une «Marche pour pour la dignité a été organisée en France le 17 Mars 2018 pour réclamer une égalité de traitement. Un éternel recommencement?

Le Monde arabe n’a pas vocation à servir de défouloir à la pathologie belliciste occidentale. Et la communauté arabo musulmane de l’Europe occidentale et des Etats Unis -en contact quotidien, permanent et direct avec la société occidentale-, se doit d’être le levain et le levier d’une si nécessaire renaissance du Monde arabe et Musulman et non la force supplétive des guerres d’autodestruction du Monde arabe et de sa prédation économique par le bloc atlantiste.

René Naba

Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l'AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l'information, membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme et de l'Association d'amitié euro-arabe. Auteur de "L'Arabie saoudite, un royaume des ténèbres" (Golias), "Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l'imaginaire français" (Harmattan), "Hariri, de père en fils, hommes d'affaires, premiers ministres (Harmattan), "Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David" (Bachari), "Média et Démocratie, la captation de l'imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l'Association d'amitié euro-arabe. Depuis 2014, il est consultant à l'Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l'Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Editorialiste Radio Galère 88.4 FM Marseille Emissions Harragas, tous les jeudis 16-16H30, émission briseuse de tabous. Depuis le 1er septembre 2014, il est Directeur du site Madaniya.

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Un commentaire
  • Respect camarade. Il faudrait envoyer ce contenu à tous les membres de la Chambre des Députés et celle du Sénat.
    Bon courage
    Cléobouliné