Pour les États, les Jeux Olympiques, c’est plus que du sport !

Pour les États, les Jeux Olympiques, c’est plus que du sport ! 1600 1200 Serge & Michel Pautot

Serge et Michel Pautot, Avocats au barreau de Marseille, spécialistes du Droit du Sport, rédacteurs en chef de LEGISPORT. Contributeurs https://www.madaniya.info/

Prologue

Un ancien déporté du travail obligatoire (STO), porteur de la flamme olympique le 9 Mai 2024 à Marseille, demande réparation.

Albert CORRIERI, porteur de la flamme olympique le 9 Mai 2024 à Marseille, mais victime de la déportation en Allemagne dans le cadre du service du travail obligatoire promu par l’Etat de Vichy est toujours en quête de reconnaissance pour les moments d’horreur qu’il a eu à subir au camp 6, baraque 1023 de LUDWIGSHAFEN et qui le hantent encore aujourd’hui.

Victime du collaborationnisme d’Etat, il demande réparation pour sa déportation et le travail forcé qui lui a été imposé, 79 ans après les faits.

Mr Albert CORRIERI, âgé aujourd’hui de 102 ans  est le doyen des porteurs de la flamme olympique. Il  a adressé sa réclamation à l’ONACVG (Office National des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre). Il est assisté de Me Michel Pautot, avocat au barreau de Marseille.

La tragédie de M. Corrieri est narrée par M. Michel FICETOLA, historien, président de Massaliotte culture et auteur de l’ouvrage «L’opération Sultan», récit de cet épisode tragique à Marseille au cours duquel Mr Albert CORRIERI a été contrôlé, fiché puis déporté pour le service du travail obligatoire (1943-1945).

La politique n’est jamais loin du sport surtout lorsqu’il s’agit d’un événement aussi prestigieux que les Jeux Olympiques.

Une analyse de Me Michel Pautot

Fin de la note.

Texte publié dans le n°165 (janvier-février 2024) du bulletin d’informations juridiques sportives LEGISPORT.

Le mouvement olympique a pour objectif de promouvoir le développement des qualités physiques, morales qui sont les bases du sport, éduquer par le sport la jeunesse dans un esprit de meilleure compréhension et d’amitié, contribuant ainsi à un monde meilleur. Mais depuis longtemps, la politique s’immisce dans le sport notamment depuis les Jeux de Berlin (1936). L’exemple sud-africain est bien connu (à la fin de l’apartheid, l’Afrique du Sud a été réintégrée et participera de nouveau aux Jeux Olympiques en 1992 à Barcelone). La Coupe du monde de football au Qatar est un autre exemple de l’immixtion de la politique et la guerre en Ukraine est venue récemment percuter le sport. On parle à présent de « géopolitique ».

Avec les évènements politiques, des disciplines, des sportifs et des équipes sont ou ont été absents des Jeux, marqués par des boycotts (cf. à ce propos l’étude de MM. Michel Caillat et Jean-Marie Brohm sur ce sujet dans Les dessous de l’olympisme « les jeux Olympiques des boycotts »).

« Perçus comme des vitrines des pays hôtes souhaitant défendre et améliorer leur image, voire comme une tribune planétaire pour formuler revendications et prises de position, les JO n’ont eu de cesse, tout au long de leur histoire, d’être le reflet de rivalités géopolitiques, qu’il s’agisse de l’attribution de l’organisation de la compétition ou du décompte de médailles », souligne Pascal Boniface, directeur de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques dans JO politiques.

Mais au-delà de l’aspect sportif ou géopolitique, Denis Masseglia, grand artisan de l’attribution des Jeux Olympiques à Paris et ancien Président du Comité National Olympique et Sportif Français est clair : « il nous faut expliquer que les Jeux ne sont pas qu’un rendez-vous sportif réservé aux meilleurs athlètes du monde, doublé d’un spectacle de haute intensité.

Ils sont aussi prioritairement un formidable accélérateur de prise de conscience de ce que la pratique sportive peut apporter aux sociétés modernes. Avant d’être une finalité, ils sont d’abord un moyen. Il ne suffit pas de dire que le sport est bon pour la santé, le lien social ou l’intégration, encore faut-il que cela se traduise dans un projet gouvernemental de société ».

Dans l’ouvrage L’Olympisme – genèse, principes & gouvernance, Eric Monnin, directeur du CEROU (Centre d’Etudes et de Recherches Olympiques et Universitaires) souligne que « les Jeux sont un vecteur de valeurs et portent en eux un message plus grand que l’affrontement sportif » et également d’évoquer l’Agenda olympique 2020 élaboré et adopté par le Comité International Olympique : « Il s’agit pour les villes désireuses d’accueillir les JO de présenter un projet olympique unique qui s’inscrive dans un projet à long terme… ». « La question de la durabilité des Jeux restera centrale, ce qui est clairement exprimé dans l’Agenda 2020 », indique Jean-Loup Chappelet dans Jeux Olympiques – raviver la flamme.

Revaloriser l’EPS, un enjeu majeur de l’héritage olympique ? Oui. Les députés Stéphane Mazars et Stéphane Peu, rapporteurs de la mission d’information sur les retombées des jeux recommandent de passer à 4 heures hebdomadaires d’EPS pour les élèves de primaire et de collège, et à 3 heures hebdomadaires pour les lycéens.

Promouvoir une société pacifique, un des principes de la Charte olympique et de l’ONU

La Charte Olympique est claire dans ses « principes fondamentaux » : « le but de l’olympisme est de mettre le sport au service du développement harmonieux de l’humanité en vue de promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine ».

La paix par le sport est régulièrement rappelée par l’Organisation des Nations Unies. Le 21 novembre 2023, l’Assemblée Générale adoptait une résolution 78/10 intitulée « Edification d’un monde pacifique et meilleur grâce au sport et à l’idéal olympique ».  Elle considère notamment que l’appel lancé par le Comité International Olympique le 21 juillet 1992 en faveur d’une trêve olympique pourrait contribuer pour beaucoup à la promotion des buts et des principes énoncés dans la Charte des Nations Unies. L’ONU demande aux États Membres d’observer la Trêve olympique dans l’esprit de la Charte des Nations Unies, tant individuellement que collectivement, tout au long de la période qui s’étend du septième jour précédant l’ouverture des Jeux de la XXXIII ème Olympiade au septième jour suivant la clôture des XVIIes Jeux paralympiques, qui se tiendront à Paris en 2024.

Paix et sport, fraternité des peuples

Déjà, le 2 novembre 1993, l’Assemblée Générale de l’ONU adoptait lors de sa 48ème session la résolution 48-11 « respect de la Trêve olympique », considérant que l’appel à cette Trêve a été lancé par le CIO et 184 Comités olympiques.

L’Organisation de l’Unité Africaine n’avait pas manqué de déposer précédemment un mémoire pour l’édification d’un monde meilleur et pacifique grâce au sport.  La paix par le sport n’avait pas manqué d’être débattue lors de plusieurs colloques organisés par LEGISPORT « Sport, Europe, Méditerranée », récemment en mai 2023 (cf. « Colloque LEGISPORT : le sport peut-il contribuer à la paix ? », LEGISPORT n°162) ou encore celui du 25 septembre 2010 qui avait permis une réconciliation entre les dirigeants algériens et égyptiens présents (cf. « Colloque Sport et Méditerranée : LEGISPORT réconcilie l’Algérie et l’Egypte », LEGISPORT n°86).

Philippe Housiaux, président du Panathlon Wallonie-Bruxelles a proposé, dans « sport et citoyenneté », « la descente des drapeaux, symbole d’un sport audacieux et responsable engagé vraiment pour la paix ».  Ajoutons que l’Église catholique a lancé « Holy Games » avec pour mobilisation de « célébrer à travers le sport l’éminente dignité de la personne humaine et l’appel à la fraternité entre les peuples ».

Palestine, Russie …

Le sport est parfois en avance sur la politique. En rugby, l’équipe d’Irlande est unifiée… Pour les Jeux Olympiques, à Londres en 2012, une délégation palestinienne était présente… « C’est un succès pour la diplomatie du Comité International Olympique qui peut ainsi démontrer que le sport agit pour la paix mondiale », estime Jean-Jacques Bozonnet dans Sports – un enjeu politique.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, la question de la participation des sportifs russes aux compétitions internationales ne cesse d’être posée mais dans certaines disciplines, des sportifs et des équipes russes ont été exclues . La Commission exécutive du CIO a décidé le 9 décembre 2023 d’admettre les athlètes individuels russes neutres sous certaines conditions strictes.

Serge & Michel Pautot

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