Par Michel Pautot
Le football français devient «mondial».
«Un nombre croissant de grands clubs de football est contrôlé par des intérêts financiers étrangers à leur pays de localisation», souligne l’économiste du sport Wladimir Andreff.
C’est bien le cas de la France avec des investisseurs chinois et américains à Nice, des qataris pour le PSG, des américains à Marseille et Bordeaux, des russes à Monaco, ou encore luxembourgeois-espagnol à Lille.
Bref, le football français devient «mondial», mais en 2012, le Figaro.fr titrait déjà: «Les milliardaires étrangers à la rescousse du foot français». Dans d’autres disciplines, c’est plus rare, des clubs ont été rachetés par des étrangers: le Stade Français (Suisse) et le Paris Handball devenu le PSG Handball (Qatar).
La France terrain d’investissement attractif !
Première ligue, l’UCPF et EY sont clairs: Le football français s’est affirmé au cours des dernières années comme terrain d’investissement attractif pour les investisseurs étrangers.
Outre les investissements remarquables dont ont bénéficié le PSG et l’AS Monaco, des investisseurs chinois et américains sont entrés au capital de l’OL, de l’OGC Nice et de Marseille. Ce phénomène se décline d’ailleurs en Ligue 1 comme en Ligue 2, puisque des investisseurs chinois sont entrés au capital de l’AJ Auxerre, du FC Sochaux et un fonds d’investissement dans celui du RC Lens.…», dans le Baromètre des impacts économiques et sociaux du football professionnel – changement de rythme (nov. 2017) «Où sont les patrons du foot français!», s’exclame l’agent François Torres.
Les motivations des investisseurs étrangers?
Les motivations peuvent être variées[1]: améliorer l’image de marque de sa société, diversifier son activité, faire du business, développer une marque, réaliser d’autres affaires, rechercher de la rentabilité, réaliser un «bon coup financier», réaliser des transferts, achat, reventes, grâce aux plus-values, sauver un club, gagner des titres…
«Les Américains ou encore les Chinois sont attirés par le savoir-faire français en termes de formation. Leur idée est d’apprendre, indépendamment de la gestion du club. En France, tout le monde s’est brûlé les doigts. Les gros industriels qui sont rentrés dans le football, ça leur a coûté beaucoup d’argent. Car le système est resté très dépendant des résultats sportifs, des ventes de joueurs…», précisait Luc Dayan, spécialiste de la reprise des clubs pros en 2016, à L’Equipe.
Le développement de recettes passe par l’internationalisation, c’est l’avis de Jean-Pierre Rivère, Président de l’OGC qui dans le Baromètre précité de Première Ligue-UCPF-EY, estime qu’ «au cours des dernières années, l’OGC Nice a vécu deux changements majeurs. Il y a six ans, nous avons cherché à entrer en contact avec des investisseurs afin qu’ils accompagnent notre croissance à moyen terme.
Si leur arrivée nous a offert davantage de facilités, il ne s’agissait pas d’investissements massifs. Aujourd’hui, ils sont partie prenante dans le développement de nos recettes commerciales, qui représentent aujourd’hui notre enjeu numéro 1, mais aussi dans notre stratégie d’internationalisation du club».
«Une majorité de clubs français sont à la recherche d’un second souffle sur le plan financier et sollicitent des investisseurs pour solidifier l’actionnariat ou se faire remplacer», a déclaré l’économiste Christophe Lepetit à L’Humanité.
Mais attention, «l’équation financière d’un club de football est une des plus complexes qui soit, avec des actifs humains aléatoires (les contrats de joueurs qui peuvent se blesser ou quitter le club), des risques économiques importants liés à l’aléa sportif. Et une spécificité française concernant les stades qui n’arrange pas les affaires : l’essentiel des enceintes appartient à des collectivités locales», n’hésite pas à pointer Jean-François Fournel dans La Croix.
Le cas anglais[2] est intéressant Les investisseurs étrangers font de bonnes affaires en Premier League, d’après Anthony Alyce qui dans Ecofoot.fr, citait, il y a quelques années, le cas de Manchester United qui «fêtait le dixième anniversaire de l’actionnariat Glazer à la tête du club. Alors que l’arrivée de la famille américaine à la tête du club mancunien avait été vivement critiquée à l’époque, elle est aujourd’hui considérée comme une belle opération par les experts financiers britanniques. Valorisé à 790 M£ au moment du rachat en 2005, le club de MU vaut aujourd’hui 1,650 milliard de livres d’après les calculs opérés par le Daily Mail… ».
Et les joueurs nationaux ?
Rugby: Le projet Ambition 2023 du Stade Français
Si l’on excepte le football, il y a peu d’investisseurs étrangers dans les autres sports français.
L’entrepreneur suisse Hans-Peter Wild a racheté le Stade Français et son ambition est double: gagner des titres et le développement de jeunes talents nationaux: «(Re)faire du Stade français Paris d’ici 2023, le Club de Rugby le plus passionnant au monde en (re)gagnant les trophées les plus prestigieux et le cœur des Parisiens et des amateurs de Rugby. Notre projet pour le Rugby Paris sera donc avant tout celui de la formation, de la révélation et de l’accompagnement sur les scènes nationales et internationales de jeunes talents, notamment français».
Paris Saint-Germain
Le Paris Saint-Germain a été racheté à deux reprises par des étrangers: d’abord, par Colony Capital, fonds d’investissement américain en 2006 puis par Qatar Investment Authority en 2011.
A l’époque de la vente du PSG en 2011, Sébastien Bazin, responsable de Colony Capital Europe précise dans le communiqué de presse: «notre responsabilité en tant qu’actionnaire était également de préparer l’avenir. C’est pourquoi nous avons recherché le meilleur partenaire possible pour assurer au PSG une place dans l’histoire. Nous l’avons trouvé avec notre nouvel associé qui partage cette ambition. Il a pris la mesure de l’importance du travail effectué par l’ensemble du management actuel du club et souhaite collaborer avec lui afin de poursuivre les efforts entrepris par le PSG pour atteindre les plus hauts niveaux».
Cette «place dans l’histoire» est en marche. Le club, présidé par le qatari Nasser Al-Khelaïfi, domine outrageusement le football français et a su attirer de grandes stars étrangères comme le suédois Zlatan Ibrahimovic, l’anglais David Beckham, l’argentin Angel di Maria, le brésilien Neymar ou le français Kylian MBappé, mais le Championnat français manque à l’évidence de concurrents sérieux pour l’inquiéter, à l’exception de Monaco en 2017.
L’investissement des qataris dans le club parisien n’est pas surprenant et s’inscrit dans une politique globale d’investissement du Qatar en France, les relations entre le Qatar et la France étant excellentes, et également dans le sport en général, en vue de la perspective de la Coupe du monde de football 2022 (cf. Legisport n°124 de mars-avril 2017 «Qatar: la diplomatie par le sport»).
Cependant, son bilan européen n’est pas encore gagnant, le club n’étant pas encore arrivé à se hisser dans le dernier «carré» de la Ligue des Champions[3], mais la victoire à Old Trafford le 12 Février 2019 à Manchester est très encourageante.
Monaco
En Décembre 2011, l’homme d’affaires russe Dmitri Rybolovlev rachète le club de Monaco alors qu’il occupe les profondeurs de la Ligue 2. «C’est le commencement d’un nouveau partenariat efficace dans l’intérêt du développement de l’AS Monaco FC. Je suis un fervent supporteur de football.
Ayant vécu depuis suffisamment longtemps à Monaco, je réalise que l’AS Monaco FC n’est pas seulement une des équipes sportives de la Principauté mais qu’elle représente aussi un des principaux symboles de la Principauté, sa fierté et ses traditions. Je crois que ce Club a un énorme potentiel. J’espère qu’il saura le réaliser de façon pleine et entière tant au niveau national qu’au niveau européen», estime Dmitry Rybolovlev lors de l’achat du club.
De son côté, S.A.S. le Prince Albert II indique que l’arrivée de l’actionnaire était inévitable: «Les exigences du football moderne confrontent nombre de clubs, même de haut niveau, à des difficultés financières. Il était donc inévitable que l’ASM-FC trouve un partenaire de choix pour se développer. L’accord conclu ouvre une nouvelle page de l’histoire de l’équipe de football si chère à la Principauté dont je souhaite qu’elle retrouve progressivement la stature qui, par le passé, a fait d’elle l’un des fleurons de la vie sportive de Monaco».
Dmitri Rybolovlev a eu raison de croire au «potentiel» de son club puisque celui-ci a remporté le Championnat de France avec à la clé une place de demi-finaliste de la Ligue des Champions (saison 2016-2017). «Son modèle économique repose sur le trading (achat-vente à grands renfort de plus-value)», pour Le Parisien.
Effectivement, sur les ventes, si l’on se réfère à un article publié par L’Equipe.fr, le retour sur investissement est de 631% sur Kylian Mbappé, Bernardo Silva, Tiemoué Bakayoko et Benjamin Mendy. Le bilan de Monaco est également bonifié par l’éclosion de Kylian Mbappé, aujourd’hui à Paris et un des leaders de l’équipe de France Championne du Monde en Russie en Juillet 2018. Aujourd’hui, le club est très mal placé et la présente saison 2018-2019 est marquée par les limogeages d’entraîneurs. Sur nicematin.com le 14 Février 2019, Dmitry Rybolovlev revient sur le départ de Vadim Vasilyev, vice-président.
Sochaux
Peugeot, c’est fini! Crée en 1928 par le constructeur automobile, le FC Sochaux est racheté en Juillet 2015 par l’entreprise chinoise Ledus.
Denis Worbe, Président du FC Sochaux-Montbéliard, a expliqué que «la cession du club est l’aboutissement d’une démarche entreprise il y a plus d’un an afin de maintenir l’ambition du club. Il était important pour la région, les supporters et tous ceux qui oeuvrent à sa réussite que ce club historique du football français soit repris par un groupe ayant une politique sportive ambitieuse et une stratégie sur le long terme.
Nous sommes convaincus de la pertinence du plan préparé par le Groupe Ledus et souhaitons une grande réussite au club, à ses équipes et à ses salariés Ledus».
Wing Sang Li, Président du Groupe Tech Pro Technology, a quant à lui exprimé sa «satisfaction»: «c’est un événement majeur pour le groupe Ledus et son développement en France et en Europe. Les échanges que nous avons eus durant six mois ont démontré la notoriété du club et la qualité de l’ensemble de ses équipes et de ses collaborateurs. Cela nous conforte dans nos ambitions, notamment sportives, et dans notre volonté de nous inscrire dans la durée pour continuer la grande saga du FCSM !». Aujourd’hui, les résultats du club franc-comtois sont décevants en Ligue 2 et la grogne est souvent récurrente chez les supporters (cf. L’Est républicain, page précédente: «climat d’insurrection»)
Le Havre
En Juillet 2015, l’homme d’affaires américain Vincent Volpe rachète le Havre AC, club doyen du football français avec l’objectif de remonter en Ligue 1. Comme Sochaux, Le Havre est toujours en Ligue 2 mais avec des résultats bien meilleurs (par exemple, 4ème lors de la saison 2017-2018) que le club doubiste.
Lens
C’est le Tribunal de Commerce de Paris qui permet en Mai 2016 le rachat du RC Lens alors en Ligue 2 par la société luxembourgeoise Solférino. Aujourd’hui, le RC Lens est encore en Ligue 2.
Nice
L’OGNC Nice est passé sous pavillon britannique l’été 2019 avec la décision de la DNCG de valider la transaction menée par le milliardaire britannique Jim Ratcliffe va devenir le nouveau propriétaire du club azuréen.
A la tête d’Ineos, entreprise spécialisée dans la pétrochimie qu’il a lui-même fondé. James Ratcfliffe, –l’homme le plus riche de Grande-Bretagne, dont le patrimoine est estimé à quelque 24 milliards d’euros–, a déboursé près de 100 millions d’euros, faisant de l’OGCN le club le plus cher de l’histoire du foot français.
Cette transaction a été conclue trois ans après le rachat du club niçois par un tandem sino américain. L’anglais Edward Blackmore et un prince saoudien avaient annoncé leur prise de contrôle du club en Janvier 2016 mais c’est en Juin 2016 que le rachat du club de Nice a été officialisé par des investisseurs américains Paul Conway et Elliott Hayes et chinois Chien Lee et Alex Zheng.
Les débuts sportifs sont excellents avec le recrutement de l’entraîneur allemand Lucien Favre et l’attaquant italien Mario Balotelli, mais en Janvier 2019, le Président Jean-Pierre Rivère quitte le club. La politique de vente de joueurs de Nice ne fait pas l’unanimité.
«Que recherche-t-on: des résultats sportifs ou financiers?», s’exclame un supporter du club Gabriel La Ruffa:«les investisseurs étrangers de l’OGCN sont là pour faire des coups financiers. Exemples du mercato d’été avec Jean-Michaël Seri qui est parti pour 30 millions d’Euros en Angleterre à Fulham, ou encore avec Alasane Plea transféré pour 25 millions en Allemagne au Borussia Mönchengladbach…
Pour le mercato qui vient de s’achever fin Janvier 2019, les actionnaires voulaient vendre, malgré l’avis contraire de l’entraîneur Patrick Vieira, le milieu Adrien Tameze, acheté 700 000 € à Valenciennes à Cardiff pour 9 à 10 millions d’Euros malgré la volonté du joueur de rester ! L’italien Mario Balotelli a, lui, été transféré à l’OM ».
Olympique de Marseille
Après l’échec du canadien Jack Kachkar en 2007, l’Olympique de Marseille a trouvé son repreneur en Août 2016 avec l’homme d’affaires américain Frank McCourt, bien connu avec notamment le marathon de Los Angeles et le club de base-ball des Dodgers. Comme l’affirme le quotidien La Provence, l’OM c’est «le rêve américain».
Pour Frank McCourt, il s’agit de «participer à l’histoire de l’Olympique de Marseille et guider le club vers le succès, à la fois sur le terrain et en-dehors; c’est un honneur et un privilège pour ma famille et moi-même. L’OM est à la fois l’un des clubs de football les plus anciens et les plus respectés au monde, c’est aussi le seul club français à avoir remporté la Ligue des Champions de l’UEFA et c’est surtout l’une des marques les plus iconiques du monde du sport». Après une finale prometteuse de l’Europa League en 2017-2018 contre l’Atlético Madrid, la saison est marquée par des résultats en dents de scie.
Auxerre
En Octobre 2016, le club d’Auxerre, alors en Ligue 2 est vendu à la société chinoise ORG Packaging (James Zhou). Le club est toujours en Ligue 2.
Lille
L’homme d’affaires hispano-luxembourgeois Gérard Lopez, ancien Président de Lotus F1 Team, rachète le Lille OSC en Janvier 2017 après avoir été en contact pour reprendre l’OM. Le bilan de Gérard Lopez est très positif puisque le club de Lille est très bien parti pour se qualifier pour la Ligue des Champions, occupant en Mars 2019 la 2èmeplace de la Ligue 1.
Bordeaux
En Novembre 2018, les Girondins de Bordeaux passent sous pavillon américain avec le rachat par GACP dirigé par Joseph DaGrosa qui déclare se réjouir de «travailler avec ce grand club pour l’aider à réaliser son plein potentiel».
Deux clubs français le FC Nantes et le SCO Angers sont la propriété de Waldemar Kita (franco-polonais) et Saïd Chabane (franco-algérien).
- «L’histoire financière du football s’est brusquement accélérée» (P. Bertrand, Les Échos). Pour Pierre Rondeau à The Conversation: «si beaucoup d’investisseurs étrangers s’intéressent au football français, c’est d’abord parce que les acteurs nationaux se détournent de notre sport». «Aujourd’hui, les clubs professionnels sont quasiment des entreprises comme les autres, ils attirent donc de plus en plus d’acteurs étrangers» (B. Drut, L’Humanité)
- Certains clubs ont remporté la Coupe d’Europe comme Chelsea ou Manchester United. Liverpool a été finaliste de la Ligue des Champions 2018
- Le Paris Saint-Germain est le premier club en France, à avoir débuté un match de Championnat de France sans joueur français le 1erDécembre 2013