Dernière mise à jour le 20 janvier 2024
Par Abdallah As Sinnawi, adaptation en version française René Naba https://www.madaniya.info/
Auteur de l’ouvrage «Achille blessé», éditorialiste au journal «Ahram on Line» et contributeur au quotidien libanais «Al Akhbar».
Mohamad Hassanein Heykal, incorruptible, s’est révélé un casse-tête pour le Mossad qui a cherché à l’enrôler. Mais le confident du président égyptien Gamal Abdel Nasser s’est systématiquement refusé au moindre contact non seulement avec les officiels ou les services israéliens mais même avec un ressortissant israélien de base.
Ce constat est dressé par le journaliste égyptien Abdallah as Sinnawi au terme d’une étude minutieuse des archives israéliennes concernant les tentatives menées par les Israéliens pour tenter de prendre contact avec le directeur de l’influent journal égyptien «Al Ahram».
«Le moindre de ses propos, tous ses faits et gestes étaient soumis à un examen minutieux des services secrets israéliens et occidentaux. Son célèbre éditorial qui paraissait tous les Vendredis dans «Al Ahram» était instantanément traduit et communiqué aux divers centres de décision en Israël et dans les pays occidentaux pour décrypter la pensée du président Gamal Abdel Nasser, dont Heykal était le confident», écrit notamment Abdallah As Sinnawi dans sa chronique parue dans le quotidien libanais «Al Akhbar» en date du 24 Février 2022, sous le titre «Le complexe de Heykal dans les archives israéliennes».
Pour le locuteur arabophone, le récit sur ce lien
Heykal: un nationaliste fougueux, un Rédacteur en chef de légende.
Les services secrets israéliens étaient admiratifs devant la professionnalisme de Heykal, «un rédacteur en chef de légende», «mais aussi l’âme maléfique qu’il insufflait contre nous à tous les étages de l’immeuble de 13 étages d’Al Ahram» selon l’expression de Simbar Perry (orthographe phonétique), chroniqueuse des affaires arabes du journal Yedioth Aharonot.
Un décryptage systématique des écrits de Heykal s’étendant de la guerre d’Octobre 1973, au voyage du président Anouar El Sadate en Israël, en Novembre 1977, soit une période de 4 ans, révèle que la préoccupation majeure de Heykal était la «sécurité nationale de l’Egypte et du Monde arabe».
Amir Orim (orthographe phonétique), chargé de questions de défense et du renseignement au journal Haaretz, a tenté, en vain, d’entrer en contact avec Heykal pour savoir si le confident de Nasser accepterait de rencontrer des dirigeants israéliens en marge de la présence de Nasser à la session de l’Assemblée générale des Nations Unies de 1960, l’unique voyage à New York du président égyptien.
Orim avait eu le feu vert du Mossad pour mettre au point un plan détaillé en vue d’organiser une rencontre entre Heykal et les responsables israéliens. Le stratagème du journaliste israélien devait déboucher progressivement sur une rencontre entre Nasser et Moshé Dayan, le ministre israélien de la défense de l’époque.
Une étude approfondie des écrits et des conférences de Heykal a conclu à «l’impossibilité pour le journaliste égyptien de se prêter à une telle manœuvre… Heykal était un nationaliste fougueux, furieux de la puissance d’Israël en augmentation constante. Heykal n’était pas du genre à être corrompu par l’argent et Rien n’a pu être décelé pour donner à penser que le confident de Nasser pouvait être vulnérable à un quelconque chantage afin de le conduire à collaborer avec Israël», concluait Orim.
Selon Orim, le Mossad avait caressé en fait le projet d’enrôler Heykal à son service, à tout le moins d’en faire un agent d’influence afin d’influer sur la politique égyptienne. Via Heykal, le Mossad cherchait en fait à percer le mode de raisonnement de Nasser.
En 1967, Heykal, lucide, écrivait ceci à propos de la fermeture du Golfe d’Akaba, qui précipita la guerre entre Israël et l’Égypte: «L’affaire ne se réduit pas au Golfe d’Akaba. L’affaire dépasse ce cadre et porte sur la conception israélienne de la sécurité, sur la philosophie de la sécurité d’Israël. Tôt ou tard, Israël finira par recourir aux armes».
Le Mossad tirera des conclusions biaisées des écrits de Heykal pour les besoins de sa propagande en lui attribuant les conclusions suivantes: «Israël est certes menacé ne peut être vaincu… La guerre d’Octobre 1973, marquée par la destruction de la Ligne Bar Lev et le franchissement du Canal de Suez, a apporté la preuve qu’en dépit de l’amélioration qualitative du rapport des forces des Arabes, il n’est pas possible d’infliger une défaite à Israël en raison du décalage abyssale qui existe entre Israël et son environnement arabe, d’autant plus marquant qu’Israël poursuit son expansion et se renforce au fur et à mesure que le temps passe».
Heykal avait pourtant clairement affirmé publiquement qu’«Israël, en dépit de sa faculté de tirer profit des situations qui s’offraient à lui ne parvenait pas à terroriser les Arabes. Les capacités d’Israël ne sont pas extraordinaires et sa défaite est possible», rappelle Abdallah As Sinnawi.
En fait, les Israéliens ne pardonnent pas à Heykal d’avoir été l’homme qui a exhorté l’opinion publique arabe à considérer, dès 1964, la question palestinienne comme une question fondamentale en partant des considérations suivantes:
- Israël est une base d’agression au service de l’impérialisme occidental;
- Israël est l’obstacle majeur à la réalisation de l’Unité arabe.
- Israël a des visées expansionnistes au détriment du Monde arabe.
De l’importance d’Al Ahram dans la vie nationale arabe.
Al Ahram, sous la direction de Heykal, a été le plus important journal arabe; l’unique quotidien lu avec la plus grande attention par le plus grand nombre de locuteurs arabophones à travers le monde.
La relation de Heykal avec Nasser a dépassé le cadre d’une solide relation entre un journaliste et un dirigeant politique. La plume de Heykal et son habilité professionnelle considérable lui ont conféré un prestige exceptionnel au point que tout ce qu’il écrivait était perçu comme étant dicté par Nasser en personne.
Les Israéliens considéraient Heykal comme étant un «stratège animé d’une haine à l’encontre d’Israël derrière toutes les décisions qui ont menacé la sécurité d’Israël».
Au terme de cet exposé, la question qui se pose, selon Abdallah As Sinnawi, est de savoir si le Mossad a planifié l’assassinat de Heykal. La réponse, selon lui, se trouve dans les archives secrètes des services israéliens si tant est ils décident de les rendre publiques.
Les articles de M. Abdallah As Sinawi parus dans madaniya, ci joint:
Illustration
Archive Al Ahram