La pandémie du Coronavirus a remis d’actualité des termes jusque- là méprisés, tels que re-nationalisation, re-localisation, à rebours des privatisations et délocalisations massives générées par la Mondialisation et son double corollaire le consensus de Washington et le Consensus de Bruxelles. En attendant l’avènement de ce nouveau monde, https://www.madaniya.info/ soumet à l’attention de ses lecteurs, un panorama édifiant du monde financier français.
Les dessous pas si chic du CAC 40
Par Olivier Vilain
Avec l’aimable autorisation de la revue Golias
https://www.golias-editions.fr/golias-hebdo/
- Le nombre des transnationales dans le monde s’élève à 70.000 qui contrôlent près de 500.000 filiales, s’adonnent à une exploitation décomplexée. Elles accaparent les terres, les ressources en eau et génèrent pollution et déforestation, laminant les droits des salariés et affectant les moyens de subsistance de nombreuses communautés.
En France, la dette publique a dépassé 100 % du PIB fin septembre 2019, selon l’Insee. Elle s’établit plus exactement à 100,4 % du produit intérieur brut (PIB), soit 2 415 milliards d’euros, en hausse de 39,6 milliards par rapport au trimestre précédent.
Mais, 10 % des ménages détiennent la moitié du patrimoine total, principalement constitué de biens immobiliers et d’actifs financiers. Et le salaire moyen des patrons du CAC 40 a flambé.
La rémunération d’un patron du CAC 40 s’est élevée en moyenne à plus de 5 millions d’euros en 2017. Une augmentation de 14% par rapport à 2016. En haut du classement se place Bernard Charlès, PDG de Dassault Systèmes avec un salaire de 24,6 millions d’euros selon Proxinvest. Le cabinet de conseil et d’analyse financière française met en lumière l’absence de lien entre la hausse de la rémunération des PDG et la performance boursière des sociétés. En effet, 62 % des sociétés qui ont des performances inférieures à la médiane ont vu les émoluments de leur dirigeant augmenter.
Toujours en France, les 40 multinationales qui composent le CAC 40 pèsent aujourd’hui plus de 1 300 milliards d’euros de chiffre d’affaires, plus de la moitié du PIB du pays.
- Les grands groupes, originaires de France, ont 16 000 filiales à l’étranger, dont 2500 dans les paradis fiscaux où ils délocalisent leurs profits.
Deux organisations citoyennes -l’association Attac et l’Observatoire des multinationales- ont publié, au printemps 2019, un rapport sur les comptes des principales entreprises françaises. Ils montrent que la politique suivie détruit les emplois et gonflent les profits… en pure perte pour la société.
Quatre chiffres donnent l’ordre de grandeur du scandale: +9,3 %, +44 %, -6,4 %, -20 %. Traduction : les entreprises du CAC 40 ont enregistré des bénéfices cumulés en hausse de 9,3 % en 2017, par rapport à 2010. Entre ces deux dates, les dividendes qu’elles ont versés à leurs actionnaires ont grimpé de 44 %, pas moins. Les entreprises les plus importantes opérant en France amassent donc des tonnes de cash, et les poches de leurs propriétaires se remplissent comme jamais.
Au deuxième trimestre 2019, 57 milliards d’euros ont été versés aux actionnaires du CAC 40. Ce chiffre démontre l’ampleur des richesses créées par les travailleurs au moment où s’accentuent les injustices sociale, fiscales et territoriales.
Tout n’est pas pour autant orienté à la hausse. Les effectifs que ces grands groupes emploient en France ont fondu de pas moins de 20 %. De même, le montant des impôts qu’elles acquittent était inférieur de 6,4 % au montant versé en 2010.
Si les résultats économiques et financiers sont généralement mis en avant, les rapports que ces grands groupes publient chaque année au moment de leur assemblée générale ne rendent pas compte des impacts sociaux, environnementaux, démocratiques de leurs activités. Les sujets qui fâchent sont passés sous silence, minimisés ou relégués au statut de note de bas de page.
Et Oxfam a considéré que la liste des paradis fiscaux dressée par la France est complétement à côté de la cible, l’invitant à la rectifier.
1 – Une faillite sociale exorbitante
Ces chiffres, secs et dépassionnés, sont extraits d’un rapport rédigé par l’association Attac et l’Observatoire des multinationales. Celui-ci synthétise «le véritable bilan des entreprises du CAC 40 en matière de justice sociale, justice écologique et justice fiscale ».
Il jette une lumière crue sur des entreprises, que les discours public présentent le plus souvent comme la quintessence de l’innovation et comme des bienfaitrices de l’humanité. «Souvent présentées comme les “fleurons” de l’économie française, ces entreprises ne cessent d’être promues et soutenues, notamment à l’international, par les pouvoirs publics», relèvent les auteurs du rapport.
Des chiffres qui n’irriguent pas souvent, pas vraiment, le débat public. Et pourtant, ils expliquent les «fins de mois qui commencent le 15» que dénoncent les «gilets jaunes».
Ils expliquent aussi les luttes que viennent de mener les femmes de ménage, souvent issues de l’immigration, dans de nombreux hôtels et dans les gares ; ainsi que les employées des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou le personnel hospitalier ; depuis la fin de l’année 2017, tous ces groupes de travailleurs ont, à un moment ou à un autre, mené d’âpres batailles (plus d’une fois victorieuses).
Outre le budget des ménages, ces mêmes chiffres donnent à voir la mécanique qui assèche les finances publiques. Ces grandes entreprises font sans cesse pression pour que leurs impôts soient allégés.
«Le chantage à l’austérité (…) et la prédation qu’exercent sur les finances publiques les géants [de l’industrie et des affaires] à travers l’évasion fiscale se traduisent par des réductions d’effectifs ou de moyens dans les Ehpad, les crèches, les services sociaux », auxquels on pourrait ajouter les services hospitaliers ou les filières de l’enseignement (Le Monde diplomatique, janvier 2019).
Il s’agit quand même d’un constat d’échec. Les ressources des ménages sont mises à contribution pour subventionner massivement les grandes entreprises, à travers le CICE. Pour des retombées qui se font toujours attendre.
Le chômage reste à un niveau record, plus de 5,6 millions, toutes catégories confondues. «Le Comité de suivi du CICE, ainsi que l’institut d’analyses économiques de Matignon, le CAE, montrent que les marges des grandes entreprises se sont réellement améliorées mais qu’il n’y a pas impact de ces 40 milliards d’euros dépensés chaque année sur emploi et l’investissement », relèvent Dominique Plihon, économiste, membre d’Attac et coordinateur du rapport.
2 – Un gaspillage de ressources énorme
Comment éviter que les Français estiment, quand on les interroge, que l’économie ne tourne pas rond et que le gouvernement met en place des politiques qui ne profitent pas à la majorité de la population ? C’est pourquoi, au sein du mouvement très hétérogène des «gilets jaunes» est apparue la demande d’un référendum d’initiative citoyenne:
«Comme ça, grâce à cet outil, si le gouvernement ne veut pas faire la politique que le peuple demande, on votera nos propres lois et le gouvernement sera obligé de les appliquer. » «Certains groupes de Gilets Jaunes demandent à Attac de les aider à formaliser leurs revendications, de les appuyer sur des études. Nous en sommes très fiers », rapporte Dominique Plihon.
En France, les 40 multinationales qui composent le CAC 40 pèsent aujourd’hui plus de 1 300 milliards d’euros de chiffre d’affaires, plus de la moitié du PIB du pays. «Elles ne sont plus vraiment françaises, vu la répartition de leur capital, souligne Dominique Plihon. Le pétrolier Total et la banque BNP Paribas sont majoritairement détenus par des actionnaires étrangers. Ces acteurs globaux réalisent leurs profits sur les cinq continents, déplacent leurs capitaux et délocalisent sans arrêt vers des pays à la main d’œuvre peu couteuse. » Ces grands groupes, originaires de France, ont 16 000 filiales à l’étranger, dont 2500 dans les paradis fiscaux où ils délocalisent leurs profits.
En outre, les analystes qui ont rédigé le rapport pointent le manque de justice climatique lié aux émissions de CO2 des sites les plus polluants du pays, qui ont augmenté de 5 % en 2017. « Ces émissions, notamment issues d’entreprises du CAC 40, échappent largement à la fiscalité carbone ? », notent-ils.
Afin réduire l’emprise des multinationales sur nos vies et notre avenir, et pour redonner plus de droits aux populations et de pouvoir de régulation aux pouvoirs publics, Attac et l’Observatoire des multinationales fait plusieurs propositions.
3- Des propositions pour remédier aux problèmes
La première proposition : plafonner les écarts de rémunérations. Pour plus de justice sociale, il faudrait plafonner les écarts de rémunération (salaires, primes et rémunération en capital) au sein d’une même entreprise, par exemple de 1 à 10, afin de tirer vers le haut la rémunération du travail.
La deuxième proposition : désinvestir des énergies fossiles. Les défaillances du marché carbone européen devraient conduire l’Union européenne à émettre 2 milliards de tonnes de CO2 de plus que ce qui a été promis lors de la COP 21. Pour rétablir la justice climatique, Attac et l’Observatoire des multinationales propose de remplacer le marché carbone européen – « dysfonctionnel, instable et spéculatif » – par « une fiscalité carbone réellement dissuasive » sur les sites industriels polluants, assortie de régulations publiques qui conduisent les entreprises à désinvestir massivement des énergies fossiles et les banques et assurances à ne plus investir dans le secteur.
Troisième proposition: une taxation unitaire des multinationales. «Nous demandons l’obligation d’un reporting public pays par pays des avoirs détenus par les grandes entreprises – notamment dans les paradis fiscaux – et leur taxation selon les règles de la législation française », écrivent les auteurs du rapport. Cette taxation unitaire des multinationales est présentée comme la « seule méthode permettant de lutter efficacement contre l’évasion fiscale ».
Il faut s’interroger sur l’utilité sociale, économique, écologique et démocratique des 57,4 milliards d’euros de dividendes versées en 2018 à leurs actionnaires par les entreprises du CAC 40.
En comparaison, ci-joint un panorama de «La Faim dans le Monde».
Selon un rapport publié le lundi 15 juillet 2019 par les Nations unies, la faim dans le monde affectait 821,6 millions de personnes en 2018, contre 811 l’année précédente.
Après des décennies de baisse, il s’agit de la troisième année consécutive de hausse de la sous-alimentation, appelée aussi insécurité alimentaire.
Après des années de baisse, la sous-alimentation ne cesse d’augmenter depuis 2015. En 2018, elle touchait 821,6 millions de personnes, indique le rapport annuel des organisations des Nations unies. Une personne sur neuf souffre ainsi de la faim. En cause, notamment: les conflits et le réchauffement climatique.
La perspective d’un monde sans aucune personne en état de sous-alimentation à l’horizon 2030, qui est l’un des objectifs de développement durable fixés pour cette échéance, relève d’un «immense défi», note le rapport.
«On n’atteindra pas d’ici 2030» cet objectif, a asséné lors d’une conférence au siège des Nations unies le patron du Programme alimentaire mondial (PAM), David Beasley.
«Sans sécurité alimentaire, nous n’aurons jamais de paix et de stabilité», a-t-il averti, en soulignant l’interaction entre ces paramètres. Partout où des groupes extrémistes ont de l’influence, la faim est utilisée par eux comme une arme pour diviser ou recruter, a mis en garde David Beasley.
4 – 20% de la population concernée en Afrique
Le rapport, rédigé par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, avec le concours du Fonds international pour le développement de l’agriculture, l’Unicef, le PAM et l’OMS, relève que la sous-alimentation reste prévalente sur de nombreux continents. En Afrique, elle touche près de 20 % de la population; en Asie, plus de 11%; en Amérique latine et dans les Caraïbes, moins de 7 %.
En ajoutant à ces personnes souffrant de la faim celles touchées par l’insécurité alimentaire, les Nations unies estiment que plus de 2 milliards d’habitants de la planète, dont 8 % vivent en Amérique du Nord et en Europe, n’ont pas régulièrement accès à des aliments sains, nutritifs et en quantité suffisante.
Paradoxalement, le rapport observe que la surcharge pondérale et l’obésité continuent d’augmenter dans toutes les régions, en particulier chez les enfants d’âge scolaire et les adultes. En 2018, environ 40 millions d’enfants de moins de cinq ans présentaient ainsi un excès de poids. En 2016, 131 millions d’enfants de 5 à 9 ans, 207 millions d’adolescents et 2 milliards d’adultes étaient en surpoids, selon le rapport.
5 – Situation alarmante en Afrique de l’Est
Près de 256 millions d’Africains n’ont pas mangé à leur faim en 2018, et 676 millions sont en situation d’insécurité alimentaire: ils n’ont pas accès régulièrement à une nourriture saine et équilibrée. Si l’ensemble du continent est concerné, l’Afrique de l’Est est la région où la situation est la plus alarmante, avec une personne sur trois souffrant de malnutrition.
Pour la troisième année consécutive, les indicateurs se dégradent, s’alarme l’ONU, au point qu’il parait de plus en plus difficile d’atteindre l’objectif d’éradiquer la faim à l’horizon 2030. Les causes de cette dégradation sont de trois ordres, les conflits, le dérèglement climatique, et – troisième cause plus spécifiquement étudiée cette année – les crises économiques et la montée des inégalités sociales.
Le rapport montre aussi que les pays où la faim augmente le plus ne sont pas les plus pauvres, mais ceux qui sont fortement dépendants des échanges extérieurs.
L’ONG Oxfam, qui publie elle aussi un rapport sur la faim, dénonce la trop grande spécialisation de certains pays, adeptes de la monoculture, qui les expose aux variations des prix mondiaux, tout en réduisant les terres disponibles pour les cultures vivrières. Là où l’ONU pointe l’abandon des politiques sociales, les ONG dénoncent les méfaits de la mondialisation.