Dernière mise à jour le 5 décembre 2019
In Memoriam Nasser As Said, le premier dans l’ordre des suppliciés saoudiens de l’époque contemporaine, le véritable père spirituel de l’opposition saoudienne.
Sauf retournement spectaculaire, l’Arabie saoudite devrait accueillir le sommet annuel du G20 en novembre 2019 à Riyad, dans une tentative des grands décideurs économiques de la planète – les pays occidentaux, la Chine et la Russie-, de procéder à la réhabilitation diplomatique de la dynastie Wahhabite, un an après l‘équarrissage du journaliste saoudien Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul.
Six mois après le sommet économique de Manama, le 26 juin 2019, chargé d’enfouir la question palestinienne sous un flot de promesses fallacieuses, dans un pays, le Bahreïn qui constitue un concentré de toutes les turpitudes, le sommet de Riyad marque, dans l’ordre symbolique, le summum de l’asservissement des pays industrialisés à la «Carbon Democracy», et pour les états arabes, le summum de l’asservissement à l’imperium israélo-américain.
Pour aller plus loin sur Bahreïn
Pour les Etats Unis, la tenue de ce premier sommet du G20 en terre arabe (21-22 Novembre) dans la capitale saoudienne, à un an des prochaines élections présidentielles américaines, en dépit des réticences de l’opinion et de l’establishment américains, équivaudrait à un satisfecit américain à l’égard d’une dynastie outrageusement complaisante dans la promotion d’une transaction du siècle aboutissant à un bradage de la question palestinienne.
Pour le groupe de Shanghai –la Chine et la Russie- d’engranger les bénéfices d‘une position traditionnelle fondée sur le refus des ingérences dans les affaires intérieures d’un pays souverain, qui devrait de leur point de vue, accentuer la distanciation des rapports entre les Etats Unis et l’Arabie saoudite, fortement ébranlées par l’affaire Khashoggi.
Le G20 réunit 19 puissances économiques ainsi que l’Union européenne. Il représente deux tiers de la population mondiale, 85% de la production économique mondiale et 75% du commerce mondial.
1 – L’attaque contre les installations de l’Aramco
Toutefois, l’époustouflante attaque contre les installations de l’ARAMCO, le géant pétrolier saoudien, le 14 septembre dernier, a révélé aux yeux du Monde, la fragilité du Royaume, l’impéritie de ses dirigeants tant dans la défense de leur territoire que contre le Yémen, qu’ils ont outrageusement agressé depuis cinq ans. Cette spectaculaire attaque risque ainsi de faire capoter l’opération de renflouage du Royaume. Comparable par son retentissement au raid terroriste du 11 septembre 2001 contre les symboles de l‘hyperpuissance américaine, ce raid a retenti comme une humiliation suprême infligée au leadership saoudien et mis en question la gestion erratique du si controversé prince héritier saoudien Mohamad Ben Salmane.
Entouré de voisins hostiles ou d’amis blessés, son protecteur américain, en guerre de survie avec la Chine, de plus en plus réticent désormais à supporter à bout de bras un allié encombrant et défaillant, l’Arabie saoudite apparaît désormais comme un lourd fardeau. Devant cette sombre conjoncture, la seule issue qui subsiste à la dynastie wahhabite est la fuite en avant et son placement sous la protection d’Israël, l’usurpateur de la Palestine. Pathétique épilogue d’un égarement
Au-delà des dégâts matériels et psychologiques, la destruction des installations pétrolières saoudiennes a entrainé le report de l’entrée en bourse de l’Aramco, la plus grande introduction en bourse de l’Histoire, à 2020-2021
2 – Les rumeurs à propos de l’empoisonnement de Saoud Al Qahtani
En prévision de ce sommet, la rumeur de la mort de Saoud Al Qhatani, exécuteur des basses œuvres du prince héritier saoudien Mohamad Ben Salmane, a circulé avec insistance, en septembre 2019, sans que cette information ne soit confirmée ou que les circonstances de sa mort présumée ne soient élucidées.
Quoiqu’il en soit, le dégagement de la scène publique saoudienne du chef de l’escadron de la mort qui a procédé à la liquidation du journaliste saoudien Jamal Kashooggi au consulat saoudien à Istanbul, le 2 octobre 2018, devrait, dans l’esprit des auteurs de cette disparition, réduire la pression sur le prince héritier concernant le châtiment de l’auteur de cet équarrissage en évacuant l’évocation lors du G20 de ce sujet embarrassant pour le trône wahhabite.
Twitter a supprimé le 20 septembre le compte de ce sinistre personnage en même temps que ceux 4.258 comptes hébergés aux Emirats Arabes Unis spécialisés dans la diffusion de fausses informations particulièrement contre l’Iran et le Qatar. Le toilettage de la toile a concerné en outre 267 comptes opérant notamment depuis l’Egypte et Abou Dhabi, notamment un compte géré par la firme DOT DEV.
Pour aller plus loin, cf à ce propos ce lien de la chaîne libanaise Al Mayadeen pour le lectorat arabophone.
Ci-joint à propos de Saoud al Qahtani, l’analyse de Madawi Ar Rachid, politologue saoudienne réfugiée à Londres et l’une des meilleures analystes des affaires saoudiennes.
Parallèlement à l’artifice visant à évacuer du débat public le cas de Saoud Al Qahtani, et afin de purger le contentieux latent entre l‘Arabie saoudite et ses protecteurs occidentaux, les Etats Unis ont exercé une pression maximale pour inciter le Royaume saoudien et son allié des Emirats Arabes unis à engager des négociations avec les Houthistes, les contestataires victorieux de l‘hégémonie wahhabite sur la péninsule arabique, en vue de dégager tant les Saoudiens que leurs alliés américains et français du bourbier yéménite, si préjudiciable à leur image.
3 – Décapitation collective de 37 personnes à la veille du Ramadan 2019
Au lendemain de l‘annonce de la tenue du G20 en Arabie saoudite, et à la veille du Ramadan, le mois sacré du jeune en Islam, l’Arabie saoudite a mis à mort, mardi 23 avril 2019, 37 de ses citoyens condamnés pour « terrorisme ».
Cette exécution de masse a concerné des personnes reconnues coupables d’avoir adopté la pensée terroriste extrémiste » et d' »avoir formé des cellules terroristes ». Certaines ont été accusées de « sédition confessionnelle », un terme généralement utilisé en Arabie saoudite pour les militants chiites.
Ces exécutions portent à plus de 100 le nombre de personnes mises à mort en Arabie saoudite depuis le début de l’année, selon un décompte établi à partir de communiqués officiels. Selon Amnesty International, le royaume figure dans le peloton de tête des pays qui appliquent la peine de mort dans le monde.
Dans son rapport mondial sur la peine de mort pour l’année 2018, l’organisation indique que derrière la Chine (qui ne publie pas de statistiques), les pays ayant eu le plus massivement recours aux exécutions sont l’Iran (253), l’Arabie saoudite (149), le Vietnam (85) et l’Irak (52).
Ce texte est la synthèse de deux contributions d’intellectuels arabes de renom Rifaat Sayed Ahmad (Egypte) sur Nasser As Said, chef historique de l’opposition anti monarchique saoudienne et Jaafar Al Bakli, universitaire tunisien, chercheur sur les questions de l’Islam, spécialiste de l’histoire politique des pays arabes, notamment les pays du Golfe, chroniqueur au quotidien libanais « Al Akhbar».
Deux contributions dont l’adaptation en version française a été assurée par René Naba, directeur du site https://www.madaniya.info/
A l’attention des locuteurs arabophones, la version arabe de ce texte se situe dans le prolongement de la version française.
Il est publié à l’occasion de la commémoration du 1 er anniversaire de la décapitation du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, le 2 octobre 2018, au consulat saoudien d‘Istanbul, en dépit de l’opposition frontale de la rédaction de https://www.madaniya.info/ à ce sinistre personnage, en dépit des vives préventions du site à l’égard de ce compagnon de route du terrorisme islamique, de même que son rôle de «sous-marin» auprès des «arabes afghans» qu’il pistait et fichait pour le compte de ses employeurs saoudiens dans la décennie 1980 lors de la guerre anti soviétique d’Afghanistan;
Ses sympathies à l’égard de Jabhat An Nosra et sa mansuétude vis-à-vis de Daech notamment ne sauraient justifier son supplice par ses anciens employeurs. Sur ce lien, le rôle du journal Al Sharq Al Awsat, propriété du Roi Salmane, dans la collecte de fonds pour le djihad afghan https://www.madaniya.info/2016/03/08/salmane-israel-2-3-moujtahed-acte-3/
Et sur ce lien, le rôle de Jamal Khashoggihttps://www.madaniya.info/2018/10/19/arabie-saoudite-jamal-khashoggi-non-un-parangon-de-la-liberte-de-la-presse-mais-un-pur-produit-de-la-matrice-wahhabite-takfiriste
Fatale à son destin, le mariage de Jamal Khashoggi avec sa fiancée turque devait en fait sceller la nouvelle alliance du féal saoudien avec les rivaux de ses anciens maitres, son basculement dans le camp Turquie-Qatar, qui projetait de lui confier la direction d‘une nouvelle chaine transfrontière au niveau de la sphère sunnite, à l’effet d’épauler la diplomatie néo-ottomane à projection califale du vorace président néo-islamiste de Turquie Recep Tayib Erdogan.
Un crime de lèse-majesté déclenchant la sanction inéluctable : Un meurtre de sang-froid, par préméditation; Une élimination par exécution extrajudiciaire par ses commanditaires, la dynastie wahhabite.
Le G 20 de Riyad sera d’ailleurs l’occasion de la première rencontre entre le Roi d’Arabie et le président turc depuis l’assassinat de journaliste saoudien proche de la Turquie.
4- Les escadrons de la mort du Prince héritier
Un an avant la liquidation du journaliste saoudien, Mohamad Ben Salmane avait constitué un escadron de la mort chargé de faire taire l’opposition à sa personne, soit par assassinat, soit par enlèvement et torture.
Sous la supervision de Saoud Al Qahtani, conseiller spécial de MBS ayant rang de ministre à la Cour Royale, et le commandement opérationnel d’un homme du renseignement, Maher Abdel Aziz Al Moutreb, la «brigade d’intervention rapide», a été l’exécutant des basses œuvres du prince, notamment l’équarrissage de Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul, le 24 octobre 201I8, et le retour forcé d’opposants saoudiens en Arabie.
Saoud Al Qahtani, par ailleurs chargé de la guerre électronique du Royaume contre ses détracteurs, a été dispensé de ses fonctions après la révélation du scandale Khashoggi. Maher Al Moutreb, quant à lui, qui a participé à la strangulation de Jamal Khasoggi au consulat saoudien d’Istanbul, faisait office d’officier d’ordonnance de Mohamad Ben Salmane, l’accompagnait dans tous ses déplacements à l’étranger et veillait à sa sécurité. Il a été inculpé, fusible de son seigneur et maître.
L’affaire du Ritz Carlton, l’incarcération arbitraire de 300 personnalités du Royaume, sous couvert de lutte contre la corruption,-notamment le premier ministre en exercice Saad Hariri et le prince milliardaire Walid Ben Talal- était destinée à camoufler une opération visant à soustraire du lot les plus récalcitrant au prince héritier pour les diriger vers les palais royaux saoudiens en vue de les soumettre à la question.
Du crime, de son instrumentalisation et du chantage exercé à propos de Jamal Khashoggi.
5 – Du Bon usage dans la dynastie wahhabite
Le sabre n’entame pas la chair d’Al Saoud
السيف لا يأكل لحم آل سعود
Le sabre qui strie la bannière saoudienne sous-tendant le premier verset du Coran, illustre plus que le pétrole, plus que l’Islam, plus que tout, la dynastie wahhabite.
Si l’Islam assure une prééminence spirituelle du Royaume sur les autres pays arabes et musulmans, le pétrole une rente de situation matérielle à l’Arabie, le sabre demeure toutefois la marque de fabrique de la Famille Al Saoud. Le garant de sa survie.
Le Coran relève de l’ordre de la prophétie divine, le sabre permet le maintien de l‘ordre terrestre de la dynastie saoudienne, à tout le moins sur le territoire du Royaume.
C’est par le sabre que la famille Al Saoud a assuré sa domination sur les autres tribus de la péninsule arabique et réunifié le Royaume.
C’est par le sabre qu’elle assure sa domination sur les sujets du royaume. C’est par le sabre qu’elle tranche les violations à l’ordre public et assure la paix sociale
Le sabre n’entame pas la chair d’Al Saoud. Ce principe cardinal théorisé par le prince Sultan Ben Abdel Aziz, inamovible ministre saoudien de la défense pendant quarante ans, et père de Bandar Ben Sultan, le cappo di tutti cappi du terrorisme planétaire, assure impunité et immunité aux membres de cette turbulente famille de près de vingt mille membres.
Symbole de la conquête arabe, Al Saoud en ont fait un usage dérivé. La famille, -le clan?- gouverne par le sabre et survit grâce à lui. Ni repentance, ni rémission, ni réhabilitation, pas plus de peine afflictive qu’infamante.
Le châtiment corporel, seul, a droit de cité exclusive. Selon Amnesty International, l’Arabie saoudite aurait exécuté 27 personnes en 2008, neuf en 2009, quatre pour 2010 et 79 en 2011, soit un total de 119 exécutions en 4 ans.
Ce bilan ne tient pas compte des décapitations des années suivantes particulièrement du dignitaire religieux chiite le Cheikh Al Nimr, ni du dépeçage du journaliste Jamal Khashoggi, pourtant leur ancien passeur de plats.
https://www.madaniya.info/2017/12/08/dynastie-wahhabite-bradage-de-palestine-2-2/
6 – Le cas de Nasser As Said, «Le Saint du Désert»
Une étude de Rifaat Sayed Ahmad, Docteur en Philosophie et en Sciences politiques de l’Université du Caire, Directeur du Centre Yaffa des Etudes Stratégiques du Caire, auteur d‘une trentaine d’ouvrages sur l’islamisme politique et le conflit israélo-arabe, contributeur de la chaine de télévision libanaise Al Mayadeen.net https://www.almayadeen.net/
«J’ai traité son cas dans un ouvrage paru à sa mémoire intitulé «Le Saint du désert, Nasser As Said», Editions Ryad Ar Rayess – Beyrouth 1989.
«Les hommes de paille de l’Arabie saoudite ont raflé les exemplaires de cette édition à sa parution dans les librairies d’Egypte et du Liban pour soustraire le livre à la vente au public. L’opération a été rééditée à chacune des éditions de l’ouvrage.
Mais finalement le public a eu accès au livre et a pu prendre connaissance de cette affaire. Cette pratique est encore en vigueur en 2018.
«Nasser As Said, est incontestablement, du point de vue historique, le père spirituel de l’opposition anti monarchique saoudienne. Natif de Haël, ville d’Arabie saoudite située dans la province du même nom (au nord de la région du Najd), son lieu de naissance a été déterminant pour la suite de son parcours.
La ville, qui compte actuellement plus de 300.000 habitants, a été naguère la capitale d’un puissant émirat contrôlé par la famille Al Rachid, rivale d’Al Saoud.
«Nasser As Said est né le 2 novembre 1923, l’année qui a suivi la chute de la ville aux mains de la famille Al Saoud, le 29 Safar 1304 de l’hégire, correspondant au 2 novembre 1922 de l’ère chrétienne.
«Son entourage familial a perçu cette naissance, à l’instar de toutes les naissances intervenues cette année-là dans Haël, sans enthousiasme comme si sa famille souhaitait que cette ville conquise n’enregistre plus aucune naissance de crainte que les nouveaux nés ne tombent en captivité aux mains de ses conquérants.
«Dans cette ambiance de catastrophisme, Nasser As Said a grandi dans un climat révolutionnaire motivé par la colère de la défaite d’autant qu’une large fraction de sa famille aussi bien ses oncles paternels et maternels que ses tantes paternels et maternels ont trouvé la mort au cours des combats.
«Du récit de leur combat et de leur bravoure, il se forgea de solides convictions, une robuste volonté de résistance. Nasser As Said était un combattant nationaliste arabe aux convictions solidement ancrées à gauche, de sensibilité musulmane du fait de sa naissance saoudienne.
«Il a été arrêté, une première fois, à l’âge de 7 ans en compagnie de sa grand-mère. Dès son adolescence, il mènera le combat contre la corruption, parallèlement à la lutte syndicale et ouvrière…jusqu’à sa condamnation à mort en 1956.
«Alerté par le colonel Al Zib qui devait lui signifier son arrestation, Nasser s’enfuit du Royaume, mais le colonel Al Zib, sera lui, assassiné par empoisonnement quelques années plus tard en République Fédérale d’Allemagne (ex Allemagne de l’Ouest).
«En 1958, l’Arabie saoudite alloue un gros budget pour son assassinat. Gamal Abel Nasser lui offre l’hospitalité et le place sous sa protection. Au Caire, il sera affecté à l’animation d’un programme «Les ennemis de Dieu» au sein de la radio égyptienne «La Voix des Arabes».
«En 1962, lors du déclenchement de la révolution yéménite, il se rend dans la zone pour ouvrir une antenne de l’opposition yéménite en vue d’animer la lutte contre l’Imam Badr, soutenu par l’Arabie saoudite.
Il animera un programme «les disciples du diable» en même temps qu’il dirigera la lutte armée dans la région frontalière saoudo-yéménite. Il continuera son combat jusqu’à sa liquidation en 1979.
«Son livre «l’Histoire de la famille Al Saoud» demeure une référence en la matière.
«A la suite du soulèvement de La Mecque mené par Jouheimane Al Outeiby, suivi du soulèvement chiite dans le secteur oriental du Royaume, en novembre 1979, Nasser As Said quitte Damas pour Beyrouth pour défendre la cause des chiites saoudiens, multipliant dans la capitale libanaise, conférence de presse afin de sensibiliser l’opinion arabe et musulmane au sort de ses compatriotes chiites.
«En 1979, Nasser As Said aura connu le sort que connaitra Jamal Khashoggi 39 ans plus tard. Mais à la différence du journaliste, sans caméra de contrôle, ni instrument de repérage. Enlevé en plein jour, le 17 décembre 1979, dans une opération concoctée par l’Ambassadeur d’Arabie saoudite au Liban, en concertation avec le chef du 2eme bureau de l’armée libanaise, le colonel Johnny Abdo et la complicité de groupements palestiniens relevant de l’Organisation de Libération de la Palestine.
((NDA : Le responsable palestinien impliqué dans cette affaire est Abou Zaim, responsable militaire du Fatah pour le sud de Beyrouth.. Que des dirigeants palestiniens se soient prêtés à de telles compromissions morales, qu’ils aient livré un opposant politique à une dictature, explique une part de leur déconfiture dans le commandement de leur guerre de libération nationale)).
Pour aller plus loin sur Johnny Abdo, chef du 2eme bureau de l‘armée libanaise, ce lien dans le paragraphe qui suit le portrait de Wissam Al Hassan
«Nasser As Said a été tué à la manière saoudienne et expédié au ciel, selon le mode opératoire des wahhabites. Selon certains témoignages, un avion spécial saoudien en attente à l‘aéroport de Beyrouth Khaldé, a assuré son transfert vers l’Arabie saoudite.
«Nasser As Said a été décapité à l’intérieur de l’appareil en application de la doctrine wahhabite, puis jeté par-dessus bord. Une autre version soutient que Nasser As Said a été tué à Beyrouth avant son embarquement et son cadavre jeté par-dessus bord au-dessus du Robh Al Khali (le quart désertique du Royaume), depuis une hauteur de 14.000 pieds, soit 4.260 mètres, le seuil de tolérance au-delà duquel l’avion explose en cas d’ouverture des portes.
«Interrogé sur le sort de l’opposant saoudien, le Prince Sultan Ben Abdel Aziz, à l’époque ministre saoudien de la défense, a botté en touche:
«Le Royaume n’a pas besoin de recourir à de telles méthodes. Nasser a été enlevé à Beyrouth, une ville arabe dont la majorité de la population est constituée de musulmans sunnites», suggérant par-là que l’enlèvement de l’opposant saoudien pourrait avoir été le fait de sunnites sympathisants du Royaume.
«Si Nasser As Said revendique l’honneur macabre d’être le premier dans l’ordre des suppliciés saoudiens de l’époque contemporaine, une princesse de sang, coupable, elle, d’avoir nourri des visées ancillaires, l’assume au nom de la gente royale féminine.
Sur ce lien son épouvantable supplice:
7 – De Nasser As Said à Jamal Khashoggi, la méthode saoudienne pour expédier au ciel les opposants.
«La famille Al Saoud, du grand père Abdel Aziz, fondateur du Royaume, à son petit-fils Mohamad Ben Salmane, prince héritier du trône wahhabite, prise l‘exercice solitaire du pouvoir, qu’insupporte la moindre opposition, même la plus minime, même la plus marginale.
«Les grandes manœuvres visant à amortir l’impact de la disparition de Jamal Khashoggi ont commencé en dépit du fait que ce scandale a eu un retentissement mondial en ce que les intérêts pétroliers et ceux de l’industrie de l’armement priment toute autre considération entre les trois principaux protagonistes de l‘affaire, la Turquie, l’Arabie saoudite et les Etats Unis.
«Elles ont force de loi au détriment des valeurs humaines et morales; au détriment de la cause de ce fils loyal du régime saoudien, qui ne fut pas, loin s’en faut, un véritable opposant à la dynastie.
«En fait, le journaliste a été victime des lourds secrets qu’il détenait de par ses fonctions passées auprès des divers services du régime et de son alignement sur une des composantes du pouvoir.
«Jamal Khashoggi était détesté par le prince héritier Mohamad Ben Salmane, un impulsif, même si le journaliste est un pur produit de la matrice wahhabite, éduqué dans l’enceinte royale, ayant tété du même lait auquel se sont nourris les affiliés de Daech, une créature des services de renseignements saoudiens.
«D’Afghanistan, dans la décennie 1980, à Idlib (nord de la Syrie) en 2018, l’épisode Khashoggi, sauf erreur de ma part, s’achèvera par une version édulcorée de la réalité et un accroissement du chantage turco américain sur l’Arabie saoudite et son prince impulsif, à l’origine de la liquidation du fidèle serviteur du régime saoudien. Une leçon éloquente se dégage de tout ce tintamarre.
«A peine décèlent-ils une opposition, même minime, les dignitaires saoudiens préfèrent, par effet réflexe, expédier l’opposant au ciel plutôt qu’il s’impose une vraie souffrance sur terre, s’épargnant ainsi des débats fastidieux sur la liberté et la démocratie. Une expédition directe au ciel, selon la méthode saoudienne: Par l’assassinat, si possible par l’épée, en égorgeant la victime ou la proie.
«Un tel châtiment est d’ailleurs justifié par les théologiens du Wahhabisme comme découlant de la législation islamique dans le châtiment des contrevenants.
«Bien que l’usage de la scie ait été mentionné dans le dépeçage de Jamal Kashoggi, -un fait qui constitue indubitablement un saut qualitatif dans la technique saoudienne de l’élimination physique- nous sommes néanmoins convaincu que l’opposant saoudien a d‘abord été décapité puis découpé en tranches en ce que l’observation de la méthode traditionnelle wahhabite constitue une garantie absolue à l’effet d’éviter à la famille royale une querelle entre les dignitaires du régime quant aux méthodes de mise à mort.
«Mohamad Ben Salmane a bénéficié d’une couverture favorable de la presse en sa qualité de réformateur, moderniste, démocratique.
Mais l’assassinat de Jamal Khashoggi plongera dans un silence embarrassant cette même presse, notamment en Egypte et au Liban au sein des médias, propriétés du premier ministre Saad Hariri (Radio Orient, la chaine TV Al Mostaqbal et le quotidien du même nom), ainsi que dans les médias proches des Forces Libanaises, les milices chrétiennes de Samir Geagea, homme lige des Saoudiens au Liban.
«La méthode de liquidation des opposants propre à ce «Royaume de sel», pour reprendre l’expression de l’écrivain Abdel Rahman Mounif, emprunte aux pires procédés: décapitation par épée, flagellation jusqu’au saignement, tortures programmées jusqu’à mort s’ensuive. Avec en sus un habillage moral: l’accusation de renégat pour aggraver la sanction, comme cela est le cas avec les prisonniers d’opinion de la respectable communauté chiite.
A venir
Le 2me volet de cette étude est consacré à: «La décapitation collective de 370 membres de la tribu Al Shammar, en 1902, acte fondateur du royaume wahhabite».
Crédits photo : AP