Dernière mise à jour le 10 février 2022
Par Mamdouh Habashi
Note de la rédaction
Adaptation en version française par René Naba, Directeur du site https://www.madaniya.info/
Au pouvoir depuis six ans, le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi fait face à une double manœuvre de contournement, de la part de la Turquie en Libye en soutien aux islamistes ennemis jurés du Caire, d’une part, d’Israël, d’autre part, en direction du Soudan et de l’Ethiopie, les deux autres pays riverains du Nil dont dépend son ravitaillement hydraulique, à l’arrière-plan d’un mécontentement résultant de la décision égyptienne d’importer du gaz israélien.
Une conjoncture qui explique les jongleries diplomatiques de l’Egypte face à la «transaction du siècle», qui s’apparentent à une forme de schizophrénie en ce que le Caire a officiellement cautionné ce plan inique pour les Palestiniens alors que son ambassadeur au sein de la Ligue arabe le rejetait. Un défi complexe qui a fait tanguer son régime à plusieurs reprises depuis son élection à la magistrature suprême en 2014. Trois faits font peser de sérieux risques sur la stabilité du régime instauré par le maréchal Sissi:
- La décision de l’Egypte d’importer du gaz israélien alors que sous le régime du président Hosni Moubarak, le flux inverse avait cours, l’Egypte exportant du pétrole vers Israël à des prix préférentiels en superposition
- L’incapacité de l’Egypte à régler son différend avec l’Ethiopie à propos de la répartition des quotas des eaux du Nil entre les pays riverains (Egypte, Ethiopie Soudan)
- Le mécontentement populaire résultant de la gestion de l’économie égyptienne par une oligarchie d’état.
Selon Human Right Watch, dix icônes de la révolution égyptienne croupissent en prison. Pour aller plus loin sur ce sujet :
https://www.middleeasteye.net/fr/en-bref/egypte-ces-dix-icones-de-la-revolution-croupissent-en-prison
1 – L’hydro guerre dans la corne de l’Afrique
La décision de l’Ethiopie de se doter d’un barrage de retenu d’eau qui pourrait réduire considérablement la quote-part de l’Egypte dans le volume d’eau du Nil.
Faute d’un arrangement entre les pays trois concernés (Egypte, Soudan et Ethiopie), l’Egypte pourrait connaitre un sérieux problème de survie alimentaire, à l’effet de le fragiliser davantage. Le «Barrage de la Renaissance» éthiopien a été financé par l’Arabie saoudite en vue de maintenir sous pression l’Egypte et la contraindre à une solidarité mutique avec le bellicisme pétro monarchique tant au Yémen qu’en Syrie et en Irak. Un projet encouragé en sous-main par Israël, qui a fait de l’Ethiopie son tremplin vers l’Afrique orientale dans une opération de contournement des pays arabes musulmans d’Afrique (Egypte, Soudan, Libye, Somalie, Djibouti). La rencontre de l’israélien Benyamin Netanyahu et du soudanais Borhane en Février en Ouganda, est venue confirmée les craintes égytpiennes.
Le barrage de la «Renaissance» a vocation à devenir le plus grand barrage de l’Afrique avec un coût de près de 6 milliards de dollars. Haut de 170 m et près de 2km de large, il aura une capacité de production d’électricité de 6000MW (soit trois fois le barrage d’Assouan en Egypte). La construction de ce barrage permettra à l’Ethiopie d’irriguer ses terres pour l’agriculture, prévenir l’inondation (rétention de 62 à 100 milliards m3 d’eau), de satisfaire à la fois, de satisfaire à la fois, ses propres besoins énergétiques et surtout, d’exporter à coût de plus de 730 millions d’euros par an de l’électricité aux pays voisins comme le Djibouti, le Soudan et le Kenya. Les eaux venues des plateaux éthiopiens représentent 86 % de l’eau consommée en Egypte et 95 % en période de crue. À lui seul, le Nil bleu fournit 59 % du débit du Nil. Le projet de barrage de la Renaissance diminuera de 25 % le débit du Nil en Egypte.
L’hydro guerre dans la corne de l’Afrique va impacter la région du delta du Nil, le poumon de l’agriculture de l’Egypte, où 30 millions d’habitants vivent des eaux du fleuve, faisant planer un risque sur la sécurité alimentaire et partant sur la sécurité nationale de ce pays.
2 – Une bombe démographique à retardement
L’Egypte comptait quelque 90 millions d’habitants en 2013, lorsque le général Abdel Fattah Sissi accéda au pouvoir. Réélu 2018, Sissi a taillé une constitution à sa mesure qui lui permet de s’accrocher à la présidence jusqu’en 2030. La population égyptienne, qui a déjà passé le cap des 100 millions d’habitants, devrait alors atteindre les 120 millions, soit un doublement en moins de quarante ans.
Le boom démographique s’est accompagné d’une pauvreté grandissante. Entre 2016 et 2018, la proportion d’Egyptiens vivant au-dessous du seuil de pauvreté, fixé à la proportion à moins d’1,5 euro par jour, est passée de 28 à 33%. Une bombe à retardement démographique, désormais placée sur le même plan que le défi «terroriste».
Avec plus de 100 millions d’habitants en 2018, l’Egypte est le troisième pays le plus peuplé d’Afrique derrière le Nigeria et l’Ethiopie. Disposant d’un important gisement gazier, «l‘Egypte ambitionne, à terme, de devenir le grand «Hub Méditerranéen» de liquéfaction du gaz naturel, pour les pays producteurs: Chypre, Israël et, peut-être un jour, le Liban lorsque le contentieux de Zone économique exclusive (ZEE) qui l’oppose aux autorités de Tel-Aviv sera réglé».
Sur le plan interne, le maréchal Sissi a réagi à sa manière au soulèvement populaire qui a embrasé les villes égyptiennes le 20 septembre 2019 par une riposte musclée dans le droit fil de la méthode qu’il avait empruntée à l’ inauguration de son règne. Ce jour-là, le 14 août 2013, la répression des Frères Musulmans, partisans de son prédécesseur Mohamad Morsi, s’était soldé par un épouvantable massacre de la place Rabia-El-Adaouïa, qui aurait fait 2600 morts selon des sources indépendantes, 595 selon le bilan officiel.
Ebranlé par l’éviction du président Hosni Moubarak, ancien chef de l’aviation militaire durant la guerre d’Octobre 1973,marquée par la destruction de la ligne de défense israélienne sur le Canal de Suez, la Ligne Bar Lev, le régime égyptien s’est appliqué à se régénérer autour d’un général Sissi autoritaire.
La dernière manifestation enregistrée en Egypte remonte à avril 2016. Elle a été le fait d’Egyptiens indignés par la cession des îles de Tiran et Sanafir à l’Arabie saoudite.
3- Épreuve de force avec la Turquie en Libye
En superposition au conflit avec l’Ethiopie, l’Egypte est engagée dans une épreuve de force avec la Turquie à propos de la Libye pour le contrôle de ce pays pétrolier, frontalier de l’Egypte, sur le flanc méridional de l’Europe, plaque tournante du djihadisme vers le Sahel et du flux migratoire vers le «vieux continent». La Turquie soutient ouvertement le gouvernement de Fayez Sarraj, reconnu internationalement, mais dont les forces armées sont essentiellement constituées des milices islamiques accourues en Libye avec les encouragements de l’Otan du temps du leadership du Qatar sur la séquence du «printemps arabe».
L’Egypte et Abou Dhabi, et d’une manière plus discrète la France, soutiennent le maréchal Khalifa Haftar, le grand vaincu de la bataille de Wadi Doum, au Tchad en 1984. Cet officier félon libyen reconverti dans la collaboration avec la CIA cherche à s’emparer du pouvoir à Tripoli.
L’enjeu sous-jacent de cette bataille est énergétique, avec la découverte d’importants gisements pétroliers off-shore en Méditerranée orientale. Un accord visant à assurer une liaison maritime entre Tripoli et les ports turcs a été conclu en décembre 2019 et Ankara a promis son soutien militaire au gouvernement Fayez Sarraj en cas d’agression de son rival Khalifa Haftar.
La Turquie a commencé ses prospections pétrolières au large de la partie nord de Chypre, occupée par les forces turques, suscitant la constitution d’une coalition
hostile à ses visées, regroupant l’Egypte, la Grèce, la France, la Russie, Israël, l’Italie et l’Autorité Palestinienne sous le couvert du «forum gazier de la Méditerranée orientale».
Le Liban et la Syrie ont refusé de se joindre à ce forum, dont l’objectif apparent est économique, gazier plus précisément, en réalité militaire.
Fin de la note
Egypte: De la spécificité du néo libéralisme dans les pays périphériques: Le cas de l’Egypte.
Par Mamdouh Habashi contributeur : https://www.madaniya.info/
Figure de proue de l’opposition démocratique égyptienne, Mamdouh Habashi est le disciple et le successeur de Samir Amine, le théoricien de l’alter-mondialisme. Chargé des Relations Internationales au sein du «Socialist Popular Alliance Party» d’Egypte, Mamdoud Habashi est également Vice- Président du «World Forum For Alternatives» (WFA) et membre du Conseil d’administration de «the Arab and African Research Center» (AARC).
«L’objectif est la destruction. Je précise bien la destruction, non seulement des gouvernements et des états, mais également des sociétés des pays concernés qui risquent de constituer une menace, selon la définition des Etats Unis».
Samir Amine, Berlin 30 septembre 2016
L’Egypte en phase de transition aux conséquences catastrophiques
Tout est-il imputable à l’incapacité du régime égyptien?
((Texte de l’intervention de l’auteur à la 4eme conférence des partis de gauche des pays riverains de la Méditerranée 29-31 Mars 2019 – Beyrouth.))
Durant sa courte période pouvoir, le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi a détruit politiquement et économiquement l’Egypte. Il a détruit non seulement ce qui subsistait de l’État de Droit, mais de l’État tout court.
La nomenklatura militaire s’est emparée du pouvoir législatif et judiciaire, imposant au dispositif médiatique une même rengaine.
Des millions d’Égyptiens appartenant à la classe moyenne ont glissé inexorablement vers le seuil de pauvreté, alors que les pauvres sont désormais réduits à mener un combat quotidien contre leur pauvreté. L’élite, seule, est en mesure d’assumer ses frais de couverture médicale et de scolarisation.
1- Le cauchemar de la contestation populaire de place Al-Tahrir
Quelque-soit sa coloration et son orientation, l’opposition qu’elle soit islamiste ou non croupit dans les prisons, les prisons anciennes et les prisons nouvellement bâties pour abriter les nouveaux pensionnaires de ces centres de détention. L’argent du pays accumulé à la sueur du front des millions de travailleurs égyptiens de même que les crédits consentis à l’Egypte sont dilapidés dans des édifices somptueux affectés au bien être de l’élite: Que cela soit la nouvelle capitale égyptienne, ou la capitale d’été édifiée sur les rives de la Méditerranée ou encore l’autoroute du désert.
L’Etat est protégé par un gigantesque arsenal qui le place à l’abri d’un soulèvement populaire.
Indice de la crainte du régime d’un inéluctable affrontement avec la population, l’édification de ces nouveaux centres se fait à un rythme soutenu car le régime vit comme un cauchemar la réédition du soulèvement populaire la place Al-Tahrir, haut lieu de la contestation populaire de la capitale égyptienne, qui a emporté Hosni Moubarak.
L’armée se transforme progressivement, mais insidieusement, en une armée de répression. Une armée contre le peuple.
2 – La position ambiguë des pays occidentaux à l‘égard de l’Egypte.
En ce qui concerne les pays occidentaux, Sissi a fait la démonstration qu’il était le plus apte à préserver et à gérer les intérêts géostratégiques et économiques des pays occidentaux en Egypte et son environnement. Ceci explique la position ambigüe des Occidentaux, attentifs aux Droits de l’Homme et à l’Etat de droit en Egypte. Une attitude compensée toutefois par leur mansuétude à l’égard du régime et de son comportement.
Sur la projection géostratégique de l’Egypte, cf l’analyse de Richard Labévière sur ce lien, https://prochetmoyen-orient.ch/egypte-ambigue-mais-pays-pivot/
Depuis que Sissi a prêté serment, en 2014, en tant que président, il n’a cessé de violer les dispositions de la constitution, soutenant que «la démocratie ne saurait s’accommoder de la guerre contre le terrorisme». Ceci implique, a contrario, qu’il considère tout opposant comme un terroriste potentiel car il contribue, selon lui, à la déstabilisation de l’état et justifie son incarcération. Par extension toute critique à l’encontre de l’armée et de la police, les bras armés du régime, est considérée comme un «crime de haute trahison».
Sa conception de l’économie et du développement est rudimentaire. Elle se réduit à la réalisation de «Grands Chantiers Nationaux»: Nouvelle capitale égyptienne, doublement de la capacité de passage de la voie d‘eau du Canal de Suez, percement de l’autoroute du désert. Tous les grands projets ont été mis en chantier sans étude de faisabilité préalable. Sissi considère en effet de telles études comme étant une perte de temps.
3-Le néolibéralisme en Egypte date de Sadate
Le néo-libéralisme n’est pas nouveau en Egypte. Il remonte à l’époque de Sadate (1070-1981) qu’il a inauguré en 1974 avec sa «politique de l’ouverture-Al Infitah». Ses successeurs (Hosni Moubarak et Abdel Fattah Al Sissi) ont maintenu le cap.
La politique de l’ouverture est tout simplement la reddition aux diktats du Fonds Monétaire International (FMI), dont l’une des premières conséquences aura été la baisse drastique du niveau de vie de la population.
Sissi a poussé à l‘extrême cette politique. En quatre ans de pouvoir (2014-2018), Sissi a non seulement paralysé l’économie égyptienne, mais noyé le pays sous les dettes. Sissi a emprunté infiniment plus que tous ses prédécesseurs réunis y compris Nasser (1952-1970).
4- Le service de la dette: 38 pour cent du budget national. Doublement de la dette externe de 46 à 92 milliards de dollars en 4 ans.
Le service de la dette absorbe 38 pour cent du budget national, selon les statistiques de la Banque Centrale égyptienne. La tendance est à la hausse.
Sissi a fait le pari que l’Occident ne peut supporter les conséquences d’un effondrement économique de l’Egypte car le pays présenté un intérêt stratégique capital pour les pays occidentaux, les pétromonarchies et Israël? Ces trois parties préfèrent que l’Egypte soit maintenue en état de dépendance et de suivisme plutôt que d‘avoir affaire à une Egypte forte.
Depuis l’entrée en vigueur de la constitution en 2014, le budget de la défense, celui de la production militaire et de la justice ont été soustraits du budget national. Ces trois budgétaires échappent désormais au contrôle de la Comptabilité Publique. De sorte que le Budget National ne représente que 32,8 pour cent du Produit National Brut (PNB). Le reste des dépenses publiques échappe à tout contrôle juridique et politique.
En 4 ans (2014-2018), la dette locale a doublé passant de 1,6 trillions de Livres Egyptiennes à 3,6 trillions de LE. La dette externe a, elle aussi, doublé passant de 46 à 92 milliards de dollars, en dépit d’une forte dévaluation de la livre égyptienne, en novembre 2016, en application d’un traitement de choc passant d’un taux de change de 1 dollar pour 8 LE à un dollar pour 18 LE
Sissi a accéléré la privatisation de tous les organismes de l’état égyptien pour alléger la dette publique, privatisant à tour de bras, sans la moindre transparence.
L’Egypte n’est pas le premier pays à fonder un «Fonds Souverain». Pour les autres pays, un tel fonds visait à assurer la pérennité du secteur économique menacé, de diversifier les ressources du pays afin de préserver les droits des générations suivantes.
En Egypte, le Fonds a été créé exclusivement pour combler les dettes du budget de l‘état. Ibrahim Nawar, économiste égyptien réputé, a ainsi qualifié la finalité du Fonds: «Le Président en personne pioche les sommes qu’il souhaite du Fonds, le gère à sa guise et distribue ses ressources à qui bon lui semble.orientxxi.info
5 – Égypte: Le gouffre d’une dette alimentée par l’armée
Incapable de réduire une dette qui explose du fait notamment de la ponction des militaires sur le budget, le gouvernement égyptien a annoncé de nouvelles mesures d’austérité. Et restreint la vente de « gilets jaunes », de peur que cela ne donne des idées à une population pressurée.
((NDLR La dette est aggravée par l’augmentation de la dette intérieure, qui a atteint 3,4 milliards de livres égyptiennes (167 milliards d’euros) à la fin de 2017, soit 12% de plus que l’année précédente. Cette augmentation rapide a dépassé la croissance du PIB, faisant sauter le ratio de la dette de 87,1% en 2013 à 101,2% à la fin de 2017.
Le paiement des intérêts, qui ont atteint 31% du budget annuel pour l’exercice 2016-2017 pèse lourdement sur le budget de l’État. Le gouvernement souhaite réduire la dette publique à 80% du PIB d’ici 2020, en diminuant le déficit budgétaire et en augmentant le revenu par habitant. La dévaluation massive de la livre par la Banque centrale en novembre 2016 devait améliorer la performance économique de l’Égypte; elle a en réalité aggravé l’impact de la crise de la dette.
La croissance du PIB demeure faible, à seulement 4.1, reflétant une baisse des exportations totales, qui sont passées de 26 milliards de dollars (22,85 milliards d’euros) au cours de l’exercice 2013-2014 à 21,6 milliards (18,98 milliards d’euros) en 2016-2017. Il en va de même dans le secteur du tourisme : le nombre total de touristes qui ont visité l’Égypte entre 2016 et 2017 n’a atteint que 6,6 millions, contre 10,2 millions en 2014-2015)).
6 – 60.000 prisonniers politiques en Egypte
Comment cela a-t-il pu se produire en Egypte?
Très simplement, depuis son arrivée au pouvoir à la tête, en 2013, Sissi a jeté les fondements de sa propre dictature à l’aide des nombreux thuriféraires du régime.
Soixante mille (60.000) prisonniers, pas exclusivement des Frères Musulmans, mais aussi de tous les courants politiques croupissent dans les prisons égyptiennes. Cette politique de répression bénéficie du soutien des Occidentaux, des pétromonarchies du Golfe et d’Israël.
Depuis plusieurs mois, les Egyptiens sont les spectateurs d’une comédie pathétique qui a pour titre «la modification de la constitution», dont les partisans, tels des pantins désarticulés, sont manipulés par de grossières ficelles.
L‘argument majeur est de faire valoir que Sissi ne peut quitter le pouvoir après son 2me mandat -le dernier mandat selon la constitution- car le président ne pouvait abandonner le pouvoir alors que les grands projets d’infrastructures qu’il avait lancés n’étaient pas achevés. L’incapacité des Egyptiens à se débarrasser du «Pharaon» est imputable à un complexe résultant d’une maladie endémique en ce domaine.
Pour cette raison, l’Assemblée constituante, en 2014, avait voté, à l’unanimité, un article concernant la durée du mandat présidentiel. L’article spécifiait clairement que toute requête visant à modifier l’article en question (concernant la durée du mandat présidentiel) est ipso facto anticonstitutionnel; instantanément inconstitutionnel.
L’article stipule qu’un tel sujet devait être débattu pendant une durée d’un mois. Le débat devrait se dérouler, à huis clos, lors d’une session spéciale du devant un parlement au sein de laquelle ne devrait figurer aucun opposant.
Un tel débat devrait s’accompagner d’une campagne de presse en faveur de la modification de la constitution.
Devant un tel verrouillage, seuls les réseaux sociaux auraient pu développer des voix discordantes.
Toutes les entreprises de l’Etat, les administrations publiques, les organismes gouvernementaux, grands ou petits, ont été vigoureusement sollicités par l’appareil sécuritaire égyptien pour proposer des «volontaires» à la surveillance des urnes.
Le peuple égyptien n’a pas été dupe de cette mascarade, indifférent au sort de la consultation, car il n’ignorait pas que les résultats de la consultation seront décidés par les ordinateurs du ministère de l’Intérieur.
Pour Sissi, il importe avant tout de cibler l’opinion internationale, en l’inondant d’images d’électeurs se rendant aux urnes.
La pérennisation du Régime Sissi augure d’un sombre avenir post Sissi: Un groupement armé prêt à en découdre pour défendre son butin ; le pillage des richesses de la nation.
7 – Le Fonds de Souveraineté Egyptien.
Le coup de massue est intervenu avec la constitution d’un «Fonds de Souveraineté Egyptien».
Ce Fonds étend la propriété de l’état aux domaines suivants: -Lacs, fleuves, sites archéologiques et la quasi-totalité des installations économiques du pays. Il transfère les biens du domaine public en propriété privée de l’état. Il place l’état au-dessus de la Loi et par voie de conséquence la direction du Fonds au-dessus de la loi, elle aussi.
Le décret portant création du Fonds spécifie, sans la moindre contestation possible, que Tous les actes du Fonds relèvent de la propriété de l’état, en application du Droit privé des personnes et non du Droit Public général. Le Fonds n’est ainsi pas responsable devant la Cour des Comptes ni de toute autre autorité chargée de contrôler la régularité des dépenses publiques et du domaine public.
Du même auteur
- L’Egypte, un géant sans tête : https://www.madaniya.info/2019/02/08/legypte-un-geant-sans-tete/
- De la question kurde : https://www.madaniya.info/2019/04/12/de-la-question-kurde/
- Du renouvellement du discours religieux : https://www.madaniya.info/2019/05/03/islam-egypte-du-renouvellement-du-discours-religieux/
Illustration
Le président Abdel Fattah al-Sissi, lors d’une cérémonie militaire le 10 octobre 2015. © KHALED DESOUKI / AFP