Nucléaire-Monde arabe (3/4) – Doter l’Islam sunnite de l’arme atomique

Nucléaire-Monde arabe (3/4) – Doter l’Islam sunnite de l’arme atomique 1280 848 René Naba

Dernière mise à jour le 17 février 2021

De longue date, l’Arabie saoudite a caressé le rêve d’accéder au rang de «puissance du seuil», à l’instar de son grand rival, la République Islamique iranienne, finançant clandestinement le programme nucléaire pakistanais avec pour objectif sous-jacent de doter l’Islam sunnite de l’arme atomique, face à l’Inde majoritairement hindouiste et à l’Iran chiite.

Deux autres puissances limitrophes font planer des menaces sur «la Terre de la prophétie»:

  • l’URSS, que le «Gardien des Lieux saints de l’Islam», combattra vigoureusement aux quatre coins de la planète, de l’Afghanistan au Nicaragua, en passant par l’Afrique via le Safari club et le djihadisme islamiste.
  • Israël, mais cette menace là valait argument propagatoire pour la consommation intérieure en quelque sorte, en raison du fait que l’Arabie saoudite était au sein du monde arabo musulman l’allié privilégié des États-Unis, le protecteur de l’État hébreu, d’une part, et que la dynastie wahhabite, d’autre part, avait dès la décennie 1980 – c’est à dire dès l’avènement de la République Islamique iranienne- amorcé un processus souterrain de rapprochement avec Israël, un état considéré alors comme l’ennemi officiel des Arabes et l’usurpateur de la Palestine.

Pour aller plus loin sur ce sujet, cf à ce propos

Mais le fait que les deux puissances atomiques du Monde musulman soient, le premier, le Pakistan, un état sunnite non arabe, le second, pire, l’Iran, un état non arabe et non sunnite, faisait ombrage au leadership spirituel du chef de file du Monde musulman.

Il sera vécu comme une humiliation à l’orgueil national saoudien, d’autant plus vive que le Monde arabe constitue le cœur historique de l’Islam et que la langue arabe, la langue de prière et de propagation de l’Islam.

Envisagé par le Prince Sultan Ben Abdel Aziz, inamovible ministre de la défense pendant près d’un demi siècle, en poste de 1963 à 2011, et père du prince Bandar Ben Sultan, l’ancien commandant en chef occulte de la Légion Islamique des groupements terroristes, ce rêve sera poursuivi par le Roi Abdallah qui édifiera une «cité atomique» portant son nom, ainsi que son successeur le Roi Salmane.

Le Roi Abdallah a d’ailleurs passé une grande partie de ces quinze dernières années à envisager sérieusement la construction de réacteurs nucléaires. En 2011, il a annoncé un ambitieux projet concernant la construction de seize réacteurs qui génèreraient 18 gigawatts d’électricité en vingt ans, plus qu’un quart des besoins prévisionnels en énergie du royaume.

Le relai du Roi Salmane

Le double véto essuyé par l’Arabie saoudite tant de la part des États Unis que d’Israël n’a pas découragé son successeur Salmane de reprendre à son compte le projet nucléaire saoudien, fort, soutenait-il, de son partenariat avec Donald Trump, artisan du «Muslim Ban», et surtout de la complicité de son fils, le prince héritier Mohamad Ben Salmane avec le gendre présidentiel américain Jared Kushner, maitre d’œuvre de la «transaction du siècle», le bradage de la Palestine avec la caution des pétromonarchies du Golfe.

Mais le comportement compulsif de ce prince fougueux (affaire Jamal Khashoggi) a sérieusement compliqué la tâche du royaume et dressé des obstacles complémentaires sur son chemin, réduisant considérablement la possibilité d’obtenir le feu vert américain.

Le 19 Février 2019, soit cinq mois après l’assassinat du journaliste saoudien au consulat saoudien à Istanbul et quatre mois après la reconquête de la chambre des représentants par les démocrates, le «comité de surveillance et de réforme de la chambre des représentants des États-Unis» alertait l’opinion sur les manœuvres de coulisses de l’administration Trump en vue d’opérer un transfert de la technologie nucléaire sensible américaine au Royaume saoudien. Le rapport se fondait sur des témoignages confidentiels parvenus au comité, faisant office en la matière de lanceurs d’alerte.

Le Plan Marshall nucléaire pour le Moyen Orient

Selon ce rapport, l’administration républicaine a participé à plusieurs activités secrètes notamment la constitution d’un groupe de conseillers occultes autour de Donald Trump, constitué principalement de généraux à la retraite, en vue de mettre sur pied un consortium de firmes américaines chargé de l’édification de centrales nucléaires en Arabie saoudite.

Derek Harvey, responsable du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord au sein du Conseil National de Sécurité (Février-Juillet 2017), précise que Donald Trump a donné son feu vert au lancement d’un plan Marshall nucléaire» pour le Moyen Orient, «dans la première semaine de son mandat».
Ce plan, mis au point par le général Michael Flynn, éphémère président du Conseil National de Sécurité, devait déboucher sur l’installation d’une dizaine de centres IP3 au Moyen orient, c’est à dire des centres de productions d’énergie nucléaire de type IP3, dont l’un est en cours d’installation en Arabie saoudite.

A l’intention du locuteur arabophone, pour aller plus loin sur ce sujet, cf ce lien

« Les interactions de l’administration Trump avec l’Arabie saoudite ont été faites dans le secret, ce qui soulève d’importantes questions sur la nature de la relation », indique le rapport, citant les relations étroites du gendre de Donald Trump, Jared Kushner avec la famille royale saoudienne, ainsi que la réponse de Trump à l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

Le rapport parlementaire américain met l’accent en outre sur la nécessité pour l’Arabie saoudite se se conformer à la convention 123 américaine concernant la non prolifération nucléaire. Mais Derek Harvey a passé outre aux objections de la commission parlementaire et a transmis de la technologie nucléaire à l’Arabie saoudite. A ce jour, un seul centre de ce type est en phase d’exécution en Arabie saoudite.

Donald Trump s’est retiré en 2017 de l’accord sur le nucléaire avec l’Iran, qui empêchait le rival régional de l’Arabie saoudite de mettre au point une arme nucléaire, affirmant qu’il allait à l’encontre des intérêts des États-Unis.

Depuis lors, l’Agence internationale de l’énergie atomique, qui surveille les programmes nucléaires de l’Iran, a régulièrement signalé que la République Islamique ne travaillait pas sur une arme nucléaire. Mais Trump et les hauts responsables de son gouvernement rejetteront régulièrement les rapports des services de renseignement américains selon lesquels l’Iran ne travaille pas sur une arme nucléaire.

En réponse à l’assassinat de Jamal Kashoogi,Trump s’est montré disposé à accepter la version donnée par l’Arabie saoudite, malgré une évaluation de « grande confiance » de la CIA selon laquelle le prince héritier Mohammed ben Salman a commandité l’assassinat.

L’empressement de Donald Trump à parvenir à un accord avec Riyad, son dangereux mépris envers des décennies de prudence en matière de nucléaire pourrait avoir des conséquences désastreuses.

Un marché nucléaire de 14 milliards de dollars.

Fin janvier 2019, l’Arabie saoudite se félicitait publiquement d’avoir reçu des offres de cinq pays pour la construction de réacteurs nucléaires dans la région riveraine du Golfe d’une valeur de 14 milliards de dollars.

Effet d’annonce orchestré par la garde rapprochée du prince héritier saoudien, en pleine quarantaine diplomatique internationale et soucieux de valoriser son action auprès de son opinion intérieure, les digitalistes des réseaux sociaux saoudiens célébraient alors, au diapason, l’émergence d’une «Grande Arabie saoudite», «Puissance nucléaire».

Le 5 novembre 2018, soit un mois après l’assassinat de Jamal Khashoggi, MBS inaugurait 7 projets qualifiés par les médias saoudiens de «stratégiques», notamment la pose de la première pierre du «Centre de Recherches Nucléaires Saoudien». Une opération de relations publiques destinée à restaurer son image ternie auprès de l’opinion interne saoudienne.

Le précédent d’Abou Dhabi

Les centres de recherches sont nombreux à travers le monde, notamment au sein des universités. Leur création ne nécessite pas l’accord préalable des grandes puissances nucléaires. Six pays arabes disposent de neuf centres de recherches de l’énergie atomique. Neuf sur un total de 168 à travers le Monde.

Les Émirats arabes Unis ont ainsi ratifié, en 2009, la convention 123 américaine concernant la non prolifération nucléaire et ont été autorisés à édifier un centre dans la périphérie d’Abou Dhabi. Ce centre sera opérationnel en 2019, mais son fonctionnement sera soumis à un contrôle rigoureux: l’Uranium sera fourni par les Américains qui en superviseront l’usage.

Les Saoudiens rejettent depuis 2011 cette tutelle et insistent pour être exonérés de la clause de non prolifération se ménageant ainsi la possibilité de faire évoluer la recherche nucléaire saoudienne vers une application militaire.

Israël et les États-Unis hostiles à l’accession des pays arabes à la technologie nucléaire

En Mars 2018, Mike Pompeo, secrétaire d’état, avait essuyé de vives critiques de la part du sénateur républicain Rand Paul, lors de son audition devant la commission des Affaires étrangères du sénat américain, à l’occasion du débat sur la décision de Donald Trump de se retirer unilatéralement de l’accord international sur le nucléaire iranien.

Rand Paul à Mike Pompeo: «Comment l’administration Trump compte-t-elle concilier des attitudes aussi contradictoires en exigeant une stricte application des conditions de non prolifération de la part de l’Iran et son laxisme à l’égard d’autres pays du Moyen orient ?»

Réponse Mike Pompeo: «Nous avons demandé aux Saoudiens exactement les mêmes choses que nous avons demandé aux Iraniens. Les Saoudiens nous ont assuré qu’ils cherchaient à développer un programme nucléaire à usage pacifique. Nous leur avons demandé d’observer des critères conformes à la règle d’or instaurée par la convention 123 américaine concernant la non prolifération».

Les propos de Mike Pompeo donnent à penser que les États Unis, et derrière eux Israël, ont mis leur veto aux Saoudiens. Israël et les États Unis sont, en effet, soucieux qu’aucun pays arabe, quelque soit son degré de partenariat avec les États Unis, ne dispose de la capacité d’enrichissement de l’uranium.

Toujours à cette même date de Mars 2018, en prélude à son voyage aux États Unis, dans une opération de relations publiques destinée à lui gagner les faveurs de l’opinion occidentale, MBS avait assuré à la chaine CBS que l’Arabie saoudite ne cherchait pas à se doter de la bombe atomique. « »L’Arabie saoudite ne souhaite pas acquérir de bombe atomique, mais il est évident que si l’Iran développait une bombe atomique, nous ferions de même, et dans les meilleurs délais », avait déclaré le prince héritier saoudien en 2018, rejetant la responsabilité de l’escalade sur l’Iran.

Le lobby pro nucléaire saoudien aux Etats Unis: les Mic Mac de Pillsbury Winthrop Shaw Pittman et de Jeremy Meyerfield and co.

Les propos du prince héritier saoudien ont coïncide avec la décision de Riyad de s’offrir les services de trois importants groupes de pression américains en vue du lobbying en faveur du nucléaire saoudien.

A- Pillsbury-Whinthrop-Shaw-Pittam

Sous Abdallah, la «Cité Atomique Roi Abdallah», pour surmonter la vive opposition du congrès américain au programme nucléaire saoudien avait conclu, en juillet 2011, avec Pillsbury-Winthrop-Shaw-Pittman, un contrat en vue de conseiller le gouvernement saoudien dans ses démarches visant à obtenir le feu vert de Washington au lancement du programme nucléaire saoudien.

Le coût de la prestation s’établissait comme suit:

  • Grands conseillers (senior): 875 dollars par heure de travail.
  • Moyens conseillers (junior): 775 dollars

sur une base de 10 heures de travail par jour avec un minimum garanti de 2.250 dollar par jour, soit trois heures de travail par jour en moyenne.

L’accord a été conclu pour une durée de trois ans. Mais, curieusement, la firme ne s’est livrée à aucune activité de lobbying dans ce domaine en faveur de la «Cité atomique Roi Abdallah».

Autre grosse surprise qui accentue le mystère, Pillsbury and co, dans une démarche non moins curieuse, a avisé le ministère américain de la justice que son contrat avec les Saoudiens avait pris fin, le 23 Janvier 2015, le jour de l’intronisation du Roi Salmane. S’est posé alors la question de l’identité des bénéficiaires de ce contrat de lobbying et son usage.

Nouveau rebondissement: A la veille de la visite de MBS aux Etats Unis, au printemps 2018, le ministère saoudien de l’industrie et des minerais, prenant la relève de «La Cité Atomique Roi Abdallah» concluait un contrat avec 3 groupes de pression pour aider Riyad à arracher l’agrément de Washington à un programme nucléaire à mettre en oeuvre à la «Cité Atomique». Riyad a sans doute jugé plus discret de mettre en avant le ministère de l’industrie et des mineraios et non la «Cité Atomique Roi Abdallah» dont l’un des termes sent le souffre.

Tout aussi curieusement, Pillsbury and co a été sollicité à nouveau dans cette transaction. L’accord conclu par mel le 18 février 2018 a été confirmé par une convention officielle, le 22 janvier 2019, à l’occasion de 4eme anniversaire de l’intronisation du Roi Salmane, 3 mois après l’équarrissage de Jamal Khashoggi.

Pillsbury est ainsi devenu agent officiel du ministère saoudien de l’industrie et son démarcheur officiel auprès de l’administration américaine.

B- Jeremy Meyerfield:

Signataire pour le compte du consortium Pillsbury de l’accord de lobbying pro saoudien, Jeremy Meyerfield est un homme d’influence et de réseaux, aux multiples facettes.

Délégué de la commission américaine pour la réglementation de l’énergie atomique (1997-2008), ancien conseiller juridique du Sénat américain, Jeremy Meyerfield est l’homme qui a supervisé l’opération fusion acquisition entre Westinghouse, General Electric et Brookfield Business, assurant au nouveau groupe la gestion de 450 réacteurs nucléaires à travers le monde. Il bénéficiait, de surcroît, du soutien de Donald Trump pour la fourniture à l’Arabie saoudite de réacteurs nucléaires.

Tâche sombre sur son tableau toutefois, Jeremy Meyerfield avait été accusé, deux mois avant sa retraite, d’avoir abusé de sa fonction en octroyant des facilités à trois entreprises, en contrepartie d’un emploi auprès de ces sociétés: Shaw Group, Westinghouse, General Electric.

Pillsbury deviendra par la suite le pivot d’une structure de Shaw Group, qui prendra le nom de Pillsbury-Winthrop-Shaw-Pittman LLP

Le consortium conclura un accord avec le prince héritier saoudien Mohamad Ben Salmane via David Colingten, ancien secrétaire de l’ARAMCO, le géant pétrolier saoudien, poste qu’il occupa de 2010 à 2018, avant de prendre sa retraite et d’ouvrir un cabinet d’avocat au Texas. Il percevra une prestation de 450.000 dollars pour prix de son intervention, dont l’objectif final est la l’adhésion saoudienne à la convention 123 américaine, ultime étape avant libre disposition d’un réacteur nucléaire çà usage commercial. Le contrat sera signé par le ministère saoudien de l’énergie et la cité atomique Roi Abdallah.

Tour cet édifice onéreux et structuré de même que le processus mis en œuvre pour accéder à la possibilité de lancer un programme nucléaire ambitieux fiable s’est effondré avec l’assassinat de Jamal Khashoggi. Toutefois, le sénateur Tim Kaine, (démocrate-Minnesosta), membre de la commission sénatoriale des Affaires étrangères, a accusé l’administration Trump d’avoir autorisé des transferts de technologie nucléaire au Royaume saoudien à deux reprises depuis l’élimination du journaliste saoudien: la première fois en octobre 2017, seize jours après l’équarrissage de l’opposant, et la deuxième fois, le 20 Février 2019.

Sur ce lien , pour le lectorat arabophone la déclaration du sénateur Tim Kaine

Pour aller plus loin sur le lobby pro saoudien aux Etats-Unis, cf :

Le nucléaire saoudien entre les phases de lucidité du Roi Fahd et les velléités de son frère, le prince Sultan.

Le Roi Fahd, qui régna 23 ans sur l’Arabie saoudite de 1982 à 2005, a exercé avant son accession au trône des responsabilités gouvernementales à des postes sensibles depuis 1962, date à laquelle il avait été nommé au poste clé pour la sécurité du Royaume de ministre de l’intérieur et vice premier ministre. En tandem avec son frère, le Prince Sultan, ministre de la défense, ils ont pris la décision d’engager l’Arabie saoudite sur la voie du nucléaire.

Mais le programme saoudien balancera entre les phases de lucidité de Fahd et les velléités de Sultan, sans le moindre progrès en 30 ans de balancement, mais générateurs néanmoins de considérables rétrocommissions pour les divers intervenants.

Amateur de la dive bouteille, pensionnaire assidu des salles de jeux des casinos d’Europe, Fahd renoncera toutefois aux plaisirs champêtres et rupestres pour se draper dans la dignité de gardien austère des lieux saints de l’islam. 5eme monarque, Fahd sera victime d’une attaque cérébrale en 1995. Il sera affligé une dizaine d’années d’hémiplégie, impotent à une période charnière de l’histoire du Golfe (1995-2005) marquée par la rupture avec Oussama Ben Laden, chef d’Al Qaida et la 2eme guerre du Golfe contre l’Irak.

Sur la dynastie wahhabite, cf ce lien

Ci joint le Témoignage de Mohamad Al Massari, tel qu’il a été rapporté par le journal libanais «Al Akbar», auteur de la révélation sur dossier nucléaire saoudien:

Titulaire d’un doctorat en physique nucléaire diplômé d’uune iniversité de la République Fédérale d’Allemagne, Mohamad Al Massari est un opposant historique à la dynastie wahhabite. Il a obtenu l’asile politique au Royaume-Uni en 1994. Il dirige le «Comité pour la défense des droits légitimes» du peuple saoudien, conseiller de la «Commission islamique des droits de l’homme».

«En 1987, j’ai été sollicité pour travailler au sein d’un comité chargé d’élaborer un programme nucléaire secret. Ce comité devait jeter les bases visant à doter le royaume saoudien de la capacité nucléaire, en s’appuyant principalement sur l’expertise saoudienne en la matière.

«Ce projet a été lancé à l’initiative d’un savant arabe résidant Londres, dont Massari ne rèvele pas l’identité, qui s’est adressé au prince Sultan en ces termes: «l’Arabie saoudite doit se lancer dans la mise au point d’un programme nucléaire afin de doter le royaume d’une force de dissuassion tant vis à vis de l’Iran que d’Israël et d’affirmer sa prééminence».

«A l’instigation du Prince Sultan, le comité secret a été constitué. Présidé par Rached Al Roubeidah, (Chimie), il était constitué de quatre autres savants spécialisés, l’un en géologie, l’autre en génie électrique, le 3eme en énergie, en plus de Massari (physique nucléaire).

«En fait l’objet secret du comité était de mettre au point un programme visant à doter l’Arabie saoudite de l’arme atomique. Le prince Sultan, ministre de la défense, a présidé les deux premières séances de travail du comité, lequel recommanda l’embauche de savants de pays arabes et musulmans, en leur octroyant la nationalité saoudienne.

Une demande en ce sens a été adressée au Pakistan.

«Lors de la 2me et ultime réunion, le prince Sultan était accompagné de deux officiers supérieurs saoudiens, qui avaient été missionnés pour servir d’officiers de liaison entre le prince et le comité. Cette décision a déplu aux scientifiques hostiles à l’idée qu’un programme scientifique, qui plus est nucléaire, soit placé sous le contrôle d’officiers dépourvus de compétence en la matière.

«Contournant la tutelle, le président du comité adressa directement une lettre au Prince Sultan pour faire valoir ses observations et réclar une 3eme réunion sous son égide. Ce message est demeuré sans réponse.

«Au terme d’une attente de trois mois, le président du comité renouvelle sa tentative. En vain. Le président du comité jugea alors que les Saoudiens n’étaient pas sérieux dans leur volonté de se lancer dans un programme nuclaire fiable.

Mohamad Al Massari pense que «le Roi Fahd n’était pas dans un état normal, car s’il avait été dans une phase de lucidité, il n’aurait jamais osé prendre cette décision, sachant pertinement qu’il se serait heurté à un veto abolu américain».

Fin du témoignage de Mohamad Al Massari

Le prince Sultan en visite dans un centre nucléaire au Pakistan

En 1999, Sultan se rend au Pakistan, qui avait procédé un an plus tôt à des expériences nucléaires. Le prince saoudien a visité le centre nucléaire de Kahuna, à proximité d’Islamabad, s’informant notamment sur le processus d’enrichissement de l’uranium, suscitant en retour de vives protestations de la part de Washington.

Depuis lors l’Arabie saoudite a multiplié les allusions sur sa possibilité d’acquérir une arme atomique auprès du Pakistan et de se lancer dans un programme nucléaire en vue d’améliorer la capacité de la bombe, en collaboration avec le Pakistan.

Les missiles chinois à la parade militaire de Hafr Al Baten

Invoquant la menace iranienne, lors de la phase des négociations de l’accord international sur le nucléaire iranien (5+1), l’Arabie saoudite a organisé en avril 2014 une grande parade militaire à la base de Hafr Al Baten, au nord est du Royaume, cloturant de manoeuvres militaires de grande envergure baptisées «Le Sabre d’Abdallah».

Lors de ce défilé, deux véhicules transportant des missiles de fabrication chinoise ont été montrés au public.

De type CSS-2, ces missiles avaient été achetés par l’Arabie saoudite en 1987, à l’époque de la constitution du comité scientifique secret saoudien. Mais leur participation à ce défilé révélait publiquement la possession par l’Arabie saoudite de vecteurs ayant la capacité de se doter de charges nucléaires.

Le défilé s’est déroulé en présence du chef d’état major de l’armée pakistanaise, le général Rahul Charaf, présent à la tribune d’honneur. Les observateurs en ont déduit que l’Arabie saoudite a voulu adresser un claire message sur sa détermination à se doter de l’arme atomique, en coopération avec le Pakistan, si les négociations sur le nucléaire iranien aboutissaient.

L’université de Princeton: L’Arabie saoudite n’a pas besoin de l’énergie atomique.

En mai 2014, soit un mois après la parade militaire de Hafr Al Baten, l’Université de Princeton un rapport établi par son laboratoire de prospectives nucléaires dans le cadre de son programme de recherche sur la sécurité mondiale, mettant en doute l’économie de l’électricté produite par l’Arabie saoudite.

Co signé par deux scientifiques, Ali Ahmad et M.F Ramaya, le rapport estimait que les «perspectives prometteuses offertes par l’énergie solaire en Arabie saoudite, tant du fait de la superficie du royaume que de son positionnement géographique, de même que les réserves de gaz naturel que recèle le sous sol du royaume (encore que 15 pour cent des reserves ont été à ce jour exploités), aboutissent à la conclusion ne saurait constituer une option sérieuse sur le plan économique pour l’Arabie».

«En optant pour la technologie nucléaire, l’Arabie saoudite ne vise pas un objectif économique. Son choix répond à d’autres considérations et vise un objectif politique et sécuritaire d’une grande compléxité», conclut le rapport.

Argument imparable, d’une grande limpidité.

Epilogue: L’Iran un préxtexte

L’Iran a servi de prétexte à toutes les turpitudes saoudiennes. Pendant un demi siècle, la dynastie wahhabite a financé à coups de milliards de dollars le terrorisme islamique, la subversion transcontinentale, du Nicaragua, à l’Afghanistan à l’Afrique, la destruction de nombreux pays arabes, notamment les régimes à structure républicaine (Irak, Syrie, Yémen).

Troisième pays au monde par l’importance de ses achats d’armement, le royaume n’est pas parvenu à vaincre son voisin yéménite, le pays le plus pauvre du Monde arabe, malgré une coalition pétromonarchique de sept pays, le soutien illimité et multiforme des pays occidentaux et des compagnies militaires privées, les mercenaires des temps modernes.

Au terme de six ans de guerre sans répit, la guerre du Yémen a produit son effet contraire, l’accroissement de l’influence régionale de l’Iran et la fragilisation concomittante du Royaume saoudien, désormais objet de la risée du monde, en proie au chantage permanent de son allié américain. Du fait de l’incompétence de la dynastie wahhabite, de son inconsistance et de son impuissance.

On ne saurait mieux dire.

En tournée électorale pour un 2me mandat, en 2019, il récidivera, «Sans nous ils ne tiendraient pas dix minutes face à l’Iran», décrochant au passage un nouveau contrat de 14 milliards de dollars d’armement de l’Arabie saoudite et des Emirats Arabes Unis

Cauda: le 4eme volet de ce dossier aura pour thème: L’Otan, la Russie et les avatars du nucléaire arabe

René Naba

Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l'AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l'information, membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme et de l'Association d'amitié euro-arabe. Auteur de "L'Arabie saoudite, un royaume des ténèbres" (Golias), "Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l'imaginaire français" (Harmattan), "Hariri, de père en fils, hommes d'affaires, premiers ministres (Harmattan), "Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David" (Bachari), "Média et Démocratie, la captation de l'imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l'Association d'amitié euro-arabe. Depuis 2014, il est consultant à l'Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l'Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Editorialiste Radio Galère 88.4 FM Marseille Emissions Harragas, tous les jeudis 16-16H30, émission briseuse de tabous. Depuis le 1er septembre 2014, il est Directeur du site Madaniya.

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