Que se passe-t-il en Syrie ?

Que se passe-t-il en Syrie ? 2560 1851 Anis Balafrej

Dernière mise à jour le 21 décembre 2024

L’attaque contre le régime de Bachar el-Assad, via les milices d’Idlib, est intervenue le jour même de la conclusion de l ‘accord de cessez-le-feu entre le Liban et Israël, le 27 novembre.

Hayat Tahrir as cham a combattu en Ukraine contre la Russie; Il n’a, en revanche, pas tiré un coup de feu contre Israël en soutien au Hamas, qui sont comme eux des combattants islamistes sunnites arabes.
retour sur ce mic mac.


Que se passe-t-il en Syrie ?

Du jour au lendemain, la Syrie est passée du camp de la résistance au théâtre d’une « révolution islamique » menée par la Turquie et justifiée par le président Recep Tayib Erdogan par l’incapacité de son homologue syrien Bachar al-Assad à répondre à sa demande des réformes internes.

Dès l’entrée des milices de Abou Mohammad El Jolani à Damas, le dimanche 8 décembre, le premier ministre israélien Benyamin a déclaré que la chute du régime baasiste était une victoire historique pour Israël. Il s ‘est donc empressé de faire entrer ses chars dans le territoire syrien et a occupé le reste du Golan jusqu’au mont Hermon, tandis que ses avions bombardaient les infrastructures militaires, les dépôts d’armes, l’aviation, les bases navales et tout ce qui concernait de près ou de loin la Défense Nationale, avec environ 800 raids.

Quant au turc, il a déclaré que les clés de la région sont désormais «aux mains de la Turquie». Alors que des fêtes se tenaient à Damas et que Hayat Tahrir al-Sham déclarait le vendredi 14 décembre «Vendredi de la victoire», le génocide se poursuivait à Gaza, à 400 kilomètres de là.

La Syrie n’était-elle pas la cible de la même coalition israélo-occidentale, responsable du génocide à Gaza, parce qu’elle soutient la résistance et a joué un rôle clé pendant 14 mois, en facilitant son approvisionnement en armes et
munitions depuis l’Iran ?

Yahya Al-Sinwar, le chef militaire du Hamas, dans son dernier discours quelques jours avant son martyre, avait d’ailleurs remercié la Syrie.

Mais la Syrie était le maillon faible de l’axe de la résistance parce que c’est un pays occupé:

  • par les États Unis d’Amérique, qui pille ses puits de pétrole du
    Nord-Est,
  • par Israël , qui occupe le Golan et qui viole quasi-quotidiennement son espace aérien et bombarde les cibles qu’il veut,
  • Enfin, par la Turquie, qui occupe des territoires au Nord-Ouest, sous prétexte de lutter contre le terrorisme, alors qu’il parraine et finance des groupes terroristes issus d’Al-Qaïda et de l’État islamique établis à Idlib, en Syrie.

C’est également le maillon faible, car il subit un blocus économique international depuis 13 ans. L’économie s’est effondrée et le niveau de vie des Syriens a considérablement diminué.

Enfin, c’est le maillon faible car le régime s’est complètement coupé du peuple et facilité l’accès de la famille Assad aux postes clés et aux richesses.

Pour se maintenir au pouvoir, il avait recours aux formes les plus cruelles de répression incluant enlèvements, arrestations, tortures, déplacements forcés de population et d’assassinats.

La population a manifesté dans les rues en signe de fête. Mais comment fêter les milices d’Idlib entrées à Damas, lourdement armées, et qui pendant les 15 mois de guerre et de génocide à Gaza, n’ont pas tiré une seule salve contre l’occupant qui massacre leurs frères ?

Toutes les craintes sont permises quant à l’avenir du pays. Qui le protégera des visées israéliennes ambitions qui se confirment chaque jour ?

Les dirigeants sionistes ne cachent plus que les frontières orientales d’Israël atteignent l’Euphrate à l’Est de la Syrie.

Quel objectif poursuit alors le président Erdogan en s’alliant avec la coalition américano-israélienne pour lancer une attaque contre le régime de Bachar el-Assad, en activant les milices d’Idlib, le jour même de la conclusion de l ‘accord de cessez-le-feu entre le Liban et Israël, le 27 novembre?

Y-voit-il l’occasion de prendre la place de l’Iran en Syrie et d’y devenir le maître du jeu?

Scénario certainement préparé de longue date par les États Unis et Israël et mis en œuvre, après la nouvelle cuisante défaite israélienne au Liban, pour isoler le Hezbollah de sa base arrière.

Erdogan y voit l’occasion de dominer la Syrie et, par-delà, toute la région.

Pourra-t-il imposer une « paix », même si cela se fait aux dépens du droit du peuple palestinien à la liberté et à l’indépendance?

Si Erdogan cherchait réellement à promouvoir une solution juste en Palestine, comme le prétendent ses thuriféraires Frères Musulmans, il aurait dû aider la résistance palestinienne et libanaise, en armes et munitions, en soutien logistique et il aurait dû, pour ce faire, s’allier à l’Iran.

Erdogan a fait juste le contraire. Il a fermé la Syrie à la résistance palestinienne, comme l’a clairement déclaré Al-Jolani, et a arrêté les approvisionnements en armes et équipements pour le Hezbollah en provenance
d’Iran.

Plus grave, sa stratégie fragilise la Syrie et y encourage les ambitions expansionnistes d’Israël. Et après ?

Les sionistes planifient dans le temps long et en secret depuis l’époque des premiers fondateurs.

Les dirigeants arabes vivent dans l’inconscience et la futilité, laissant à Erdogan le terrain libre pour agir en Syrie.

Mais le peuple Syrien n’a pas dit son dernier mot. Il est certain, que du chaos, ressurgisse une résistance qui mènera à la vraie libération démocratique.
Le front syrien viendra alors renforcer les fronts palestinien et libanais pour combattre l’occupation de la Palestine.

Plus que jamais, la Palestine devient le creuset mondial pour la défense du Droit et une ligne de démarcation claire entre Droit et Non-Droit, entre Justice et Loi de la Jungle, entre Éthique et Corruption.

Le martyre des enfants et des opprimés de Gaza que la machine génocidaire sioniste continue «d’épurer», aura servi à éveiller l’humanité.
Rien ne sera plus jamais comme avant.

Sur le rôle de la Turquie dans la guerre de Gaza :

Illustration

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Version originale

Anis Balafrej

Ingénieur, diplômé de l’École Centrale Paris, membre éminent du militantisme marocain pro palestinien, Anis Balafrej est le fils de Ahmed Balafrej, chef du parti Al Istiqlal, (L’indépendance), animateur du combat contre le protectorat français sur le Maroc.

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