Note de la rédaction
En prévision de la traditionnelle allocution de fin d’année du président Emmanuel Macron, https://www.madaniya.info/ publie, par anticipation, –dans une lecture en contrechamps–, l’analyse de Michel Raimbaud, ancien ambassadeur de France, ancien Directeur de l’OFPRA, (Office français de protection des réfugiés et apatrides) sur la diplomatie française et de la relégation de la France dans la hiérarchie des grandes puissances, sur fond d’un paysage politique dévasté par la calamiteuse décision de Jupiter de France de dissoudre l’Assemblée nationale dans la foulée de la désastreuse campagne pour les élections européennes de juin 2024, alors que le pays est plombé par une dette publique inégalée, pointé du doigt pour sa duplicité dans la guerre israélo-palestinienne de Gaza.
La France n’exporte pas seulement des composants défensifs pour le Dôme de fer, mais aussi des pièces permettant le fonctionnement des fusils mitrailleurs susceptibles d’avoir été utilisés contre les civils palestiniens. Paris a autorisé, fin octobre 2023, la livraison à Israël d’au moins 100 000 pièces de cartouches destinées à des fusils mitrailleurs de type Negev 5 Ces armes automatiques sont susceptibles d’être utilisées contre des civils à Gaza.
Les armes à destination d’Israël étaient stockées dans un hangar appartenant à Eurolinks, une société marseillaise spécialisée dans la fabrication d’équipements militaires. Eurolinks, le fournisseur de la société israélienne Elbit Systems, est implantée dans la technopôle de Château-Gombert, dans le 13ème arrondissement de Marseille, a bâti sa réputation lors de la guerre du Vietnam et de la guerre d’Algérie. Ce projet de technopôle, porté par la Métropole Aix Marseille, rapproche l’usine Eurolinks de Polytech et d’autres établissements d’Aix Marseille-Université, partenaires des entreprises françaises de l’armement et de la surveillance tels que Thalès et Safran.
Selon le rapport 2023 soumis par le ministère français des Armées en juillet 2022 au Parlement, la France a exporté près de 200 millions d’euros d’armement à Israël entre 2013 et 2022, faisant de Paris l’un des plus grands exportateurs d’armes à Israël après les Etats Unis, qui constituent la première source étrangère d’approvisionnement pour Israël.
La chute du gouvernement de Michel Barnier le 4 décembre 2025 par une motion de censure, ouvre une nouvelle période d’incertitude politique, ouvrant la voie à d’autres configurations inédites avec un risque de blocage de la vie politique.
Sur le plan économique, l’annonce en cascade, depuis le 5 novembre 2024 de la fermeture de deux usines Michelin à Cholet (Maine et Loire) et à Vannes – soit 1 254 salariés – d’un plan social chez Auchan (2 389 emplois), puis de ma mise en redressement judiciaire du chimiste Vencorex (500 emplois) a soulevé une vague d’inquiétude dans le pays, sur fond de mécontentement du monde agricole, à l’arrière-plan d’un “hiver démographique”.
Au cours des neuf premiers mois de 2024, la natalité a encore reculé de 2,7 % par rapport à 2023, selon l’Insee. En 2023, seuls 677.800 bébés sont nés, soit 6,6 % de moins qu’en 2022, « une diminution d’une ampleur inédite depuis la fin du baby-boom », relève l’Institut de la statistique dans son « Focus », publié ce jeudi 14 novembre, souligne-t-il. Une chute de près de 20 % des naissances en treize ans.
De surcroît, la dette publique de la France a en effet dépassé pour la première fois le seuil symbolique de 3 000 milliards d’euros au premier trimestre 2024, remontant à 112,5 % du produit intérieur brut (PIB), contre 111,8 % à la fin de décembre 2022. A cette somme s’ajouteront 285 milliards d’euros en 2024. Jamais la France n’aura autant emprunté sur une seule année. Près de la moitié de son budget est désormais financée par des emprunts sur les marchés.
Le traité européen de Maastricht de 1992 fixait pour les États une limite de dette publique à 60 % du PIB, seuil que la France a dépassé à la fin de l’année 2002, pour ne plus jamais repasser en dessous depuis.contemporaine et le positionnement de la France dans le Monde, alors que la France est affligée d’une dette record, qui grève et son développement économique et sa recherche scientifique.
L’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) a annoncé, vendredi 31 mai, la baisse de la note de la France, du troisième cran AA au quatrième AA −, sanctionnant la « détérioration de la position budgétaire » du pays. Jusqu’alors, la France était notée AA par l’agence américaine, une excellente appréciation, mais assortie d’une perspective négative.
« Le déficit budgétaire de la France en 2023 a été nettement plus élevé que ce que nous avions prévu », a justifié dans une analyse accompagnant la note la société américaine, qui s’attend à ce que le déficit ne puisse revenir sous 3 % du PIB d’ici à 2027. S&P note la France depuis 1975 et n’a revu son appréciation à la baisse qu’à deux reprises. C’est la première agence à avoir retiré à l’Hexagone son emblématique triple A en 2012, meilleure note possible et symbole d’une excellente gestion, dont un petit cercle bénéficie encore, à l’instar de l’Allemagne et de l’Australie.
Une dette publique à 111 % du PIB, un déficit à 5,5 pour cent. L’endettement de la France s’est envolé ces dernières années. C’est aussi le cas aux États-Unis, où la dette publique est encore plus élevée : à 125 % du PIB. Le déficit américain, quant à lui, atteignait 6,3 % en septembre. La comparaison devrait jouer en faveur de la politique économique d’Emmanuel Macron. Pourtant, force est de constater que la France ne peut pas se vanter de parvenir aux mêmes résultats que les Américains… Outre-Atlantique, Amazon, Meta, Google ou encore Microsoft drainent l’économie. La France, de son côté, n’a aucun champion technologique.
Grand perdant de la mondialisation et de l’européanisation du continent européen sous l’égide de l’Allemagne, la France est aussi la grande perdante de la bataille du Covid en ce qu’elle a été l’unique pays membre permanent du Conseil de sécurité à n’avoir produit un vaccin anti Covid. Tuile supplémentaire, la France, dans la foulée de la perte de la Syrie, a perdu, par effet domino, le Mali, le Burkina Faso, la République Centrafricaine, et le Niger autrement dit, son pré-carré africain, le socle de son rayonnement culturel.
Fin de la note
L’analyse de Michel Raimbaud
Il fut un temps, naguère, où la France avait une politique arabe, une politique africaine, une politique d’indépendance nationale, fondée notamment sur son statut de puissance nucléaire, une politique de grandeur, disait-on en ricanant parfois, mais on en était fier : De Gaulle était soucieux du rang de la France.
Sans rien renier, il proposait une sorte de troisième voie, un non-alignement en ces temps de guerre froide. Il était capable de reconnaître la Chine Populaire, premier occidental à oser le faire, de prononcer le discours de Phnom-Penh aux portes du Vietnam où sévissait l’Amérique. Il parlait de la Russie, des « Soviets », ou de la Chine avec respect. Et il décolonisait. C’était De Gaulle.
Un demi-siècle s’est écoulé. Notre pays est chassé d’Afrique, pays après pays, au fil des discours mal ajustés et paternalistes, des interventions militaires ratées, des abus reprochés aux entreprises expatriées, etc…
Par contre, l’actualité a mis en évidence le tropisme « israélien » effusif et exclusif des élites, ignorant le génocide, les images atroces venant de Gaza, les déclarations infamantes et déshumanisantes, la volonté d’exterminer et de déposséder les Palestiniens de leur terre, une posture qui contraste de manière flagrante avec la vigueur de la solidarité de la population en faveur de la cause palestinienne. Il n’y a d’ailleurs plus vraiment de politique arabe cohérente, excepté à l’égard de quelques émirats abrahamiques .
Pour aller plus loin sur ce thème, cf; ce lien
- https://www.madaniya.info/2023/12/12/france-gaza-un-plan-abracadabrantesque-francais-pour-la-cessation-des-hostilites-a-gaza/
- https://www.madaniya.info/2024/01/29/liban-etats-unis-softwar-5-5-la-france-sur-une-autre-planete-au-liban/
Les partenaires de l’Union Européenne peuvent par contre enregistrer comme une divine surprise l’ouverture d’esprit de la France en marche qui semble réceptive à l’idée sacrilège de les faire profiter de sa puissance nucléaire. Dans son grand élan européiste, ne paraît-elle pas parfois plus portée qu’il ne faudrait, à faire de même quand notre précieux statut de membre permanent du Conseil de Sécurité, obtenu à l’arraché lors de la création de l’ONU. En résumé, la « grande nation » est complètement « revenue au bercail atlantique », comme disait M. Sarkozy. Toute référence à l’intérêt national, à la défense nationale a disparu. Ce qui semble ne choquer personne dans le mainstream français.
Le Président ne fait pas mystère de son rêve de promouvoir une Europe de la défense et, au nom d’une identité collective fantôme, de franchir le pas vers une Europe fédérale dont il se verrait bien le chef de guerre, prenant la succession d’Ursula, l’usurpatrice. Cette liaison successorale semble prendre la relève du « couple franco-allemand », lequel a apparemment mal vieilli.
Le Président actuel aime bien le vieux Joe : il suffit de contempler les deux chefs d’Etat en entretien (probablement sur Gaza) , un cornet de glace à la main ! En tout état de cause, ils ne cachent pas leur complicité sur les deux dossiers majeurs du moment, l’Ukraine et ce qu’ils appellent la guerre Israël-Hamas.
Il est dans l’air du temps de faire beaucoup de zèle avec Volodymyr Zelensky, présenté comme un phare de la démocratie. Le 16 février 2024, Emmanuel Macron a signé avec le héros un accord de coopération, avant de recevoir à l’Elysée les chefs d’Etat et/ou de gouvernement de 21 pays occidentaux, 17 européens ainsi que le Canada, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Suède. Ses déclarations surréalistes ont fait sensation : « Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre ». Ou encore : « Je n’écarte pas la possibilité d’envoyer des troupes militaires en Ukraine », suggérant de « créer une coalition pour les frappes dans la profondeur et donc les missiles et bombes de moyenne et longue portée ».
Pour ceux qui n’auraient pas compris ce jargon, l’occupant de l’Elysée a précisé : car « la défaite de la Russie est indispensable à la sécurité et à la stabilité en Europe ». Certes, a-t-il concédé, « il n’y a pas de consensus à ce stade, mais en dynamique, rien ne doit être exclu »…
On ne sait pas si c’était voulu, mais il est sûr que, par ses déclarations intempestives sur « la menace russe », il a mis la France en position périlleuse, au-devant de la scène, ce qu’à Dieu ne plaise ?
C’est étrange. On aurait pu penser à l’inverse qu’il n’y a pas de sécurité possible ou de stabilité envisageable sans la participation active de la Russie. C’était le principe couramment admis jusqu’ici. La Russie est et restera notre voisine.
Il suffit de regarder la carte et de constater la place qu’y occupe le plus vaste pays de la planète (plus de 17 millions de km2, 150 millions d’habitants, sa première puissance militaire, y compris nucléaire, sans doute devenue (depuis la guerre en Ukraine) la première puissance économique de l’Europe.
Pas un mot sur une perspective de paix, de négociation, de recherche d’une solution.
Nos « élites » évoquent avec désinvolture la menace de guerre nucléaire, comme si c’était une fatalité. C’est pourtant le moment ou jamais de tout faire pour éviter la catastrophe…
Le monde de la guerre froide était certes marqué par la coexistence de deux blocs adverses voire ennemis, mais ces derniers avaient conscience de partager la même planète.
Ils étaient d’accord sur le fait qu’ils devaient régler les conflits selon des critères convenus d’un commun accord et selon le droit international, dans le cadre de l’ONU. Tel n’est plus le cas en 2024, dès lors que la planète est clairement divisée en deux « mondes » de plus en plus hostiles : l’Occident collectif » qui compte pour 10% de la population mondiale et le « Sud global » tricontinental (Eurasie, Afrique, Amérique Latine) qui a vocation à rassembler les 90% restants.
La société internationale va finir par se séparer en deux camps dans tous les domaines, si ce n’est déjà fait, y compris pour les Jeux Olympiques et l’Eurovision….
Entre les deux, les canaux de la diplomatie (la nôtre a été en quelque sorte démantelée) paraissent d’ores et déjà rompus, ce qui est préoccupant. En outre, le langage guerrier semble bien dérisoire, surtout lorsqu’il oppose directement des pays dont le potentiel est de plus en plus déséquilibré, militairement et économiquement, l’un très « suiviste » dans un bloc en perte de vitesse et l’autre à la tête d’un ensemble multipolaire en pleine expansion.
L’Ukraine est loin de la France. L’Ukraine n’est pas notre pays et la guerre d’Ukraine n’est pas notre guerre. Qui pourrait avoir envie d’envoyer nos jeunes mourir pour Zelensky ?
Paraît-il que « nous ne pouvons pas accepter l’hypothèse d’une victoire de Vladimir Poutine qui représenterait la fin de la démocratie ukrainienne, mais aussi la défaite stratégique, militaire, politique et morale de l’Occident ». C’est Manuel Valls qui a parlé. Laissons ce revenant, qui a épousé et abandonné tant de causes, régler le dilemme.
Michel Raimbaud, ancien ambassadeur de France, ancien directeur de l’Ofpra, conférencier, essayiste. Auteur de plusieurs ouvrages, notamment : Le Soudan dans tous ses états. Tempête sur le Grand Moyen-Orient. Les Guerres de Syrie. Syrie : Guerre globale : fin de partie ? (livre collectif)